Afrique de l'Est : Monter la barre pour l’égalité de genre
Droits de l'Homme

Inter Press Sevice, 15 juil 2009

Joyce Mulama

NAIROBI - La mention de la Communauté d’Afrique de l’est (EAC) suscite d’habitude des réflexions sur le commerce régional, mais une campagne est en cours pour utiliser cet organisation régionale pour promouvoir l’égalité de genre.

Le traité qui a réinstauré l’EAC en 1999 contient des protocoles sur le rôle des femmes dans le développement de la société. Par exemple, l’article 121 exige que les cinq Etats partenaires élaborent les lois nécessaires pour soutenir "l’implication et la participation totales des femmes dans toutes les étapes de développement, notamment dans la prise de décisions".

Une décennie après la signature de ce traité, le Rwanda mène le peloton pour assurer la participation équitable des femmes et des hommes au parlement, alors que l’Ouganda, la Tanzanie et le Burundi ont amélioré la participation des femmes à la politique à travers des dispositions constitutionnelles. Le Kenya a fait des progrès insignifiants.

La campagne pour une Déclaration de l’Afrique de l’est sur l’égalité de genre souhaite que tous les cinq pays soient égaux en termes de lois sur l’égalité de genre et leur application. Elle recherche un seul instrument juridique obligatoire pour régler les lacunes dans les sphères de prise de décisions telles que le parlement à travers la région. Cette campagne est en train d’être menée par l’Initiative sous-régionale d’appui de l’Afrique de l’est (EASSI), une organisation des droits des femmes dont le siège est à Kampala, en Ouganda.

"Nous voulons rassembler ces préoccupations et faire du lobbying auprès des gouvernements d’Afrique de l’est sur la nécessité d’adopter un tel document s’ils sont sérieux sur le fait d’assurer l’égalité de genre", a déclaré Marren Akatsa-Bukachi, la directrice exécutive de l’EASSI.

"Il ne s’agira pas seulement d’un document commun spécifiant l’égalité de genre: il est important qu’il oblige les Etats à mettre en place des mesures pour la mise en œuvre de telles spécifications".

Des experts juridiques, venus de tous les cinq Etats, devraient commencer la rédaction de la déclaration sur l’égalité de genre dans ce mois.

"Nous espérons que d’ici à la fin de deux années, nos gouvernements vont au moins accepter cette déclaration sur le genre, qui va galvaniser la mise en œuvre des instruments de promotion de l’égalité de genre conformément à l’article 121", a confié Akatsa-Bukachi à IPS.

L’EASSI est en train de poursuivre sa campagne en faisant pression sur les ministres en charge du Genre, opérant à travers différents canaux, organisant des réunions régionales des activistes des droits des femmes. La plus récente de ces rencontres, tenue à Nairobi, au Kenya à la fin du mois de juin, a critiqué la façon dont les gouvernements avaient ratifié plusieurs directives visant à assurer l’égalité de genre, notamment à divers niveaux de prise de décisions, mais ont refusé de les mettre en œuvre.

Ces engagements comprennent la Déclaration de Beijing et la Plateforme pour l’action, adoptées par les dirigeants du monde suite à la Conférence des femmes de Beijing, tenue en Chine il y a 14 ans, et le troisième Objectif du millénaire pour le développement de l’ONU. Les deux stipulent l’établissement d’initiatives promouvant un niveau de 50/50 de l’égalité de genre dans tous les secteurs de prise de décisions, avec le dernier portant une échéance de 2015.

Il faut des progrès en termes de la législation nationale également. Par exemple, en Ouganda, le taux des femmes au parlement est juste au-delà de 30 pour cent, conformément aux exigences constitutionnelles du pays pour la représentation des femmes au parlement et dans le service public. Toutefois, cela est toujours en dessous des objectifs de l’ONU et de la Plateforme de Beijing.

Les observateurs disent que l’harmonisation des normes nécessite une attention plus grande.

"Qui est là pour suivre; pour s’assurer que les lois que nous avons en place riment avec les instruments internationaux de promotion de la parité de genre? Tant qu’il n’existe aucun suivi pour voir si ce que notre constitution offre est mis en œuvre en tandem avec les instruments internationaux, la loi demeurera comme l’encre sur papier", a déclaré Béatrice Ngonzi de la section de la Fédération des femmes avocates de l’Ouganda.

Les taux des femmes parlementaires en Tanzanie et au Burundi s’élèvent respectivement à 30,4 et 30,5 pour cent, selon l’Union interparlementaire. Sur les cinq pays d’Afrique de l’est, le Kenya a le taux le plus bas des femmes au parlement, seulement 9,8 pour cent.

Le Rwanda a actuellement le taux le plus élevé de femmes parlementaires au monde – 56,3 pour cent – grâce aux lois qui garantissent des sièges pour les femmes au parlement. Eloquemment, le Rwanda a aussi installé un organe de suivi au début de cette année : l’Observatoire du genre est mandaté pour assurer que la parité de genre est soutenue à tous les niveaux du gouvernement.

Les pas positifs que le Rwanda a faits dans la réalisation de l’égalité de genre l’ont été largement grâce aux programmes massifs de sensibilisation du public menés par le gouvernement et des organisations de la société civile.

"Il y a eu beaucoup de sensibilisation du public pour soutenir le leadership féminin à tous les niveaux. Nous avons été impliquées dans l’organisation de certaines de ces activités au cours des années", a indiqué Jane Abatoni, la deuxième vice-présidente de 'Profemme Twese Hamwe' ("vers la promotion des femmes" en Kinyarwandara), une organisme faîtier de plus de 50 organisations impliquées dans le plaidoyer pour les droits des femmes.

Pendant que le Rwanda a fait de pas géants vers la réalisation de l’égalité, le Kenya est à la fin de l’autre éventail. Ce pays n’a voté aucune loi pour soutenir l’égalité. Des analystes disent que de nombreuses déclarations verbales sur la promotion de l’égalité de genre faites par le gouvernement, mais sans force de loi, font peu pour tenir les dirigeants responsables. Par exemple, aucune action n’a suivi une directive du président selon laquelle les femmes doivent constituer 30 pour cent de tous les fonctionnaires nouvellement recrutés.

"Il y a nécessité d’assurer que de telles directives soient sauvegardées par la loi, ou il doit y avoir certaines méthodes pour surveiller leur mise en œuvre. Sans une législation sur l’égalité de genre dans chaque sphère, nous ne sommes pas du tout en sécurité", a expliqué à IPS, dans un entretien, Wanjiku Kabira, présidente de l’Alliance politique des femmes.

La campagne pour une Déclaration de l’Afrique de l’est sur l’égalité de genre soutient que le fait d’avoir plus de femmes à des postes critiques de prise de décisions, constitue le début de réparation d’autres injustices liées au genre.

"Les choses peuvent changer avec un certain nombre de femmes au parlement. Une loi a été votée l’année dernière au Rwanda, prévoyant une punition stricte des auteurs des violences basées sur le genre. Le grand nombre de femmes a assuré le vote de cette loi en douceur, sans problème", a déclaré Abatoni.