Ce débat était le dernier d’une série de cinq tables rondes officielles, organisées dans le cadre de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le sida, qui se déroule à New York du 8 au 10 juin 2011.
Alors que la riposte au VIH entre dans une phase décisive, des décisions importantes doivent être prises pour « sortir le VIH de son isolement » et l’inscrire dans les programmes généraux de santé et de développement, a fait valoir M. Rufyikiri.
La tuberculose restant une cause majeure de mortalité chez les personnes vivant avec le VIH/sida, les intervenants ont tous reconnu que l’approche intégrée des services anti-VIH et antituberculeux améliorait la santé publique et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).
Le Vice-Président du Burundi a rappelé une « dure réalité »: le VIH affecte les populations les plus vulnérables et marginales qui ont des difficultés pour accéder à la prévention, au traitement et aux soins. Le Burundi fait partie des pays les plus touchés par la pandémie au sud du Sahara.
« Nous ne devons pas oublier que le sida n’est pas purement une question de santé et qu’il faut considérer les facteurs socioéconomiques ayant une incidence sur les personnes vivant avec le VIH », a-t-il ajouté, en insistant sur la nécessité de lutter contre la pauvreté.
Ce débat a été l’occasion de réfléchir aux leçons tirées de l’expérience et de mettre un accent particulier sur la thérapie antirétrovirale et le prolongement de la vie des séropositifs.
« La recherche n’a pas dit son dernier mot », a déclaré Mme Françoise Barré-Sinoussi, lauréate du prix Nobel de médecine, en mentionnant les efforts déployés pour mettre au point de nouveaux outils. Tous les progrès réalisés jusqu’à présent, en particulier en ce qui concerne la transmission de la mère à l’enfant, ont contribué aux OMD.
En tant que scientifique impliquée depuis le début dans la lutte contre le VIH/sida, Mme Barré-Sinoussi a toutefois jugé « frustrant de constater qu’il y a encore des personnes séropositives qui n’ont pas accès aux soins de santé dans plusieurs régions du monde ». Selon elle, il faut une volonté politique forte et une meilleure coordination entre les programmes. La science, qui a permis de trouver des réponses au VIH/sida, a également profité à d’autres maladies.
« Toutes les minutes, trois personnes vivant avec le VIH/sida décèdent des suites de la tuberculose », s’est indigné M. Jorge Sampaio, Envoyé spécial du Secrétaire general pour l’initiative « Halte à la tuberculose ». Entre aujourd’hui et 2015, un million de vies pourraient être sauvées si des mesures étaient adoptées pour intégrer le dépistage du VIH/sida et de la tuberculose, mettant fin à la « verticalisation » des services.
Pour la représentante de la société civile, membre de l’International Treatment Preparedness Coalition, « la réponse est très simple: il faut traiter les gens », car l’accès universel au traitement est un droit fondamental. Le manque d’intégration des services sanitaires représente un véritable obstacle, en particulier pour les femmes et les filles et les groupes à risque.
Soulignant les mérites du travail multisectoriel, la représentante de la Norvège a engagé les pays donateurs à réfléchir aux liens entre VIH/sida, tuberculose et maladies sexuellement transmissibles (MST).
En Afrique du Sud, le VIH/sida est une question de santé et de développement, a expliqué la représentante de ce pays, et l’intégration est bien présente dans ses politiques. Les ministères collaborent étroitement dans la riposte contre le VIH/sida et la tuberculose tandis que les instances locales et les communautés sont impliquées pour changer les mentalités sur le terrain.
L’intégration du VIH/sida et de la tuberculose est aussi devenue une réalité au Mozambique, qui compte 900 centres de soin.
Le représentant du Sénégal a fait valoir que son pays avait commencé à intégrer les services de prise en charge des malades dès 1984, ce qui a contribué au succès de la prévention du VIH/sida. En 20 ans, l’utilisation de préservatifs a été multipliée par 20. La plupart des professionnelles du sexe sont suivies au niveau des centres de planning familial et de santé reproductive et les adolescents ont accès à des centres de conseils pour éviter les grossesses non désirées ou faire un dépistage volontaire.
La Thaïlande a également réussi à intégrer sa riposte au VIH/sida depuis le début de l’épidémie. Elle a appris à lancer des partenariats avec d’autres secteurs et mis l’accent sur le renforcement des capacités des ressources humaines.
Médecins sans frontières (MSF), qui a ouvert son premier centre de traitement en Thaïlande il y a 20 ans, estime que l’on pourra éviter de nouvelles infections si les traitements sont intégrés dans toutes les cliniques. Pour le représentant de MSF, « intégration veut dire également que les médicaments doivent être abordables ».
« Nous travaillons avec les marchés », a renchéri le Secrétaire exécutif de la Facilité internationale d’achat de médicaments (UNITAID). Il a loué les technologies qui permettront de simplifier les diagnostics.
Pour sa part, le représentant du Programme alimentaire mondial (PAM) a dit qu’il fallait commencer à réfléchir aux moyens d’intégrer l’appui alimentaire et la nutrition aux systèmes de santé.
La représentante de la Fédération de Russie a dit que son pays avait déployé une approche centrée sur les co-infections. Toutefois un membre de la société civile de ce pays a déploré le fait que les programmes de prévention du VIH/sida et de la tuberculose n’étaient pas suffisamment financés et que les malades étaient souvent isolés sans possibilité d’obtenir des trithérapies. Dans certaines villes, 100% des toxicomanes sont touchés par la tuberculose.
En Ukraine par contre, les consommateurs de drogues sont mieux informés et la thérapie de la substitution de l’opium a porté ses fruits.
Le représentant de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) a rebondi sur le problème de la toxicomanie pour faire remarquer que les services de contrôle des drogues, relevant du droit et de la répression, étaient tout à fait distincts des services de santé pour le VIH/sida. Quand on parle d’intégration, ces deux groupes ne sont pas parvenus à se réunir. « Les prisons sont un véritable terreau pour les infections par VIH et tuberculose », a-t-il dit, regrettant qu’il n’y ait pas de représentant du système carcéral dans ce débat.
Sur une note positive, le Gouvernement brésilien a intégré depuis 25 ans la lutte contre le sida dans ses politiques et auprès de la société civile et des milieux universitaires avec pour leitmotiv « pas de succès sans accès ». Par ailleurs, grâce à des programmes de lutte efficaces, le nombre de nouvelles infections a reculé de 50% en Inde.
« Convaincue que les jeunes doivent être au cœur du changement », la Barbade veille, quant à elle, à ce que sa société ait une approche unifiée pour relever les défis du VIH/sida.
Malheureusement, au Mexique, le système de santé est fragmenté et ce pays, marqué par une épidémie concentrée et une forte stigmatisation, doit pouvoir bénéficier d’une feuille de route pour améliorer la qualité des soins en attendant d’obtenir l’intégration.
Le Président de la table ronde a conclu que la réponse au sida était le résultat d’un grand nombre de succès et d’innovations qui ont contribué au renforcement des systèmes de santé dans le monde et qu’il fallait « capitaliser sur ces succès » pour assurer l’intégration des services de prévention, de traitement et de soins.
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