La Libre Belgique, 10 juin 2016 

Le médiateur des négociations interburundaises, Benjamin Mkapa - ancien président de la Tanzanie - rencontrera ce vendredi à Bruxelles la coalition de l’opposition burundaise Cnared-Giriteka. La crise au Burundi inquiète grandement les pays voisins, notamment en raison des 270 000 Burundais réfugiés chez eux.

"Dialogue" à Arusha

M. Mkapa a organisé, à la fin mai, un "dialogue de sortie de crise" à Arusha (Nord de la Tanzanie), siège de la négociation et de la signature d’un accord de paix historique, qui avait mis fin à la guerre civile burundaise (1993-2005). Cet accord a été violé par le président burundais Pierre Nkurunziza lorsqu’il s’est présenté à un troisième mandat, en 2015.

L’obstination de celui-ci à rester au pouvoir en dépit de l’Accord d’Arusha a déclenché des manifestations, une violente répression, une crise économique, un coup d’Etat raté, des rafles meurtrières de jeunes gens supposés opposants dans la capitale, une épuration de l’armée de ses membres d’ethnie tutsie (l’Accord d’Arusha fixait un quota de Tutsis qui n’est plus respecté aujourd’hui) et jusqu’à l’arrestation de lycéens de 14 à 16 ans accusés d’avoir griffonné sur une photo du chef de l’Etat figurant dans des manuels scolaires.

La coalition pas invitée

Fin mai, conformément au désir de Bujumbura, M. Mkapa n’avait pas invité à Arusha la coalition des principaux partis d’opposition, le Cnared-Giriteka. Seuls des représentants de certains des partis membres avaient été invités, ce qui a été compris comme une tentative de division de la coalition.

Le "dialogue" d’Arusha a donc réuni des représentants du gouvernement avec ceux du parti au pouvoir (le CNDD-FDD), de partis ralliés au régime et des membres de la société civile, additionnés de quelques-uns des invités issus du Cnared qui n’ont pas respecté la discipline de groupe. Parmi ceux-ci figurent notamment Léonard Nyangoma (CNDD), président du Cnared jusqu’il y a peu, quand il a été remplacé à ce poste par Jean Minani; un membre du Frodebu; plusieurs de l’Uprona.

Dans la pratique, M. Mkapa a tenu à Arusha des rencontres bilatérales à huis clos avec chacun des groupes présents. Et aujourd’hui, le voici à Bruxelles, pour réparer l’absence d’invitation du Cnared à Arusha - une victoire pour ce dernier qui a pu imposer son identité de coalition.

Secrétariat pas neutre

Lors de la discussion, le Cnared-Giriteka insistera notamment sur le renvoi, loin de la table de pourparlers, du secrétaire général de l’East African Comunity - qui a nommé le médiateur - Libérat Mfumukeko.

Chargé du secrétariat de la médiation, M. Mfumukeko a, depuis sa nomination à ce poste international, été désigné ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du président burundais, position qu’il a acceptée, ce qui entache sa neutralité. Le Cnared-Giriteka juge qu’au sein de la médiation, il travaille pour le président Nkurunziza et doit donc être écarté des discussions.

Marie-France Cros