BBC Afrique, 21 mai 2020 Le Burundi est sur le point de perdre son président aux affaires depuis 15 ans mais de gagner un "guide suprême du patriotisme", selon le titre officiel qui sera donné à Pierre Nkurunziza (photo) lorsqu'il se retirera après l'élection de mercredi. Il recevra également une indemnité de retraite de 540 000 dollars et une villa de luxe. Mais il n'est pas certain qu'il quittera les feux de la rampe pour consacrer davantage de temps à d'autres choses, comme le football, son sport bien-aimé.
Le scrutin - dans lequel sept candidats sont en lice pour remplacer le président - a été entaché de violence et d'accusations selon lesquelles le vote ne sera pas libre et équitable. Mais le vainqueur sera tenu par la loi de consulter M. Nkurunziza sur les questions de sécurité nationale et d'unité nationale. Il n'est pas dit clairement s'il devra suivre ses conseils. Peut-être pourrait-il les persuader en soulignant ses succès, tels que l'introduction de la gratuité de l'enseignement primaire, des soins médicaux pour les mères et les enfants, et la construction de nouvelles routes et de nouveaux hôpitaux. Il y a cinq ans, le troisième mandat de M. Nkurunziza a débuté en pleine tourmente politique. Son annonce qu'il se présenterait pour cinq années supplémentaires au pouvoir avait suscité la colère de certains qui mettaient en doute sa légalité. Une tentative de coup d'État a échoué, des centaines de personnes sont mortes lors d'affrontements et des dizaines de milliers ont fui le pays. Son élection en juillet 2015, avec près de 70 % des voix, a été qualifiée de "blague" par le leader de l'opposition Agathon Rwasa, qui a boycotté le scrutin. Cette fois-ci, M. Nkurunziza a été autorisé, après un changement de la constitution, à se représenter, mais il semble avoir opté pour une vie plus tranquille. Un scrutin en pleine pandémie de Covid-19 L'élection de mercredi a également été critiquée parce qu'elle s'est déroulée en plein coronavirus. Le pays n'a enregistré que quelques 40 cas de ce virus, avec un décès, mais l'opportunité d'organiser des rassemblements politique de masse a été mise en doute. Un porte-parole du gouvernement a déclaré en mars, alors qu'aucun cas n'avait été enregistré, que le pays avait été protégé par Dieu. Le Burundi s'est opposé à opter pour des mesures sévères de lutte contre le Covid-19, le gouvernement se contentant de conseiller à la population sur le respecter des règles d'hygiène strictes et d'éviter les foules dans la mesure du possible - sauf bien sûr lors des rassemblements de campagne. Mais le gouvernement a insisté pour que les observateurs électoraux étrangers soient mis en quarantaine pendant 14 jours à compter de leur arrivée dans le pays, ce que certains ont considéré comme un moyen de les décourager. Des élections contestables "Ce que nous avons vu ces derniers mois, c'est que l'espace politique au Burundi est assez limité", a déclaré à la BBC Nelleke van de Walle, qui travaille sur l'Afrique centrale pour le groupe de réflexion Crisis Group. "Il est donc très douteux que les élections soient libres et équitables". "Le fait qu'aucun observateur électoral ne sera autorisé à voir ce qui se passe dans le pays - je pense que cela augmente le risque de fraude électorale, de corruption et de violation des droits de l'homme à l'approche des élections également". Le gouvernement insiste sur le fait qu'il a averti les observateurs potentiels de la quarantaine en avril, en leur donnant un préavis suffisant. Les diplomates ont également exprimé leur inquiétude au sujet du scrutin. Mais au cours des cinq dernières années, le Burundi a trouvé un moyen de répondre à ses critiques internationales, soit en niant complètement les allégations d'abus, soit en les ignorant tout simplement. Une stratégie qui a permis le maintien d'un même système politique au pouvoir. Le pays s'est débrouillé avec le peu de soutien des donateurs, dont une grande partie a disparu après les troubles de 2015. En conséquence, ces élections ont été entièrement financées par le gouvernement - une première dans l'histoire du Burundi et une rareté sur le continent. Tout cela a donné aux autorités du pays la confiance nécessaire pour aller de l'avant. Tout cela a donné aux autorités du pays la confiance nécessaire pour aller de l'avant. Sur les sept candidats à la course à la présidence, seuls deux sont considérés comme de véritables challengers. M. Nkurunziza soutient le candidat du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, Evariste Ndayishimiye, qui a été fêté lors de grands rassemblements. Il est le secrétaire général du parti, ancien ministre de l'intérieur et a été commandant des rebelles, aux côtés de M. Nkurunziza, au sein du FDD pendant la guerre civile, qui s'est terminée en 2003. Des opposants "torturés et tués" M. Rwasa, l'ancien chef d'un autre groupe rebelle, le FNL, a appelé à un "changement profond dans tous les secteurs de la vie nationale", lorsqu'il s'est adressé aux partisans du Congrès national pour la liberté (CNL), qui a été formé l'année dernière. Bien qu'il se soit retiré de la course de 2015, lorsqu'il était candidat d'un autre parti d'opposition, il a quand même recueilli 19 % des voix, son nom restant sur le bulletin de vote. Les deux hommes sont convaincus d'avoir la base de soutien nécessaire pour gagner, mais la bataille a été difficile pour M. Rwasa. Les organisations de défense des droits de l'homme affirment que le gouvernement a utilisé la force régalienne pour intimider et réprimer les opposants et leurs partisans. Selon Human Rights Watch, il y a eu au moins 67 meurtres documentés, dont 14 exécutions extrajudiciaires, au cours des six derniers mois. Il y a également eu des disparitions, des cas de torture et plus de 200 arrestations contre des opposants politiques ou considérés comme tel. Les forces de sécurité ont été accusées d'avoir fait un usage excessif de la force pour mettre fin aux activités de l'opposition. L'espoir d'un nouveau départ Depuis son indépendance de la Belgique en 1962, le Burundi a connu des vagues de violence entre une majorité ethnique hutue et la minorité tutsie, qui domine le pays. Il n'a jamais connu une période de paix durable après un changement de dirigeant. Melchior Ndadaye, un Hutu, a été élu président lors de la première élection démocratique du pays en 1993. Mais les espoirs de voir la démocratie prendre racine ont été anéantis trois mois seulement après son élection, lorsqu'un groupe de soldats de l'armée dirigée par les Tutsis s'est mutiné et l'a assassiné, ainsi qu'un certain nombre de membres de son cabinet et d'alliés politiques. Des groupes rebelles hutus, dont le FDD et le FNL de M. Rwasa, ont ensuite pris les armes dans une guerre civile qui a duré dix ans et qui a fait quelque 300 000 morts. Le tumulte de 2015 a mis fin à une autre période de paix relative. Mais la question est de savoir si le prochain président pourra restaurer la réputation du pays aux yeux des observateurs internationaux. M. Nkurunziza, armé de son titre de "guide suprême du patriotisme", peut espérer continuer à conserver une certaine influence. Mais même si le candidat de son parti gagne, ce n'est pas une garantie qu'il pourra tirer les ficelles s'il le souhaite. En Angola, le président de longue date, José Eduardo dos Santos, devrait continuer à avoir son mot à dire dans le gouvernement après l'élection de João Lourenço pour le remplacer en 2017. Mais son successeur choisi s'est retourné contre lui, licenciant et même poursuivant certains des enfants de M. Dos Santos et de ses proches alliés. Les querelles de parti et les joutes pour le poste ne doivent cependant pas détourner l'attention de la tâche principale du prochain chef d'État. La Banque mondiale estime que sept Burundais sur dix vivent en dessous du seuil de pauvreté, et les 11 millions d'habitants du pays espèrent que celui qui deviendra président améliorera leur vie. Ferdinand Omondi - BBC News Reportages supplémentaires par le service Grands Lacs de la BBC.
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