Burundi : mesure de rétorsion des médias "indépendants" contre le pouvoir
Société

RFI, 19-09-2014

Burundi : le bras de fer continue entre médias indépendants et pouvoir

Les médias indépendants - quatre stations privées et le principal hebdomadaire du pays -, ont décidé de boycotter la conférence trimestrielle des porte-paroles organisée ce vendredi 19 septembre à Gitega, au centre du Burundi.

Il s’agit d’une mesure de rétorsion à une décision de la justice burundaise de maintenir en détention le plus célèbre défenseur des droits de l’homme de ce pays, Pierre-Claver Mbonimpa, privé de liberté depuis le mois de mai et hospitalisé dans un état grave.

Ces conférences publiques sont toujours organisées de la même manière : une trentaine de porte-paroles officiels, sous la baguette du porte-parole présidentiel burundais, font face à des journalistes qui leurs posent des questions pendant une heure, avant de dialoguer avec la population pendant deux heures.

Jusqu’ici, il n’y a jamais eu d’annonces fracassantes dans ces conférences, mais le pouvoir burundais, lequel d’habitude a quelques difficultés à communiquer, tient beaucoup à ces grand-messes trimestrielles.

Il considère donc que ce boycott, qui est une première, est une atteinte grave à l’esprit de dialogue amorcé lors des assisses de Gitega au centre du Burundi, il y a quelques mois. « C’est une réaction de ces responsables de médias que je juge irresponsable. Les pouvoirs publics ont ouvert les portes, ceux qui viennent de les fermer cette fois-ci ce sont les médias pour une cause qui n’est même pas juste », estime le chargé de la communication présidentielle, Willy Nyamitwe.

Mais les médias indépendants du Burundi qui ont opté depuis longtemps pour un journalisme engagé, un journalisme de combat, persistent et signent. « Moi, je suis très amusé par celui du gouvernement qui parle d’irresponsabilité et qui est en train d’emprisonner injustement l’homme le plus respecté de ce pays. Nous ne sommes pas neutre face à des choses qui portent atteinte à la dignité humaine, ça c’est clair », tonne Innocent Muhozi, directeur de Télé Renaissance.

Il s’agit d’un énième bras de fer entre pouvoir et médias indépendants dans ce pays, de mauvais augure à moins d’un an des élections générales.

 Les relations entre pouvoir et opposition préoccupent les eurodéputés

Les députés européens demandent aux autorités burundaises de « prendre des mesures pour contrôler » les « Imbonerakure », la jeunesse du parti au pouvoir, en empêchant ses membres « d'intimider et d'attaquer les personnes considérées comme des opposants ».

Parmi les députés qui ont initié cette résolution, Louis Michel, l'ancien commissaire européen : « Depuis un certain temps, on a plus que le sentiment qu'il y a une sorte de dérive autocratique. La personne qui a été emprisonnée est manifestement reconnue sur le plan national et international comme un défenseur rigoureux des droits de l'homme. »