@rib News, 19/06/2009 Funérailles de Ntare Ndizeye : Réaction à l’article de Baranyanka Par Laurent Kavakure - 18 juin 2009 1. J’ai lu avec un vif intérêt la réflexion du Muganwa Charles Baranyanka parue sur différents sites, à propos des funérailles du dernier Roi du Burundi, Ntare Charles Ndizeye, assassiné tragiquement le 29 avril 1972, et dont le corps repose dans une fosse commune quelque part dans les environs de Gitega. C’est une réflexion profonde qui mérite beaucoup d’attention, pour notre réconciliation avec nos morts et nos disparus que nous n’avons ni pleuré, ni enseveli dans la dignité. 2. D’emblée, je voudrais saluer l’offre de la Belgique de financer, pour cet illustre disparu, des funérailles dignes d’un ancien Chef d’Etat. C’est une contribution importante à notre mémoire nationale, et aux travaux de la Commission Vérité et Réconciliation.
3. Le Muganwa Charles Baranyanka suggère que le lieu de sépulture soit NDAGO près de Muramvya, avec « trois cercueils : un du roi, un autre d’un Muhutu suivi de celui d’un Mututsi ». C’est à ce sujet que je voudrais émettre quelques réserves. La proposition me semble vouloir créer une entorse à notre histoire nationale et, tout en rehaussant l’importance du site de Ndago, créer des confusions et des amalgames. 4. En effet, dans les traditions monarchiques, les rois défunts étaient enterrés à REMERA RYA MANINI, dans le domaine des Biru, en province de Kayanza, sur la lisière de la foret Kibira. Les tombes royales sont constituées de bosquets « intatemwa », qui sont des vestiges historiques importants auxquels se sont intéressés plusieurs chercheurs. Les Reines-Mères étaient quant à elles enterrées à Mpotsa dans le domaine des Banyange, en région de Muramvya, sur la lisière de la Kibira. Dans cette logique, Ntare Ndizeye devrait rejoindre ses prestigieux ancêtres dans la Kibira. Il devrait en être de même pour le roi Mwambutsa Bangiricenge, en cas de rapatriement de son corps qui repose toujours à Genève au cimetière de Meyrin. 5. Notre partenaire belge, nous aideraient, non seulement à organiser ces funérailles, mais aussi à aménager cette zone de nécropoles royales pour en faire un haut lieu de notre histoire nationale. Nos visiteurs apprécieraient d’apprendre des leçons de notre passé sous les douceurs et les charmes de la flore et de la faune de la Kibira. 6. Concernant le site de Ndago, j’adresse mes sincères remerciements, au Muganwa Charles Baranyanka, de mettre à l’honneur cette page de notre histoire. En effet, nous ne cessons de chanter les hauts faits de nos ancêtres qui au 19ème siècle ont vaincu les esclavagistes arabisés, préservant notre pays du fléau de l’esclavagisme, et qui se sont opposés vaillamment à l’invasion impérialiste allemande jusqu’au Traité de Kiganda de juin 1903. 7. Nous ignorons le prix que nos vaillants guerriers, armés d’arcs et de flèches ont payé sur cette montagne de Ndago, devant les mitrailleuses allemandes : 15 à 20.000 de nos guerriers assassinés en une matinée. « NDAGO est le symbole vivant de l’héroïsme d’un peuple, face à une force terrifiante, pourtant incapable de nous vaincre et qui, finalement, demandera à composer. NDAGO est aussi un énorme charnier, malheureusement profané par la deuxième république, qui y a érigé une minoterie, après avoir rasé les « Bigabiro », témoins majestueux des hauts faits de notre armée qui a inscrit de son sang, sur cette montagne, une des pages les plus glorieuses de notre histoire nationale », écrit le Muganwa Charles Baranyanka. Cet épisode à lui seul suffit, pour faire de ce site un haut lieu historique protégé, avec un grand monument, rappelant la gloire de nos ancêtres. 8. Par ailleurs, le pouvoir monarchique reposait sur plusieurs symboles liés à des noms de clans et à des noms de domaines. Ainsi les tambours étaient l’apanage des Batimbo et certains sites leurs sont attribués. Je n’ai pas d’éclairage suffisant par rapport au symbole de ce Feu Sacré, éternellement allumé « hérité de KIMEZA MIRYANGO, vieux comme le Burundi lui-même » et que l’Homme blanc a éteint. S’il existe un site approprié, je suggérerais que ce site puisse être également valorisé et que cette symbolique soit rappelée dans toute sa signification. 9. Pour retourner au site de Ndago, les pouvoirs publics devraient pouvoir le valoriser et y élever un monument imposant, indépendamment des funérailles du Roi Ntare Ndizeye. Cette proposition de 3 cercueils dans un même Temple (l’un pour le roi, l’autre pour le muhutu, l’autre pour le mututsi), me semble relever d’une vision caricaturale de l’unité nationale, qui, sans instrumentalisation aucune, reste un thème politique majeur. 10. Je voudrais pour conclure, mettre en exergue deux idées. Premièrement la réconciliation nationale que nous appelons de tous nos vœux, ainsi que la réconciliation avec nos morts et nos disparus, devraient s’inspirer des valeurs de nos us et coutumes pour avoir des fondements solides. Deuxièmement, tous nos sites historiques devraient être inventoriés et valorisés, avec les caractéristiques spécifiques de chaque site, de manière à assurer une visibilité à notre patrimoine historique et culturel dans sa diversité, afin de contribuer au développement intégral de notre pays. Il existe en effet une corrélation entre Histoire, Culture et Tourisme, étant entendu que le secteur touristique, avec un circuit long, constituerait l’une de notre chance de développement. Laurent Kavakure Lire Article de Baranyanka Charles |