@rib News, 03/06/2015  - Source Fondation Roi Baudouin

Le Prix Roi Baudouin pour le Développement en Afrique remis à l’organisation burundaise ADISCO pour son rôle dans le renforcement et la promotion de l’autonomie des communautés locales

L’organisation burundaise ADISCO est la lauréate du Prix International Roi Baudouin pour le Développement en Afrique 2014-2015 décerné par la Fondation Roi Baudouin.

ADISCO a été distinguée « pour son action qui stimule l’esprit d’entreprise, la création de coopératives et de mutuelles de santé, afin de renforcer l’autonomie financière des individus et de changer durablement les conditions du vivre ensemble de la population burundaise. » L’organisation touche plus de 200.000 Burundais. [Photo : le Roi Philippe félicite Deogratias Niyonkuru, le secrétaire général d’ADISCO]

Le Prix lui a été remis ce mercredi après-midi au Palais royal de Bruxelles par Françoise Tulkens, présidente de la Fondation Roi Baudouin, en présence du Roi et de la Reine.

C’est avec beaucoup d’humilité que je reçois ce prix au nom d’ADISCO. Bien que le Burundi traverse une période extrêmement délicate, ADISCO n’a pas perdu de vue sa mission de réconcilier les populations, a dit Deogratias Niyonkuru, le secrétaire général et co-fondateur d’ADISCO, dans son discours au Palais royal.

Fondée en 2006 par des cadres burundais qui avaient décidé de revenir au pays à la faveur du retour de la paix, l’association ADISCO (Appui au Développement intégral et à la Solidarité sur les Collines) adopte une vision diamétralement opposée à celle des programmes d’assistance mis en place depuis la fin de la guerre civile : mobiliser les ressources des paysans et paysannes burundais pour accroître leur autonomie et construire avec eux des modèles économiques viables.

Vision et fonctionnement d’Adisco 

ADISCO part de l’idée que la pauvreté puise ses racines dans la perte de confiance en soi, qui alimente à son tour un sentiment de fatalisme et de résignation. ADISCO veut encourager les gens à comprendre qu’ils ne sont pas condamnés à la pauvreté, a souligné Deogratias Niyonkuru.

Pour cela, ADISCO mise sur ceux qu’elle appelle des ‘ferments’ : des hommes et des femmes représentatifs de leur communauté et reconnus par elle, moins pour leur expertise purement technique que pour les valeurs humaines qu’ils incarnent. Après avoir suivi une formation, ces figures de référence constituent autour d’eux des ‘groupes d'autopromotion et de solidarité’ (des IGG en kirundi). C’est à partir de ces noyaux que naissent divers projets.

À contre-courant des filières exclusives, ADISCO aide les populations des collines à développer des exploitations familiales intégrées. Ce type d’agriculture limite les risques de dépendance face aux fluctuations du climat, des maladies et des marchés, préserve les ressources naturelles et assure la sécurité alimentaire et des revenus des communautés locales. ADISCO stimule la création de coopératives multi-filières autogérées (notamment pour le café, essentiel pour le Burundi), en vue de mutualiser les coûts de gestion et de rendre les paysans plus forts dans leurs négociations avec les différents intervenants. Aujourd’hui, plus de 2.100 IGG réunissent quelque 100.000 personnes.

Étant donné la surexploitation et l’exiguïté des terres au Burundi, il est indispensable de promouvoir également des emplois non agricoles. C’est pourquoi ADISCO appuie les porteurs de projets d’entreprenariat à valeur ajoutée pour l’économie locale, et en particulier les jeunes, pour qu’ils puissent avoir plus facilement accès à la formation et à l’information technique et commerciale.

La santé est le troisième grand domaine d’action d’ADISCO. La pauvreté et l’insécurité ont fortement dégradé les conditions sanitaires, en particulier parmi les plus pauvres. Pour répondre à ce défi, ADISCO soutient la création de mutuelles de santé qui permettent une prise en charge collective des coûts des soins de santé pour les habitants des collines. Le mouvement prend de l’ampleur : on dénombre aujourd’hui 25 mutuelles qui touchent ensemble 113.442 personnes.

> Au total, les programmes et structures mis en place touchent aujourd’hui plus de 200.000 citoyens burundais. 

Françoise Tulkens, la présidente de la Fondation Roi Baudouin, l’a souligné avant de remettre le Prix : Le projet ADISCO est à la fois simple et ambitieux. Ambitieux par son objectif : permettre l’avènement de collines solidaires, prospères et dignes. Simple par son approche : mobiliser les ressources des paysans et des paysannes burundais eux-mêmes pour accroître leur autonomie et construire ensemble des modèles économiques viables. 

La politique financière est aussi une des originalités d’ADISCO, explique Déo Niyonkuru : Nous limitons les financements externes, car cet argent ‘froid’ génère rarement un développement durable. Toutes les initiatives locales sont d’ailleurs entièrement autonomes sur le plan financier. Elles fonctionnent grâce à des cotisations pour les mutuelles de santé, des prises de parts sociales pour les coopératives ou encore un système de tontine africaine améliorée pour les IGG. 

ADISCO peut compter depuis plusieurs années sur un nombre limité de fidèles partenaires financiers. En Belgique, elle a notamment pour partenaires la Coopération belge, Louvain Coopération, Solidaris Mutualité, Solidarité Socialiste et Wereld Solidariteit-Solidarité Mondiale.

Un modèle facile à reproduire, au Burundi et en Afrique

Le modèle d’ADISCO se propage facilement parce qu’il est simple, solidement ancré dans la culture africaine et les savoirs locaux, et qu’il dépend très peu du financement extérieur. En quelques années à peine, plus de 2.000 IGG ont vu le jour dans les quatre régions d’intervention prioritaires d’ADISCO (Kirimiro, Buyenzi, Mumirwa et Bugesera). ADISCO veille à ce que les initiatives soient conçues et animées par les populations elles-mêmes, et en particulier par ceux qui sont traditionnellement exclus de la prise de décision : les femmes, les jeunes, les plus défavorisés, les minorités… 

> Ce modèle est aussi reproductible dans d’autres pays africains, un argument qui a été pris en compte par le comité de sélection du Prix. Le lauréat doit inspirer et illustrer les multiples changements positifs initiés par les Africains, pour l’Afrique. Le Comité de Sélection a été impressionné par la conviction d’ADISCO que le développement durable passe par le renforcement du pouvoir des populations ainsi que de leur autonomie – ADISCO est justement le genre de modèle que nous recherchons, rappelle Koen Vervaeke, Président du Comité de Sélection du Prix, Directeur pour la Corne de l'Afrique, l’Afrique orientale et australe et l’Océan indien, et Coordinateur principal pour les Grands Lacs au Service Européen pour l'Action Extérieure.

Enfin, dans la mesure où les causes de la pauvreté sont aussi liées à des politiques qui dépassent le cadre local, ADISCO mène aussi un travail de mise en réseau avec d’autres acteurs de la société civile burundaise. L’organisation participe ainsi à de nombreuses instances où elle fait entendre la voix des paysans des collines. Avec succès : des fédérations de coopératives ou de mutuelles ont déjà réussi à infléchir des politiques agricoles et de santé.

Le Prix Roi Baudouin pour le Développement en Afrique 

Le Prix vise à récompenser le travail de personnes ou d’organisations qui apportent une contribution importante au développement en Afrique. Le Prix est particulièrement attentif aux initiatives qui sont exemplaires dans leur domaine, ayant fait leurs preuves dans l’amélioration de la qualité de vie des communautés locales et qui offrent aux populations locales la possibilité de prendre en main leur propre développement.

Au-delà de sa valeur financière de 200.000 euros, le Prix offre à ses lauréats une opportunité unique de développer leur visibilité et promouvoir leur cause auprès d’une audience internationale. Le Prix Roi Baudouin pour le Développement en Afrique est décerné tous les deux ans par la Fondation Roi Baudouin.