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Melchior NDADAYE, Héros de la Démocratie & Prince Louis RWAGASORE, Héros de l’Indépendance

Feu Cyriaque SABINDEMYI, premier président de l'ARIB asbl


 

Umusambi (grue couronnée)

Sites touristiques

La Source du Nil : Petite pyramide à la fois indicative et commémorative, au sommet du mont Gikizi, à 2.145 mètres d'altitude. C'est au pied de cette montagne que surgit, d'abord frêle et timide, la source la plus méridionale du Nil, découverte en 1934 par l'explorateur allemand Burckhard Waldecker.

Pyramide "Source du Nil"

 

Au sud-est du Burundi, dans la province de Rutana, commune de Mpinga-Kayove, sur  la colline de Shanga, se trouvent les chutes et la grotte de Karera. Karera est constituée de quatre chutes d’eau qui sont d’une hauteur variant entre 30 et 60 mètres.

Les chutes de Karera

 

La Faille de Nyakazu, située en province de Rutana dans le Sud-Est du Burundi. L'histoire de cette faille débute en 1914, au début de la Première Guerre mondiale, Nyakazu était un poste militaire allemand construit pour contrôler toute la partie orientale du pays. Le plateau de Nkoma sur lequel il a été édifié aurait été, dit-on, entaillé par les bottes des soldats allemands en fuite devant les forces belges.

La "Faille des Allemands"

 

La "Pierre Stanley et Livingstone" à Mugere où l'explorateur Stanley rencontra le célèbre savant Livingstone le 25 novembre 1871.

Pierre 'Stanley-Livingstone

Info pratique

Des réfugiés burundais partagent leur histoire douloureuse Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Société

International Crisis Group, 25 OCTOBER 2016

Réfugiés burundais : la vie en exil

Les conditions de vie des réfugiés burundais varient selon leurs ressources et la politique du pays d’accueil. Pour quelques-uns, des opportunités se créent ; pour la majorité, le quotidien est synonyme d’attente. Cet article, le deuxième d’une série de trois, retrace des trajectoires bouleversées tandis que les ruptures se superposent – sociales, économiques, scolaires.

Ils sont Hutu, Tutsi ou Twa, viennent de la capitale ou de l’intérieur du Burundi, et sont issus de tous les milieux sociaux. La plupart de ces réfugiés vivent en Tanzanie, au Rwanda, en Ouganda ou en République démocratique du Congo (RDC).

Leurs conditions de vie varient beaucoup selon leurs ressources, la politique du pays d’accueil, et s’ils vivent dans des camps de réfugiés fermés, des sites ouverts ou en milieu urbain. Leurs demandes sont parfois antagonistes : désir de sécurité et de liberté ; besoin d’assistance et quête d’autonomie. Pour quelques-uns, des opportunités se créent ; pour la majorité, le quotidien est devenu synonyme d’attente. Partout les ruptures se superposent – sociales, économiques, scolaires – entrainant pauvreté et frustrations. Et partout, les menaces des hommes du régime de Bujumbura continuent d’inspirer la peur, créant un climat de suspicion.

Ce texte, le deuxième d’une série de trois, donne la parole à des réfugiés burundais pour qu’ils racontent leur quotidien et les stratégies de survie qu’ils ont développées en exil.  Dans les autres récits, ils évoquent les raisons et les conditions de leur fuite, ainsi que la façon dont ils envisagent l’avenir. Cette enquête est le fruit de plus de 50 entretiens menés entre février et août 2016 en Tanzanie, en Ouganda, en Belgique, au Kenya et au Rwanda. Certains se sont déroulés en kirundi, avec l’aide d’un interprète. Une préparation minutieuse a été nécessaire pour avoir accès aux camps et rencontrer des réfugiés sans compromettre leur sécurité. Les témoignages sélectionnés illustrent la diversité des parcours des exilés burundais ; ils dévoilent des expériences douloureuses et révèlent leur désir de tirer la sonnette d’alarme face à la violence du conflit qui frappe leur pays.

Laurence

En Ouganda, au camp de Nakivale qui rassemble près de 120 000 réfugiés venus de différents pays, la vie est « très difficile » confie Laurence, 30 ans. Elégamment vêtue, cette ancienne étudiante de la classe moyenne doit aujourd’hui se battre pour survivre. « La nourriture qu’on nous distribue ne suffit pas. Il faut de l’argent pour acheter de la farine, des médicaments. Si tu vas chez le médecin et que tu n’as pas d’argent, il te soigne avec du paracétamol »dit cette mère de famille qui a quitté Bujumbura en septembre 2015. L’accès à l’eau potable est aussi une préoccupation permanente. L’eau du lac Nakivale comme celle des réservoirs doit être bouillie ; or le bois fait défaut dans ce camp établi en 1958, étendue aride de 185 kilomètres carrés, et le charbon coûte cher.

Les réfugiés de Nakivale peuvent travailler au sein du camp ou au-delà, conformément à la politique d’accueil ougandaise (2009) qui leur ouvre le droit au travail, à la propriété, à la liberté de mouvement et à la culture des terres. Le modèle des camps ouverts mise sur l’autonomisation et l’intégration des réfugiés à la population locale et offre une assistance humanitaire relativement limitée. Si ce modèle attire les exilés désireux de conserver leur liberté de mouvement et de travail, il convient peu aux personnes vulnérables, nombreuses parmi les réfugiés. Quelques initiatives solidaires voient le jour, comme l’association de la Communauté estudiantine des Burundais de Nakivale (Cebuna), créée en 2016 et qui propose un soutien en anglais pour aider les réfugiés à trouver du travail en Ouganda. Mais les obstacles à l’emploi sur le marché du travail local, déjà engorgé, restent nombreux. Pour certaines femmes, la prostitution est le dernier recours.

« Tu as le choix entre retourner au Burundi et mourir, ou faire la pute », résume Laurence. La jeune femme s’inquiète aussi pour l’éducation de sa fille. « Les écoles du camp n’offrent pas une bonne instruction. Il n’y a pas d’avenir pour les enfants ici ».

Selon Laurence, la corruption est largement répandue dans le camp et concerne aussi bien la délivrance de documents que la distribution de nourriture : « Pour n’importe quel papier, on te demande de l’argent ! Or si tu n’as pas la carte alimentaire, tu n’as pas à manger. Des aliments destinés aux réfugiés comme le sucre, le sel, le riz ou l’huile, sont aussi détournés et vendus ». Laurence souligne que beaucoup n’osent pas se plaindre aux responsables car ils les croient impliqués.

Comme beaucoup de ses concitoyens, Laurence « ne se sent pas en sécurité » à Nakivale. « Il y a des Imbonerakure [la ligue des jeunes du parti au pouvoir, devenue une véritable milice]. On m’a dit qu’on en avait arrêté 30 mais qu’ils avaient été relâchés ». Résultat, « la méfiance est de mise entre les réfugiés burundais. On ne s’ouvre pas très facilement, on fait attention à ce qu’on dit, parce qu’on ne peut pas reconnaitre les Imbonerakure ».

Les violences sexuelles sont une autre source d’insécurité dans le camp, selon cette femme. « Ça peut arriver si tu te déplaces seule. Les distributions de nourriture ont parfois lieu très loin. Il vaut mieux s’y rendre avec quelqu’un… ».

Michel

Michel, 29 ans, a quitté le Burundi en décembre 2015 avec son épouse et leur fils de deux ans. « Notre vie est misérable », déplore cet ancien chef d’entreprise de Bujumbura, également réfugié à Nakivale en Ouganda.

« Si tu veux, tu trouves un travail à Nakivale : faire des briques, cultiver un lopin de terre … Mais pour des gens qui ont étudié, gagner sa vie comme ça constitue une forme d’humiliation. C’est un grand gâchis pour les jeunes. Ça ne va pas bien dans leur tête ». De nombreux réfugiés ressentent « une grande détresse » à Nakivale selon Michel. « Je connais beaucoup de gens traumatisés. Ils sont violents, suicidaires, se mettent à consommer de la drogue. Récemment, un jeune a tout cassé dans un bar. Il y a aussi un gros problème d’alcoolisme dans le camp. Et l’accès à l’aide psychologique, déjà limitée, est rendu difficile par la barrière de la langue ».

Avant de fuir le Burundi, Michel était actif au sein d’un parti d’opposition. Accusé d’avoir organisé les manifestations dans son quartier, il est arrêté en avril 2015 et reste « 123 jours à la Documentation » (siège du Service national de renseignement burundais, SNR), sans procès. Il y subit des mauvais traitements.

Le jeune homme craint aussi pour sa sécurité en Ouganda. « Les empoisonnements sont le problème numéro un à Nakivale ». « Le camp étant ouvert, il y a beaucoup de va-et-vient … Il faudrait renforcer la sécurité pour vérifier qui entre et qui sort », dit-il.

« Un jour un Imbonerakure s’est fait passer pour quelqu’un qui aide les albinos. Il avait tué les gens de Kabezi [une commune de la province de Bujumbura rural] et menacé un ami. Nous avons mené une enquête et identifié treize Imbonerakure à Nakivale. Nous en avons informé les autorités du camp, on attend de voir leur réaction. En général, dès que les Imbonerakure se savent repérés, ils partent ».

Michel voudrait reprendre le contrôle de sa vie et participer au destin du pays. Frustré par sa condition actuelle et l’impunité qui règne au Burundi, il envisage de prendre les armes « si rien n’est fait »« J’ai dû porter les cadavres de dix-sept de mes amis à Bujumbura », confie-t-il la gorge serrée. « Tout ça m’a changé … ». Selon lui, « depuis Nakivale c’est difficile de savoir comment rejoindre la rébellion. Mais de plus en plus de jeunes aimeraient ; même des filles. Aujourd’hui les jeunes ne peuvent plus accepter que les vieux continuent la politique, tandis qu’eux continuent à mourir… ».

Isidore

Isidore, 40 ans, est réfugié au camp de Mtendeli en Tanzanie, avec son épouse et leurs trois jeunes enfants. Il dépend entièrement de l’aide humanitaire. C’est le cas de la majorité des réfugiés de ce camp fermé, réouvert en janvier 2016 qui accueille plus de 50 000 des 169 000 réfugiés burundais enregistrés en Tanzanie et où les opportunités de travail sont quasiment inexistantes. Parmi les aînés, certains sont en exil pour la deuxième, troisième ou cinquième fois de leur vie. La majorité est toutefois constituée de jeunes, les moins de dix-huit ans formant 57 pour cent de la population du camp. Le quotidien à Mtendeli, où seuls quelques arbres rompent l’alignement des tentes familiales, ressemble à une lente répétition du jour précédent.

Isidore y décrit des conditions de vie particulièrement rudes. « On ne mange que de la pâte de maïs et des haricots. On nous donne un savon tous les deux mois. L’accès aux soins de santé est insuffisant et il y a une pénurie de médicaments. Même quand le médecin prescrit quelque chose, il est difficile de l’obtenir à la pharmacie. Les diabétiques, les malades du SIDA sont condamnés ... A l’hôpital, les corps peuvent rester trois jours dans la même salle que les malades. Il n’y a pas de morgue ». Isidore se déplace en béquilles depuis qu’il a été blessé à la jambe dans une rixe, en 1994. « On m’a promis de m’opérer mais je ne sais pas quand … ». Une intervention lui permettrait peut-être de retrouver l’usage de ses jambes et de subvenir aux besoins de sa famille.

Témoin de la lassitude et de la frustration de beaucoup, Isidore est « convaincu que les Hutu comme les Tutsi d’ici vont prendre les armes ; les gens ne peuvent plus supporter de vivre dans ces conditions ». Il laisse entendre que certains auraient déjà rejoint l’opposition armée : « Des jeunes sont arrivés récemment et sont repartis le lendemain ! On ne sait pas où … ».

«  Au camp de Mtendeli, toute rencontre en groupe est interdite aux réfugiés. »

Au camp de Mtendeli, toute rencontre en groupe est interdite aux réfugiés – notamment pour éviter le développement d’activités politiques, officiellement découragées voire interdites dans les camps. Cette règle, commune dans les pays d’accueil, vise à protéger la sécurité nationale ou à préserver les relations avec le pays d’origine des réfugiés. Ce genre derestrictions est vécu comme une oppression pour certains, d’autant plus que la liberté de mouvement est également limitée. « On se sent en prison ici », déplore Isidore.

Ce cultivateur ne sait à quoi se rattacher pour retrouver espoir. Il n’a même pas un lopin de terre. « A cause de ma vie de réfugiés, je ne possède rien », se désole-t-il. Isidore fait partie de ces nomades malgré eux, déplacés de pays en pays depuis l’enfance. « Mon père est parti en 1972 au Rwanda. Rentrés au Burundi, nous avons de nouveau fui en 1993, au Congo-Brazzaville ». De retour en 1994, il découvre que sa maison est occupée par les membres d’une autre famille. « J’ai porté plainte à la Commission nationale des terres et autres biens (CNTB) ; dès lors les occupants de ma maison m’ont pourchassé ». C’est en s’opposant à eux qu’il est grièvement blessé à la jambe. Comme beaucoup d’autres exilés de retour au Burundi, Isidore bénéficie alors d’une réinstallation et d’un logement dans un camp de rapatriés au sud du pays, mais il croit savoir que celui-ci a été attribué à d’autres depuis sa fuite en Tanzanie.

Bertrand

Bertrand, la vingtaine, poursuit son activisme depuis l’exil à Kigali. La relative liberté qu’offrent les villes permet aux réfugiés de développer des initiatives citoyennes. « On a un espace où on peut travailler librement pour un avenir meilleur au Burundi ; ne rien faire, ce serait trahir ceux qui sont restés là-bas ». Il fait partie du Mouvement international de la jeunesse burundaise (MIJB), récemment créé par des réfugiés de dix-huit à 35 ans désireux d’agir pour le développement et la paix au Burundi, au-delà des appartenances ethniques. « Le mouvement est né de petits réseaux de gens engagés. … Des antennes sont en train d’être développées dans différents pays avec les moyens du bord ».

Le MIJB veut être le porte-parole de la jeunesse. « Les jeunes constituent la majorité des réfugiés et ne doivent pas laisser leur destin entre les mains de personnes de 65 ans qui trainent de vieilles casseroles … », déclare Bertrand. « Le mouvement veut changer l’image de la jeunesse burundaise. On pense parfois qu’elle est incapable ou irresponsable … Mais si tu grandis en pensant que tu es incapable, comment t’en sortir ?! ». Pour le jeune homme, « chaque génération a sa mission : c’est celle-ci qui doit faire quelque chose ».

Bertrand a quitté le Burundi fin octobre 2015 avec ses proches. « J’avais mené, avec d’autres activistes, des enquêtes sur les violations des droits humains. Certains ont eu des problèmes à cause de nos activités » relate-t-il. Au Rwanda, il n’est pas très inquiet pour sa sécurité. « Ici, il n’y a pas eu d’attaques contre des réfugiés burundais comme en Ouganda et au Kenya ». Il a choisi Kigali « pour sa proximité avec Bujumbura et parce que les deux pays sont similaires ».

Bertrand fait part de différentes initiatives mises en place par des réfugiés en milieu urbain, y compris à l’extérieur de Kigali : « un Comité des réfugiés burundais s’est développé à partir de Butare [l’actuelle Huye, au sud du pays]. Le ministère rwandais en charge des réfugiés, le Midimar, a ensuite encouragé cette initiative à Kigali ». Par ailleurs, « des réfugiés sont en train de s’organiser pour essayer de répondre aux besoins des Burundais en matière de santé. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés n’aide que les moins de douze ans et les plus de 60 ans … Les besoins sont énormes, y compris en matière d’aide psychologique ».

Bertrand partage les interrogations et les doutes de beaucoup de jeunes activistes. « Parfois on se demande si on n’a pas fait une erreur stratégique en ciblant le troisième mandat. Peut-être que c’était trop flou pour les paysans issus des collines, et qu’il aurait mieux valu montrer ce qu’il adviendrait si Nkurunziza partait ». Continuer à militer requiert une grande détermination. « La pauvreté vous éloigne parfois des autres activistes : c’est difficile de se rassembler à cause de l’argent. A ce niveau-là, le régime nous a battus, car comment être actif quand tu es en mode survie ? En plus, nos passeports burundais expirent petit à petit ; alors ceux qui n’ont pas obtenu de titre de voyage pour réfugiés sont bloqués là où ils sont ».

Si Bertrand continue à militer, c’est par défiance vis-à-vis du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, « qui fait croire qu’il n’y a pas la guerre », et par sens du devoir envers son pays. Le jeune homme s’indigne du manque d’action coercitive de la communauté internationale et de l’opposition politique burundaise face à la « machine » génocidaire que le gouvernement met en place selon lui. « Nous ne devons pas tomber dans le piège qui consisterait à penser que nous n’avons pas le droit à l’autodéfense. Ce n’est pas un droit que l’on demande. Ça ne doit pas être écrit dans des documents des Nations unies », lance-t-il.

« Les violences subies, le sentiment d’injustice, la perte d’autonomie et le désœuvrement génèrent frustrations et colère chez certains réfugiés. »

L’accès aux services de base – eau potable, soins de santé, éducation – et la sécurité sont des enjeux majeurs dans les camps de réfugiés. La peur est tangible parmi les Burundais rencontrés, craignant l’infiltration du Service national de renseignement burundais et des Imbonerakure. De nombreux éléments indiquent que ces inquiétudes sont fondées. Les réfugiés en milieu urbain font face aux mêmes menaces du régime. Leur quotidien comporte aussi son lot de difficultés. L’aide matérielle y étant quasi-inexistante, ils sont livrés à eux-mêmes.

Les violences subies, le sentiment d’injustice, la perte d’autonomie et le désœuvrement génèrent frustrations et colère chez certains réfugiés. Les jeunes sont particulièrement vulnérables, en milieu urbain comme dans les camps. Tandis que la majorité se consacre à la lutte pour la survie, certains s’engagent dans l’activisme. Face à la misère et au conflit qui se poursuit, d’autres sont tentés par l’idée de la résistance armée.


International Crisis Group, 19 OCTOBER 2016

Réfugiés burundais : fuir la répression

Plus de 300 000 Burundais ont fui leur pays depuis avril 2015 pour échapper à la répression du régime de Pierre Nkurunziza. Dans cet article, le premier d’une série de trois, des réfugiés burundais partagent leur histoire douloureuse et tentent ainsi de tirer la sonnette d’alarme sur la violence dans leur pays d'origine.

Depuis avril 2015, plus de 300 000 Burundais ont fui leur pays. La majorité a moins de 18 ans. Cet exode est le résultat de la dérive autoritaire du régime de Bujumbura, qui réprime violemment les opposants au troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. L’élimination de toute forme de dissonance politique s’inscrit dans le projet du parti au pouvoir de démanteler l’accord d’Arusha, conclu entre les élites hutu et tutsi en 2000. En ayant recours à un discours ethnicisant et à la violence arbitraire, le régime cherche à diviser les Burundais et à répandre la peur, et mise sur l’enlisement du conflit pour se maintenir au pouvoir.

Cet article, le premier d’une série de trois, donne la parole à des réfugiés burundais  ayant quitté leur pays depuis le début de la crise, afin de comprendre les raisons et les conditions de leur fuite.  Dans les articles suivants, les réfugiés évoquent leur vie en exil et la façon dont ils envisagent l’avenir. Cette enquête unique est le fruit de plus de 50 entretiens menés entre février et août 2016 en Tanzanie, en Ouganda, en Belgique, au Kenya, et au Rwanda. Une préparation minutieuse a été nécessaire pour avoir accès aux camps et rencontrer des réfugiés sans compromettre leur sécurité. Les témoignages sélectionnés illustrent la diversité des parcours des exilés burundais ; ils dévoilent des expériences douloureuses et révèlent leur désir de tirer la sonnette d’alarme face à la violence du conflit qui frappe leur pays.

L’impact de la crise sur le capital humain du Burundi est dramatique. Le pays se vide peu à peu de ses forces vives – étudiants, membres de la société civile, journalistes, élite politique et économique, cultivateurs. Prendre en considération le point de vue des réfugiés est essentiel pour enrayer la spirale de la violence.

Yvette

Yvette, 41 ans, fuit le Burundi en 2015 pour échapper aux persécutions et à la violence des hommes du régime. Réfugiée pour la troisième fois de sa vie, la Tanzanie est de nouveau sa terre d’accueil. Yvette et son mari y avaient déjà trouvé refuge en 1996, à cause de la guerre (1993-2005). Contrainte de rentrer au Sud du Burundi en 2012 – la Tanzanie ayant fermé ses derniers camps – elle savait son retour prématuré. Cette cultivatrice et mère de famille explique :

« Depuis plusieurs années, 2010 au moins, les gens qui ne sont pas membres du parti au pouvoir sont pris pour cible dans cette région. C’est encore pire si tu es tutsi comme moi. A l’époque déjà, certains avaient été tués ».

Elle et son mari n’ont jamais adhéré au Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), le parti au pouvoir au Burundi depuis 2005. En 2015, tandis que s’organise la mobilisation contre la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat, ils sont pourchassés par les Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti, devenue une véritable milice. « Nous avons dû vivre dans la forêt », confie-t-elle. Mais les miliciens retrouvent le couple. « Parce que tu es tutsi, on commencera par toi ! », lancent-ils à Yvette. Tenue captive par les hommes de main du régime dont des Imbonerakure, elle subit des mauvais traitements physiques et psychologiques, avant d’être libérée grâce à l’intervention d’une organisation de la société civile.

« Le problème ethnique demeure au Burundi », estime-t-elle. « On m’a parfois demandé comment je pouvais être encore en vie alors qu’on pensait nous avoir “tous” tués en 1972 [pendant les massacres de Tutsi à Rumonge, dans le Sud du pays] ».

Cette année-là, ses parents s’étaient réfugiés dans l’actuelle République démocratique du Congo, où Yvette a grandi.

En mai 2015, Yvette apprend que les Burundais peuvent à nouveau obtenir l’asile en Tanzanie et décide de fuir. La menace la suit jusqu’à ce qu’elle quitte le Burundi : « A la frontière, la police et les Imbonerakure ont voulu m’arrêter. L’armée s’est interposée et ils se sont disputés… ». Yvette dit « avoir vu » des femmes subir des violences physiques et sexuelles à la frontière, et avoir couru pour y échapper.  Elle arrive le 20 mai au camp de Nyarugusu.

Son mari, resté au Burundi, continue d’être menacé et la rejoint. « On lui a dit que s’il revenait au pays, on le tuerait », rapporte Yvette. Le couple vit avec deux de ses enfants au camp de Mtendeli, où ils ont été transférés le 22 mai 2016. Leurs autres enfants sont restés chez des proches au Burundi.

 Béatrice, trentenaire qui a fui en mai 2015, raconte que « si tu croisais les militaires burundais, on te frappait… Et on te faisait retourner. Aujourd’hui on peut même te tuer en pleine journée ».

Vital Nshimirimana

Figure majeure du mouvement de contestation du troisième mandat du président Nkurunziza, Vital Nshimirimana quitte le Burundi fin mai 2015.

Dès le début des manifestations contre le troisième mandat, en avril, Vital, délégué général du Forum pour le renforcement de la société civile au Burundi (Forsc) et président du mouvement citoyen Halte au troisième mandat, est « pris pour cible » et reçoit « plusieurs avertissements ». Fin avril, il annule un voyage à Arusha en Tanzanie, par peur de ne plus pouvoir rentrer au Burundi. Il se résout à fuir le pays quelques semaines après le coup d’Etat manqué du 13 mai et la fermeture consécutive des médias indépendants, « qui a aggravé la peur ». Sa famille part le 24 mai malgré la confiscation de leurs passeports par la Police de l’air, des frontières et des étrangers (PAFE, l’autorité de l’immigration), et grâce à un document de voyage valable dans la région des Grands Lacs. Il les suit clandestinement une semaine plus tard. Vital et ses proches s’installent à Kigali au Rwanda, avec le soutien temporaire d’organisations d’aide aux défenseurs des droits humains.

Selon cette figure de la société civile, le président Nkurunziza préparait sa reconduction au pouvoir « depuis longtemps ». Vital décrit l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire par le régime, la manipulation de l’électorat hutu et, depuis 2011, la destruction de l’espace politique.

« Dès 2005, Pierre Nkurunziza a installé une petite clique autour de lui, avec des généraux radicaux à qui il offre des avantages colossaux, qui sont devenus ultra puissants et se sont substitués à la loi et aux institutions », rapporte-t-il.

Président du Conseil supérieur de la magistrature, Nkurunziza « nomme tous les magistrats ». Selon Vital, « le président accorde des privilèges à ceux qui le servent, mais ceux qui servent la justice sont pourchassés ».

L’activiste estime que le président burundais « manipule la question ethnique pour créer une diversion sur la question centrale, qui reste d’ordre politique, afin de se maintenir au pouvoir et de faire avancer son projet de vengeance ».

Le conflit « prend une allure ethnique contre les Tutsi » depuis octobre-novembre 2015 et « vise davantage l’armée », affirme Vital. « La population n’est pas totalement acquise à cette politique. Tous ceux qui se sont sentis exclus, persécutés, sont davantage soudés. Ça a renforcé la cohésion entre les communautés hutu, tutsi, musulmanes, chrétiennes… » Il n’en est pas moins inquiet pour l’avenir.

« Nkurunziza a mobilisé ceux qui pourraient massacrer des gens en peu de temps. Les Imbonerakure, qui sont entrainés et payés, sont ceux qui sèment la terreur. »

Vital précise toutefois que « certains Imbonerakure sont pris en otage : ils voudraient quitter le groupe, mais ne le font pas par manque de moyens ».

Selon le délégué général du Forsc, la persécution des prétendus opposants s’organise au cas par cas lors de réunions rassemblant les responsables du régime. « Ça occasionne des fuites. Des membres du Service national de renseignement (SNR) – qui ne sont pas toujours bien payés – fournissent des informations contre une certaine rétribution ; ou parfois gratuitement. Ça a sauvé des vies. »

Robert

Etudiant de 29 ans, Robert trouve refuge en Ouganda « pour être loin du Burundi et échapper aux menaces » après l’attaque de camps militaires et les répressions meurtrières du 11 décembre 2015 à Bujumbura.  

Originaire de l’intérieur du pays, il vivait depuis plusieurs années à Musaga, un quartier de la capitale dominé par l’opposition. Quand les manifestations contre la candidature du président à un troisième mandat commencent, en avril 2015, l’étudiant y participe.

« Les Imbonerakure ont vite établi une présence dans le quartier, dit contestataire ; mais à partir du 12 décembre, le niveau de violence a augmenté ; ils portaient gourdins et machettes. La vie à Musaga est devenue très difficile. Il y avait des coups de feu tout le temps. Dès qu’on voyait un jeune, on lui tirait dessus ! Des Imbonerakure et des policiers défonçaient les portails, entraient dans les maisons pour tuer les gens. »

Personnellement pris pour cible, Robert « trouve un passeport clandestinement » et quitte le pays. Juste à temps. « Des policiers et Imbonerakure sont venus me chercher chez moi, mais j’étais déjà parti »« On nous accusait d’avoir été parmi ceux qui avaient attaqué les camps militaires », explique-t-il. Plusieurs de ses amis, étudiants comme lui, sont emprisonnés. « On leur a coupé les doigts, on les a tabassés, on leur a mis du sel dans les yeux, on les a frappés avec des fibres optiques ou des fils de fer », raconte-t-il.

« C’est le troisième mandat qui a entrainé la crise », explique Robert. Les gens se sont levés parce que « le soi-disant président voulait violer l’accord d’Arusha et la Constitution ». « Face à la contestation, le gouvernement a persécuté les innocents. » Selon lui, « il y avait des signes avant-coureurs » de cette crise.

« Dès 2014, les Imbonerakure, d’autres militants du CNDD-FDD et les élus disaient aux gens que s’ils refusaient le troisième mandat, ils seraient tués. A l’époque déjà, le gouvernement a ciblé Musaga comme quartier contestataire. Les Imbonerakure apposaient des signes rouges sur les maisons des opposants… »

Le jeune homme rapporte qu’« on a creusé des fosses communes destinées “à ceux qu’on allait tuer” dans les provinces de Ruyigi, de Cibitoke et ailleurs… Du coup, les gens ont eu peur de dire ce qu’ils pensaient » de la candidature du président Nkurunziza.

Robert, lui-même tutsi, relate la tournure ethnique que prend la répression « depuis décembre 2015 : à la suite des attaques des camps militaires, on réserve un traitement différent aux Hutu et aux Tutsi arrêtés. Les Hutu sont incarcérés ; les Tutsi, on les tue. Mais la crise n’est pas ethnique. C’est politique ».

Comme ce fut souvent le cas dans le Burundi postindépendance, « la division ethnique n’est qu’une stratégie du régime pour se maintenir au pouvoir », affirme Robert.

Thomas

Thomas, 40 ans, fuit le Burundi en juin 2015. « Quand j’ai compris que Nkurunziza voulait un troisième mandat, j’ai su qu’il ne voulait pas la paix », déclare ce père de famille hutu, membre d’un parti d’opposition.

Il dénonce la persécution des autres mouvements politiques par le pouvoir burundais : « on empêche les meetings des autres partis depuis 2010 » dans la province méridionale où il vivait. « En mai 2015, les Imbonerakure ont commencé à terroriser les habitants qui n’étaient pas membres du CNDD-FDD. Ils étaient de plus en plus nombreux et des renforts arrivaient de Bujumbura. Je savais que ces derniers avaient l’habitude de tuer et que j’allais être visé en tant que membre de l’opposition ; alors j’ai fui au plus vite »

Thomas explique que « les Imbonerakure quadrillent les frontières et les principaux axes du pays. Ils arrêtent les gens sur le chemin de l’exil ». Il a été contraint de verser 150 000 francs burundais (environ 80 euros) pour permettre à ses deux épouses et ses dix enfants de passer en Tanzanie, en mai 2015. Néanmoins l’argent n’a  pas permis à ce militant d’opposition d’acheter sa liberté : Thomas a été empêché de traverser la frontière.

« J’ai dû retourner chez moi », raconte-t-il. « Un ami policier m’a alors averti qu’on avait payé pour mon assassinat. Il fallait que je parvienne à quitter le pays. J’ai fui de nuit en juin 2015 ».

Thomas retrouve sa famille un mois plus tard au camp de réfugiés de Nyarugusu en Tanzanie. Retour à une vie de réfugié que l’homme connait bien. « Je suis né dans un camp de réfugiés, de parents réfugiés. J’ai grandi réfugié. J’ai fui trois fois le Burundi, je me suis marié dans un camp... Il n’y a jamais eu la paix dans mon pays. »

« En plus d’être déracinés, nombre d’exilés burundais arrivent blessés, traumatisés ou démunis dans leur pays d’accueil. »

Caractéristiques du sort des réfugiés burundais, ces quatre récits témoignent de la stratégie de terreur généralisée du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, et de la peur grandissante face à la violence des Imbonerakure, de la police et du SNR. Sur le chemin de l’exil, le danger demeure. Les individus traqués pour leurs choix politiques ont des difficultés à quitter le territoire. Les points de contrôle et les frontières sont devenus des filtres à opposants, mais aussi le théâtre d’abus de pouvoir et de violence indiscriminée par les agents du régime. Partir de nuit, soudoyer les autorités, voyager léger ou se métamorphoser pour dissimuler sa fuite – autant de stratagèmes que des citoyens burundais ont dû adopter pour avoir une chance de quitter leur pays. En plus d’être déracinés, nombre d’exilés burundais arrivent blessés, traumatisés ou démunis dans leur pays d’accueil.

 
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