Le Pays, 9 novembre 2017 Vers l’ouverture d’une enquête au Burundi pour crime contre l’humanité : Nkurunziza doit avoir le sommeil trouble Si les autorités burundaises croyaient s’être tirées d’affaire en tournant le dos à la Cour pénale internationale (CPI), elles en auront pris pour leur grade. Car, dans un communiqué rendu public le 9 novembre dernier, les juges autorisent l’ouverture d’une enquête au Burundi pour crimes contre l’humanité, estimant qu’au moins 1 200 personnes avait été tuées. [Photo : Le président Nkurunziza lors d’une croisade religieuse.]
Cette autorisation des juges, rappelons-le, fait suite à l’examen préliminaire lancé en avril 2016 par la procureure Fatou Bensouda, concernant notamment « le meurtre et la tentative de meurtre, l’empoisonnement ou la privation grave de liberté, la torture, le viol, la disparition forcée et la persécution ». Certes, le Burundi s’est officiellement retiré de la CPI, le 27 octobre dernier, mais le tribunal international reste compétent pour connaître des crimes commis avant la période précédant la date officielle de retrait, où le pays reconnaissait encore l’autorité de ladite juridiction. A malin donc, malin et demi. Car, comme on le sait, le retrait du Burundi de la CPI n’était motivé que par la volonté des dirigeants de ce pays, Pierre NKurunziza en tête, d’échapper à l’épée de Damoclès de la justice internationale. Mais les juges ont su obvier au traquenard en rendant leur décision le 25 octobre, soit quarante-huit huit heures avant la date officielle du retrait du Burundi de la CPI. C’est tout à leur honneur puisqu’en fins procéduriers, ils n’ont pas voulu jouer le jeu du dictateur sanguinaire. C’est peu dire ! Seulement, une chose est d’autoriser l’ouverture d’une enquête, une autre est de pouvoir l’implémenter au Burundi où depuis peu, les autorités se montrent hostiles à tout regard extérieur. Le Burundi ne collaborera pas avec la CPI On se rappelle encore les conditions extrêmement difficiles et laborieuses dans lesquelles ont travaillé les experts onusiens, condamnés qu’ils étaient à raser les frontières pour recueillir les témoignages des Burundais qui, pour sauver leur peau, ont migré vers les pays voisins. C’est donc clair. On s’achemine vers un bras de fer terrible entre la CPI et le gouvernement de Bujumbura qui, comme on pouvait d’ailleurs s’y attendre, a vite dénoncé l’autorisation d’enquête annoncée par les juges de la Cour. « La CPI, corrompue, vient de se tirer encore une balle dans le pied. (…) La tricherie saute aux yeux. Sans doute que le Burundi sortira vainqueur de cette bataille, c’est la dernière carte de l’Occident », a réagi, comme à l’accoutumée, le ci-devant porte-parole de la présidence burundaise, en la personne de Willy Nyamitwé. En tout cas, une chose est sûre. Le Burundi ne collaborera pas avec la CPI, même si, comme le disent les juges, « l’obligation de collaborer subsiste tant que dure l’enquête et elle s’applique à toute procédure résultant de celle-ci ; le Burundi ayant accepté ces obligations lorsqu’il a ratifié le statut de Rome ». Mais qu’on ne s’y méprenne pas. Comment un chef d’Etat comme NKurunziza qui a violé son propre serment, va-t-il se sentir lié par un engagement international à moins d’y être contraint ? B.O
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