PANA, 29 mai 2016 Reportage par Ferdinand Bigumandondera, correspondant de la PANA à Bujumbura Bujumbura, Burundi - Il est à peine 19 heures locales (17 h Gmt) quand une équipe de journalistes d’une zone périphérique décide d’écourter une réception à l’intention des professionnels des médias chez un diplomate américain du centre-ville de Bujumbura pour rentrer assez tôt par ces temps d’un fléau imprévisible de grenades ayant ensanglanté, samedi encore, Kinama, l’un des quartiers périphériques à haut risque du nord la capitale burundaise.
Un récent rapport du ministère de la Sécurité publique faisait état d’un millier de grenades qui ont été lancées par des insurgés depuis le début de la crise politique et des droits humains consécutive à un conflit électoral mal résolu entre le pouvoir et l’opposition, il y a plus d’un an au Burundi. Avant de prendre congé du diplomate américain, lui-même barricadé derrière des murs épais surélevés de fils barbelés et gardés par des vigiles aux aguets, l’itinéraire divise déjà notre équipe pour rentrer au nord de la ville et l’un des repères connus des lanceurs embusqués de grenades. Le choix porte finalement sur le flanc ouest du nord de la capitale burundaise, mais s’avère être le moins bon car, à peine engouffrés dans le quartier populaire de Kinama, on entend un bruit assourdissant à l’horizon, avant d’apercevoir un grand attroupement, civils et policiers confondus, autour de blessés dans une explosion encore fumante de grenade en pleine rue très fréquentée. Les blessés s’avèrent être deux femmes et « vous avez de la chance car il y a à peine deux minutes qu’un inconnu a lancé la grenade dans la route », confie un jeune homme habillé en civil à une barrière improvisée faite de cordelettes nouées les unes au bout des autres pour filtrer la circulation. "On va finir par nous exterminer tous au rythme où explosent les grenades", soupire le jeune homme, apparemment désarçonné. "Nous essayons de faire face par des rondes nocturnes", ajoute-t-il, mais sans dissuader les malfaiteurs qui sont facilités dans leur sale besogne par l’absence d’éclairage public et les buissons qui montent par endroits plus haut que les maisonnettes en terre cuite du quartier populaire de Kinama. La barrière se baisse sous notre pression de quitter les lieux qui commençaient à s’emplir de trop de silhouettes humaines incertaines. La veille, non loin de là, à Ngagara et Bwiza, deux explosions de grenades avaient eu lieu, sans toutefois faire de dégâts humains connus, pour les rares fois en pareilles circonstances. Les corps de défense et de sécurité tentent de prévenir et juguler le fléau des grenades à leur façon, notamment par des rafles policières massives qui ont battu tous les records, samedi à l’aube, au centre-ville de Bujumbura où au moins 500 suspects ont été brièvement embarqués pour un contrôle inopiné d’identité. Les précédentes interpellations oscillaient jusque-là entre 100 et 300 personnes, essentiellement à la périphérie sud de la capitale burundaise, un autre fief d’insurgés tapis dans l’ombre d’une grave crise politique liée à un conflit électoral mal résolu entre le pouvoir et l’opposition, il y a plus d’un an au Burundi. Début mai, le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, avait donné deux mois aux corps de défense et de sécurité pour démanteler les derniers groupes d’insurgés, principalement à Bujumbura, la capitale burundaise où se trouve le gros de ses opposants politiques et en armes. Le "tout sécuritaire", comme unique réponse à la violente crise politique et des droits humains, fait néanmoins douter certains autres analystes qui misent plutôt sur une solution négociée entre les parties prenantes au conflit dont le pourrissement fait de plus en plus craindre une nouvelle guerre civile après celle des années 1990-2000 encore fraîche dans les mémoires des Burundais. |