@rib News, 19/10/2022 - Source Agence Anadolu A Bujumbura, l'eau potable devient de plus en plus rare. Les robinets sont à sec pendant des jours, voire des mois. La seule entreprise publique en charge de fournir ce produit vital peine à satisfaire la demande. « L’eau est devenue de l’or. Aujourd’hui, on peut passer trois jours sans aucune goutte d’eau. C’est vraiment très difficile. On se demande ce qui se passe, sans réponses », se lamente Adelaide, une femme du quartier Kajiji, commune Muha, au sud de Bujumbura, la capitale économique du Burundi. Cette mère de quatre enfants indique que cette situation dure depuis plusieurs mois.
Non loin de là, dans la zone Musaga, les citadins vivent le même calvaire. « Ici, pour avoir de l’eau, c’est un parcours du combattant. Les robinets sont à sec pendant toute la journée. Juste en pleine nuit, vers 2 h du matin, quelques gouttes coulent. Et les gens se bousculent pour avoir en peu d’eau potable. Sur les quelques robinets publics, on trouve une longue file d’attente », décrit Isidore Nduwayo, un habitant de Musaga. Une situation qui complique, selon lui, le quotidien des familles. « Se laver est devenu un luxe. Le peu d’eau qu’on parvient à avoir est réservé à la cuisson, à la consommation », raconte-t-il, sidéré. Au nord de Bujumbura, dans les quartiers Gihosha, Gikungu, Gisandema, … mêmes lamentations. « Personne n’ignore que l’eau c’est la vie. Et voilà, aujourd’hui, ce produit vital devient rare. Or, la bonne santé et la propreté en dépendent. Il est très courant de passer quatre jours sans eau actuellement », raconte-t-il, notant qu’actuellement, on perd énormément de temps à la recherche d’eau potable dans les quelques coins très alimentés. « Les robinets sont à secs depuis fin septembre. On ne se lave plus. On ne fait plus la lessive. On doit parcourir de longs trajets pour trouver un peu d’eau potable », déplore-t-il. - Les prix flambent Certaines personnes profitent de cette pénurie d’eau. « Pour avoir un bidon de 20 litres, on doit aujourd’hui débourser plus de 0.5 dollar américain. Or, certaines familles ont besoin d’au moins 15 bidons par jour. Comment peut-on avoir de l’argent pour s’en procurer et pouvoir nourrir nos familles ? », s'interroge Isidore. Dans les zones où les bicyclettes restent opérationnelles pour transporter un ou deux bidons d’eau, les conducteurs ont haussé les prix. « Pour un circuit que nous faisions à moins de 1 dollar, le prix s’est aujourd'hui multiplié par trois voire quatre. Car, nous faisons beaucoup de kilomètres pour trouver des robinets fonctionnels en permanence », confie Abdul, un cycliste, croisé au sud de Bujumbura. Et les conséquences n’ont pas tardé à se manifester chez certains ménages. Josiane Ndiho, une habitante du quartier Gisandema au nord de Bujumbura peine actuellement à nourrir sa famille suite à cette pénurie : « On n’a plus d’eau pour préparer le thé pour nos enfants qui doivent aller à l’école. On se débrouille juste avec un petit-déjeuner de pain et de jus. Et à midi, ils rentrent souvent alors que le déjeuner n’est pas encore prêt. Car nous perdons beaucoup de temps à chercher de l’eau ». Remontée, cette maman demande à la Regideso, la seule entreprise publique qui fournit de l’eau à résoudre ce problème. Il faut noter que cette situation n’épargne pas totalement les quartiers du centre de Bujumbura. « Ici, il y a des délestages, mais on ne peut pas passer toute la journée sans eau », indique Josef, un habitant de Nyakabiga, commune Mukaza, au centre de Bujumbura. Il signale néanmoins que la pression d’eau dans les robinets a diminué. « En tout cas, il y a quelque chose qui ne marche pas dans l’alimentation d’eau. Seulement, dans les anciens quartiers, la situation est légèrement meilleure par rapport aux zones périphériques », nuance-t-il. - Les employés de maison en font les frais Cette pénurie d’eau est très prononcée dans les deux communes périphériques de Bujumbura : il s’agit de Muha au sud, et Ntahangwa au nord. Et là, le travail des employés de maison devient difficile. Le quartier Kinanira II, au sud de Bujumbura, vient de passer plus de deux semaines sans être alimenté en eau. Dans les rues, on rencontre des employés de maison portant sur leurs têtes des bidons d’eau : « Je viens de faire au moins trois kilomètres pour trouver cette eau. Et je dois apporter au moins cinq bidons. C’est vraiment très difficile. Et je n’ai pas d’autres choix. Parce que si je ne le fais pas, on va me renvoyer », confie Bosco, un domestique croisé dans ce quartier. Il déplore que cette situation arrive après avoir empêché les bicyclettes à circuler dans les quartiers. « S’ils étaient encore permis d’entrer dans notre quartier, je pourrai utiliser le vélo pour transporter cette eau. C’est vraiment fatiguant », souligne-t-il, précisant qu’il doit puiser l’eau pour la cuisson, le nettoyage, la lessive, etc. Ce qui n’a pas malheureusement d’impact sur son salaire. « Si la situation perdure et qu’on ne revoie pas mon salaire à la hausse, je vais abandonner ce travail », prévient-il, notant que pour transporter trois bidons au bord d’un taxi, on paie au moins 5 dollars américains. - Risque de maladies Trois principales rivières traversent la ville de Bujumbura à savoir Ntahangwa, Muha et Kanyosha. Face à cette rareté d’eau potable, déboussolés, citadins n’hésitent pas à faire recours à l’eau de ces rivières. « Que voulez-vous qu’on fasse ? Oui, cette eau est sale mais on n’a pas d’autres choix. C’est notre seul recours », se désole Gaspard, un habitant du quartier Busoro, proche de la rivière Kanyosha. Il préfère se ravitailler dans cette rivière au lieu d’aller acheter un bidon d’eau. Cet habitant dit être conscient que cette eau est sale. Mais, explique-t-il, « c’est très difficile de trouver de l’argent pour nourrir sa famille et acheter de l’eau. Nous nous rabattons sur cette rivière pour la lessive, le nettoyage et même pour la cuisson. Seulement, on se sacrifie pour trouve un peu d’eau propre pour boire. » Il faut signaler qu’avec le problème de gestion des déchets, des quantités importantes des déchets ménagers sont jetés dans ces rivières. Certains ménages, sans lieux d’aisances, ont même transformés ces rivières en toilettes. « C’est vraiment très difficile. Nous savons qu’on recourt un grand danger en consommant l’eau de ces rivières, mais on n’a pas le choix », confie I.B, une mère rencontrée sur les rives de la rivières Kanyosha portant un seau rempli d’eau sur sa tête. « Je vais l’utiliser pour la cuisson. Je ne peux pas me donner le luxe d’acheter un bidon d’eau. J’attendrai jusqu’à ce que le bon Dieu nous redonne de l’eau propre », dit-elle, appelant les autorités à prendre en main cette question. « Notre santé est en danger », alerte-t-elle, avant de poursuivre son chemin. - Des problèmes techniques à la base Contacté par l'Agence Anadolu, Innocent Nkurunziza, directeur de l’Eau dans la Régie de production et de distribution d’eau et d’électricité (Regideso) explique : « Un de nos groupes motopompes a cédé et a atteint son amortissement. On s’est mobilisé pour mettre en place les installations adéquates afin de toujours distribuer l’eau en quantité suffisante vers ces localités du sud de la ville de Bujumbura ». Il souligne que ce problème sera d’ici peu résolu. Et de préciser que les nouvelles installations sont au complet et que l’équipe technique est en train de préparer la remise en service. Nkurunziza indique, néanmoins, qu’il est très difficile pour l'entreprise de faire l’adduction d’eau dans des quartiers avec des constructions anarchiques. Et de lancer un appel aux administratifs et aux services en charge de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme de veiller à ce qu’il n’y ait plus de constructions anarchiques afin de faciliter la tâche à la Regideso. Plus de 80% d’eau consommée dans la ville de Bujumbura vient du lac Tanganyika. Avec sa pollution, la Regideso est obligée de capter l’eau à plus de 3,5 km vers les eaux congolaises. Et pour pouvoir approvisionner en eau les citadins aujourd’hui estimés à plus de 1,2 millions, avec une densité de 11 668 hab/km2, I.B, un ancien technicien de la Regideso trouve que cette entreprise devrait au moins installer deux autres points de captage. « Plus la ville s’agrandit, plus la demande en eau augmente. C’est très illogique de continuer à penser que le seul point de captage peut servir tout ce monde », analyse-t-il, ajoutant qu’il faut aussi libéraliser ce secteur : « Si la Regideso n’est pas capable de le faire, il faut permettre aux investisseurs privés de travailler dans ce domaine », suggère-t-il. |