Editions Le Pays, 13 juillet 2016 Assassinat de Hafsa Mossi au Burundi : Le décompte macabre se poursuit Le décompte macabre se poursuit au Burundi. Hier, l’ancienne ministre chargée des relations avec la communauté des Etats d’Afrique de l’Est, Hafsa Mossi, a été assassinée à Bujumbura dans la capitale burundaise par des hommes armés de pistolets automatiques et de kalachnikov AK 47. Cet assassinat vient allonger la liste déjà kilométrique des crimes politiques au Burundi. Mais il vient aussi témoigner une fois de plus du climat délétère qui règne au Burundi depuis que Nkurunziza s’est, contre vents et marées, autorisé un troisième mandat. Qui a donc osé envoyer ad patres cette députée burundaise de l’Assemblée de la communauté des Etats d’Afrique de l’Est et pourquoi ?
Difficile pour l’heure d’apporter des réponses exactes à ces questions. Mais une chose est certaine, ce crime est d’ordre politique car le mode opératoire est le même que celui des nombreux assassinats ciblés que le pays a enregistrés ces derniers temps. A priori, l’on pourrait croire que c’est l’opposition qui est derrière la disparition de Hafsa Mossi. Et cela pour plusieurs raisons. La victime était proche de Nkurunziza, car elle a été son porte-parole lors de son élection en 2005. Elle était un cadre du CDD-FDD, le parti au pouvoir. Mais l’on pourrait aussi y voir la main du président-pasteur, même si ce dernier donne l’impression d’être affligé par ce crime qu’il a vite qualifié « d’acte ignoble et lâche ». On sait que l’ancienne journaliste de la télévision nationale burundaise et correspondante de BBC pour le service Swahili, était une militante modérée. Or, Nkurunziza est plutôt un va-t-en guerre qui n’entend pas faire de quartiers aux membres de l’opposition. Il pourrait bien avoir envoyé sa milice, les Imbonerakuré trucider ce cadre de son parti et faire porter le chapeau à l’opposition. Cela est d’autant plus plausible que Nkurunziza refuse de dialoguer avec certains membres du Conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi et de l’Etat de droit (CNARED), qu’il qualifie de terroristes. La communauté internationale doit se remettre à la tâche Et le seul moyen pour lui de prouver à la communauté internationale qu’il a raison de refuser de s’asseoir autour de la même table que ces derniers, c’est de les rendre coupables d’un tel assassinat. Que ne peut un dictateur assoiffé de pouvoir ? En tout cas, en entendant que les auteurs de ce crime soient retrouvés (le seront-ils jamais ?), Nkurunziza reste et demeure le coupable idéal. Du reste, il est de ses prérogatives, en sa qualité de président de la République, de veiller à la sécurité de tous les citoyens. Outre cela, Bujumbura est sous la coupe réglée de ce Néron des temps modernes. Et de ce fait, il ne saurait être étranger à un tel assassinat. Lui et ses affidés sont maîtres de Bujumbura de jour comme de nuit. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne fait pas bon être un haut responsable au Burundi, que l’on soit du parti au pouvoir ou de l’opposition. Surtout si l’on a des divergences de vue avec le prince. Il faut craindre que cet assassinat de Hafsa Mossi ne complexifie davantage les pourparlers interburundais qui ont déjà pris du plomb dans l’aile avec le boycott de la cérémonie d’ouverture, le mardi dernier, par la délégation gouvernementale. Certes, le facilitateur se bat comme un beau diable pour renouer le fil du dialogue entre le pouvoir et l’opposition, mais force est de reconnaître que ses chances de succès sont très minces. Même le huis clos qu’il a eu avec les responsables des partis politiques et de la société civile hier 13 juillet, ne pousse pas à l’optimisme. D’ailleurs, que peut-on espérer d’un dialogue où un camp veut, à tout prix, imposer les acteurs de son choix ? Cela dit, la communauté internationale qui a plié l’échine face à la détermination de Nkurunziza à régner sur des monticules de macchabées, doit se remettre à la tâche afin d’arrêter la spirale de violences dans laquelle celui-ci a plongé son pays depuis plus d’un an. Dabadi ZOUMBARA |