@rib News, 13/10/2011 Négligence et indifférence à l’endroit de Madame Rwagasore Par Perpétue Nshimirimana, Lausanne, le 13 octobre 2011 Notre pays entre dans l’année de la commémoration du cinquantenaire des événements qui ont marqué la naissance du Burundi indépendant. Ce moment important de l’édification de notre mémoire collective nationale ne doit pas faire oublier les incessantes manœuvres de déformation, de réécriture fantaisiste et d’usurpations en cours autour des enjeux de ces cérémonies. Le 18 septembre dernier, l’ex-Parti-Etat, UPRONA, en instance de rendre des comptes devant l’Histoire, a vécu la commémoration de sa victoire électorale de 1961 dans une discrétion absolue.
En cette journée qui marque le 50ème anniversaire de l’assassinat du Prince Louis Rwagasore, j’ai une pensée particulière pour Marie-Rose Ntamikevyo, son épouse. A l’attention de l’ensemble des Barundi et de la myriade de formations se réclamant héritières des idéaux du Prince, je tiens à rappeler à leur conscience sélective l’existence dans l’errance de son épouse. Selon des sources dignes de foi, elle est décédée le 09 novembre 1973 dans des circonstances inconnues. Aujourd’hui, personne ne sait où repose exactement sa dépouille mortelle. D’après les renseignements obtenus, sa tombe n’existe plus. Cependant, elle avait été inhumée au cimetière de Kanyosha, non loin du Petit séminaire du même nom à Bujumbura. Quelques années plus tard, le gouvernement en place a décidé de construire sur ce cimetière des maisons en location-vente pour les familles de militaires de l’armée burundaise. A ma connaissance, la famille d’Ildephonse Ntamikevyo, n’a pas été avertie ou (n’a pas eu le temps) de s’occuper du déplacement décent des restes de Marie-Rose vers un autre endroit de repos. Entre-temps, les engins de terrassement ont nettoyé et assaini le terrain pour permettre la construction des bâtiments. Aujourd’hui, à l’emplacement du cimetière de 1973, ont été érigés des immeubles, véritable chape qui enfouit lourdement le corps de Marie-Rose comme celui de nombreuses autres personnes enterrées sur ce lieu. Quelle est l’identité de ces dernières personnes ? C’est un traitement bizarre infligé à une femme dont l’époux est célébré depuis son assassinat le 13 octobre 1961 comme le héros de toute une Nation. On a tendance à ne pas tenir compte du fait qu’elle a sans doute joué un rôle dans l’épanouissement de l’homme au statut de héros. Le cas de Marie-Rose Ntamikevyo soulève plusieurs questions fondamentales qui devraient interpeller tout Burundais épris de paix. Pourquoi la notion de respect dû aux principes élémentaires de la vie, du droit etc. semble ne pas imprégner l’organisation de la société du Burundi post-indépendance ? La commémoration de l’assassinant du Prince Louis Rwagasore est devenue depuis des années l’occasion d’un ralliement recueilli sans contenu véritable, à l’exception, d’un sempiternel discours prononcé par le Prince lors de la victoire du parti UPRONA en septembre 1961. Mais, quel a été l’avis de Marie-Rose sur les motivations de l’assassinat de son mari par des rivaux politiques proches ? Quel est la part de travail réel du Prince dans la création et la gestion du parti Union pour le Progrès National (UPRONA) ? Parmi les véritables amis du Prince, qui est garant de l’authenticité des archives personnelles et politiques du Prince ? Une entreprise d’effacement de la réalité de son existence semble avoir été ordonnée pour aboutir à une déformation progressive de la mémoire du héros. Qui a réellement connu et compris les choix du Prince Louis Rwagasore ? Marie-Rose Ntamikevyo a peut-être été écartée du partage des biens du Prince et de la gestion de ceux de l’ex-parti-état, l’UPRONA. Par qui ? A mon avis, ce serait l’une des pistes de compréhension de la négligence et de l’indifférence autour de cette femme. Enfin, quels étaient les biens propres du Prince distincts de ceux du parti en 1961 ? Que sont-ils devenus ? En cette année de commémoration, notre pays et ses citoyens font face à leur Histoire, à leur mémoire et à leurs archives, sous le regard des autres Nations. A tous et à chacun, soyons à la hauteur d’un travail correct de restitution historique. Lausanne, le 13 octobre 2011 Perpétue Nshimirimana. |