PANA, 30 janvier 2016 Retrait d’accréditation de deux journalistes occidentaux à la sortie de prison au Burundi Bujumbura, Burundi - L’envoyé spécial du journal français, Le Monde, Jean-Philippe Rémy, et le photojournaliste britannique indépendant, Phil Moore se sont vus retirés les accréditations malgré une remise en liberté par le parquet de Bujumbura après avoir été arrêtés, jeudi dernier, puis incarcérés pendant 48 heures, suite à leur présence «suspecte» sur un théâtre d’opération policière dirigée contre un groupe de présumés «criminels armés», à Nyakabiga, un quartier contestataire de la capitale burundaise, apprend-on de source proche du conseil national de la communication (CNC, organe public de régulation des médias).
Ce sont deux «gros poissons» de la presse étrangère qui étaient tombés dans le filet de la police burundais, à en croire certains éléments de leur parcours professionnel qu’on doit à l’Agence France presse (AFP). Jean-Philippe Rémy, 49 ans, est basé en Afrique depuis 1998, d’abord à Nairobi, puis aujourd’hui à Johannesburg, en Afrique du Sud. C’est aussi un lauréat du prestigieux «Prix Bayeux» des correspondants de guerre qui lui a été décerné, en 2013, pour un reportage en Syrie. Phil Moore, 34 ans, quant à lui, a effectué de nombreux reportages à travers l’Afrique, le Pakistan et la Bolivie. Son travail a notamment été exposé en 2013 au réputé festival de photojournalisme, «Visa pour l’Image de Perpignan», au Sud de la France. Dans un entretien téléphonique avec la PANA, le président du CNC, Richard Giramahoro a indiqué que les accréditations pourront être remises aux deux envoyés spéciaux occidentaux, à condition qu’ils soient blanchis au terme de toutes les procédures administratives et judiciaires qui ont été engagées contre eux. Il y a, d’abord, un communiqué du ministère de la Sécurité publique qui met en doute le caractère purement professionnel des reporters pour avoir été arrêtés au milieu d’un groupe de jeunes présumés «criminels», a encore motivé la décision du président du CNC. Il y a, ensuite, une correspondance du parquet général de la république au CNC qui annonce des procédures judiciaires en cours contre les deux reporters français et britannique. Le CNC, de son côté, ne s’en est tenu qu’à l’article 9 qui lui donne le droit de retirer les accréditations «aux journalistes qui abusent des facilités qui leur ont été accordées», a dit M. Giramahoro. La section 2 du même article stipule normalement que «tout journaliste étranger, souhaitant couvrir une ou plusieurs activités se déroulant sur le territoire du Burundi, doit se faire accréditer auprès du CNC après avoir produit des preuves professionnelles et administratives nécessaires à cette fin, notamment le passeport, ainsi que le visa de séjour, la carte de service, l’ordre de mission spécifiant l’objet et la durée de la mission». Un «black out» médiatique obligé s’installe, petit à petit, au Burundi alors qu’une situation de politique intérieure est en train de virer vers une insurrection armée porteuse de germes d’une nouvelle guerre civile après plus de neuf mois d’un conflit électoral mal résolu entre le pouvoir et l’opposition. Au moins deux rébellions armées se sont déjà déclarées et montrées menaçantes en ce début d’année 2016, faisant craindre sérieusement le retour à une nouvelle guerre civile après celle de 1993 à 2006 qui hante encore les esprits des Burundais pour avoir décimé plus de 300.000 personnes et envoyé en exil forcé autour d’un million d’autres citoyens, malgré des dénégations officielles qui font savoir que le pays est sûr sur «99%» du territoire national. Les Nations unies parlent déjà d’au moins 400 tués et autour de 300.000 réfugiés depuis le début de la crise, en avril dernier, ainsi que des charniers dont Amnesty international dit avoir connaissance à travers des enquêtes de terrain, autour de la capitale burundaise, contre encore les avis officiels à Bujumbura. Cette situation de guerre civile larvée fait que les journalistes étrangers viennent encore à compte gouttes, tandis que leurs confrères du pays ont fui en masse vers l’extérieur par peur pour leur sécurité. La réhabilitation de la liberté de la presse figure parmi les principales revendications de l’opposition dans la perspective encore hypothétique d’un dialogue inclusif de tous les protagonistes de la crise au Burundi qui est vivement encouragé, par ailleurs, par la communauté internationale sous diverses formes, dont des pressions économiques, diplomatiques et militaires. Les Burundais passent le week-end suspendus sur les décisions qui vont sortir du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Union africaine (Ua) dont la plus attendue est le vote d’une résolution autorisant, ou non, la venue d’une force militaire de stabilisation de la situation de guerre civile larvée au Burundi et porteuse de danger de contagion pour le reste de la sous-région des Grands Lacs africains. |