Bujumbura n’a pas envie d’avoir un second Pierre-Claver Mbonimpa en prison
Droits de l'Homme

RFI, 26-09-2014

Burundi : Gabriel Rufyiri a manifesté, seul, contre la corruption

Il est impossible pour l’opposition ou la société civile de manifester depuis des années au Burundi, un pays où seules les manifestations organisées par le parti au pouvoir ou qui lui sont favorables ont été autorisées jusqu’ici.

Après de nombreuses tentatives d’organiser des conférences et des manifestations publiques, Gabriel Rufyiri, le président de l’Observatoire de la lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome), a décidé de manifester tout seul, à Bujumbura, pour dénoncer la corruption, un véritable fléau dans ce pays, et les privations des libertés publiques.

Et c’est une première au Burundi : la police l’a arrêté comme tout le monde s’y attendait, mais elle ne l’a pas conduit à la case prison.

Gabriel Rufyiri avait bien préparé son coup, jeudi, apparemment. Son pantalon, sa chemise et sa casquette, ainsi qu’un parapluie et un grand drapeau qu’il arborait portaient tous le même symbole : un simple citoyen très maigre, en train de nourrir à la petite cuillère un gros monsieur bien mis, le gouvernement.

Mais comme, en plus, la police burundaise n’a pas la réputation d’être tendre avec les manifestants, le plus célèbre activiste anticorruption du Burundi avait prévu un petit nécessaire au cas où il aurait atterri en prison.

Et Gabriel Rufyiri ne cachait pas sa joie de pouvoir enfin manifester librement, pour la première fois.

« J’ai décidé de venir seul parce que le gouvernement du Burundi a refusé qu’on puisse se réunir en masse. Enfin, enfin, enfin, je suis en train d’exercer mes droits », s’est-il exclamé.

« Pas envie d’avoir un second Pierre-Claver Mbonimpa en prison »

Mais il n’a pas pu atteindre le Grand Bureau, un immeuble au centre de Bujumbura qui abrite notamment les ministères de la Justice et de l’Intérieur, symboles à ses yeux de la répression des libertés publiques au Burundi.

Des dizaines de policiers l’attendaient de pied ferme et l’ont embarqué manu militari dans une de leurs camionnettes, sous les applaudissements de la foule.

Mais à la surprise générale, la police du Burundi l’a conduit tout simplement jusqu’à son domicile.

« Nous n’avons pas envie d’avoir un second Pierre-Claver Mbonimpa en prison », a expliqué un haut gradé de la police du Burundi, du nom du célèbre défenseur burundais des droits de l’homme, en prison depuis plusieurs mois et devenu bien encombrant aujourd’hui pour le pouvoir burundais.