Deutsche Welle, 21 octobre 2023 La crise ethno-politique qui a duré des décennies entre les Hutus et les Tutsis a abouti en 1993 à une guerre civile au Burundi jusqu'à l'accord d'Arusha en 2000. Au matin du 21 octobre 1993, des soldats tutsis prenaient d'assaut le palais présidentiel. Melchior Ndadaye, un Hutu, fut assassiné seulement 102 jours après son élection à la présidence du Burundi.
Il avait été élu le 1er juin 1993 à la suite du premier scrutin démocratique dans le pays depuis son indépendance de la Belgique. En 1962, le Burundi était en effet dirigé par un petit groupe de militaires tutsis. En 1993, la pression internationale avait contraint Pierre Buyoya, alors président, à ouvrir le système politique en organisant des élections, et le « parti hutu » Frodebu (Front de la démocratie au Burundi), dirigé par Melchior Ndadaye, a remporté le scrutin. Mais cinq mois après, Melchior Ndadaye a été kidnappé dans son palais par des soldats tutsis et assassiné. Le pays est alors plongé dans une guerre civile entre l'armée, dominée par les Tutsis, et les groupes rebelles hutus, au cours de laquelle plus de 300.000 personnes ont été tuées et des centaines de milliers ont fui vers les pays voisins. Le meurtre qui a alimenté la haine "L'assassinat de Ndadaye a attisé la haine entre les Burundais qui se sont retournés les uns contre les autres et ont mené une guerre acharnée pendant plus de dix ans. Ce qui a fait régresser le pays économiquement", a déclaré à la DW, l'ancien président burundais Sylvestre Ntibantunganya. L'assassinat du président Melchior Ndadaye juste 102 jours après son investiture à la tête du Burundi va conduire le petit pays de la région des Grands-Lacs vers 15 ans de guerre civileImage : DABROWSKI/AFP/Getty Images Durant cette période, selon Ntibantunganya, le Burundi a subi une grande perte : "Parce qu'à ma connaissance, Melchior Ndadaye était une personne déterminée à lutter contre l'extrême pauvreté au Burundi et il avait des projets solides pour atteindre cet objectif. Mais aussi pour aider les Burundais à vivre ensemble en paix", a déclaré Ntibantunganya. La guerre civile au Burundi a pris fin avec l’Accord d’Arusha, en 2000, mais elle a laissé de profondes blessures. Le traité de paix a jeté les bases d’un partage du pouvoir entre les deux groupes ethniques à tous les niveaux : au sein du gouvernement, du Parlement, de l’administration, de la police et de l’armée. La situation des droits de l’Homme toujours tendue Depuis, les lignes ont bougé : contrairement aux années 1990, les conflits actuels sont avant tout de nature politique et non ethnique. Après la violente répression des manifestations, en 2015, contre un troisième mandat controversé du président de l’époque, Pierre Nkurunziza, le Burundi a été longtemps isolé sur le plan international. Avec le président actuel, Evariste Ndayishimiye, qui est au pouvoir depuis 2020, la politique étrangère du pays est devenue plus ouverte, mais il n’a pas encore opéré de changement de cap décisif sur le plan interne. Bon nombre de ses promesses répétées de garantir la justice et de promouvoir la tolérance politique ne sont toujours pas tenues. Le président a nommé des partisans de la ligne dure du parti au pouvoir à des postes clés, selon un rapport de Human Rights Watch de 2022. Des meurtres, des actes de torture, des mauvais traitements, des arrestations arbitraires et des détentions de personnalités de l'opposition ont été documentés par des groupes de défense des droits humains internationaux et burundais en 2022. Le 12 octobre, le Conseil des droits de l'Homme de l'Onu s'est ainsi prononcé en faveur de la prolongation d'un an de la surveillance de la situation au Burundi et mardi 17 octobre, le président d'un parti d'opposition, le Codebu, a été emprisonné après avoir critiqué le pouvoir burundais. Kossivi Tiassou | Martina Schwikowski |