RFI, 20-05-2020 Une présidentielle, des législatives et des municipales : c'est à une formule trois en un que les quelque 5 millions 100.000 électeurs burundais sont appelés à participer ce mercredi. Le vote crucial est bien sûr la présidentielle. Le président Pierre Nkurunziza ne se réprésente pas, après 15 ans de pouvoir. Son dauphin, le général Evariste Ndayishimié et le principal opposant Agathon Rwasa tiennent la corde, dans un climat plutôt tendu.
Ces derniers jours, note le site d'information burundais Iwacu, « incertitude, inquiétude, suspicion et méfiance ont gagné du terrain. Le candidat du Congrès national pour la liberté, le CNL, a adressé une correspondance inquiète au président de la CENI, la Commission électorale. Agathon Rwasa dénonce notamment la mauvaise distribution des cartes d’électeur et la mise sur pied de bureaux des centres de vote constitués presque des seuls membres du parti au pouvoir CNDD-FDD. La liste n’est pas exhaustive… » Tensions... De plus, note Iwacu, « de vives tensions ont opposé durant la campagne des jeunes du parti au pouvoir à ceux du CNL. Certains militants frustrés n’hésitent pas à reprendre la tristement célèbre phrase de l’ancien Président congolais, Pascal Lissouba : "On n’organise pas les élections pour les perdre". L’heure est donc à la vigilance et à la sagesse des principaux acteurs de ce processus électoral, s'exclame Iwacu. Au premier chef, la CENI, qui doit être réellement indépendante, impartiale, compétente et crédible en appliquant et en faisant respecter la loi électorale. Ensuite, l’administration et les forces de l’ordre et de sécurité doivent tourner le dos aux sollicitations politiciennes. Et les dirigeants politiques et les candidats doivent faire en sorte que les élections aient lieu dans le calme. Leur volonté d’adopter un comportement pacifique et le respect des règles du jeu conditionnera en grande partie les actions et réactions de leurs partisans. Le Burundi, conclut Iwacu, ne peut pas se permettre une crise de plus. » Un président omnipotent Quel que soit le président qui sera élu, il aura des « pouvoirs jupitériens », note pour sa part le site Yaga Burundi : « Il aura, en effet, un droit de veto sur le législatif : toute loi adoptée au Parlement que le président ne promulguera pas dans les trente jours échouera automatiquement. Et cela sans avoir à s’expliquer sur le motif. » De plus, poursuit Yaga Burundi, « n’étant plus désormais partie intégrante des corps de défense et de sécurité, les services de renseignement seront contrôlés exclusivement par l’occupant de Ntare House. Le même occupant aura plus de liberté de nomination et de révocation des ministres du gouvernement. Bref, s’il tousse, c’est tout le gouvernement qui sera enrhumé. » Une alternance en trompe-l’œil ? Le quotidien Aujourd'hui au Burkina ne se fait guère d'illusions : on va assister, écrit-il, à une « alternance en trompe-l’œil dans un État orwellien. (…) On sait que le match est déjà plié. Avant le désistement du sortant Pierre Nkurunziza, le CNDD/FDD et l’armée se sont entendus sur le nom du général Evariste Ndayishimié. Et ce choix n’est pas fortuit. Le bien surnommé "Samuragwa", l’héritier, devrait l’emporter sans coup férir, par l’argument de la force, dans ce vote à huis-clos, les observateurs nationaux et internationaux étant aux abonnés absents. » Un risque de violences post-électorales Alors, attention « le Burundi est en danger », s'exclame La Libre Afrique. « Le régime a écarté les observateurs et sa commission électorale a montré sa partialité ; on s’attend donc à des fraudes massives, alors que la population est si désireuse d’alternance au pouvoir qu’elle risque fort de ne pas accepter une éventuelle défaite d'Agathon Rwasa. Les deux rivaux pour la Présidence étant issus de mouvements de guérilla et le régime n’hésitant pas à menacer ses adversaires, on doit craindre de graves violences, affirme encore le média belge spécialisé sur l'Afrique des Grands Lacs. (…) Tous les signaux sont au rouge au Burundi, où la vigilance est de mise. » Et La Libre Afrique de conclure : « la communauté internationale doit tourner son attention vers ce pays – même petit et pauvre, même en pleine pandémie de coronavirus – si elle ne veut pas risquer de voir se répéter une de ces tragédies après lesquelles elle redira, une fois de plus, "plus jamais ça". »
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