Fin d’une semaine diplomatiquement chargée de nuages pour le Burundi
Diplomatie

PANA, 29 septembre 2014

Bujumbura, Burundi - La semaine qui s’achève aura été marquée par des pressions diplomatiques tous azimuts sans précédent sur le gouvernement burundais, notamment de la part des Européens et des Américains, les principaux partenaires techniques et financiers traditionnels du pays, qui supportent mal le maintien en détention préventive prolongée du président de l’Association pour la défense des droits humains et des détenus (Aprodh), Pierre Claver Mbonimpa et la dégradation croissante du climat sociopolitique national à l’approche des élections générales de l’été 2015.

Le président américain, Barak Obama, en tête, a profité de la récente 69ème Assemblée générale des Nations unies, pour plaider, à la face du monde, la libération du doyen des défenseurs des droits humains au Burundi; qui est officiellement incarcéré depuis plus de trois mois sous le grave chef d’accusation d’'atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat » après avoir allégué de la présence de jeunes affiliés au parti au pouvoir sur le sol du Congo voisin pour des entraînements paramilitaires à des fins toutefois non encore élucidées.

Peu de jours avant, une Résolution 2014/2833 (Rsp) du Parlement européen était tombée comme un couperet sur le Burundi, là aussi pour condamner et menacer le gouvernement burundais de sanctions au cas où Pierre Claver Mbonimpa restait longtemps encore « injustement » en prison.

"Considérant que les efforts déployés par Pierre Claver Mbonimpa dans le domaine de la défense de la démocratie et des droits de l'Homme au Burundi au cours des deux dernières décennies, lui ont valu de nombreuses récompenses internationales ainsi qu'une large reconnaissance dans son pays et au-delà", la résolution demande en conséquence sa libération "immédiate" et "inconditionnelle", surtout du fait de la dégradation de son état de santé.

Les eurodéputés considèrent également que l'arrestation de Pierre Claver Mbonimpa est représentative de risques croissants auxquels sont confrontés les défenseurs des droits de l'Homme, du harcèlement dont sont victimes les militants de partis politiques de l’opposition et les journalistes.

La résolution regrette qu’une telle situation sociopolitique prévaut alors que l’UE a récemment alloué 432 millions d'euros au Burundi dans le cadre du Fonds européen de développement 2014-2020 pour soutenir, entre autres, l'amélioration de la gouvernance et des conditions de travail de  la Société civile dans un pays où au moins un Burundais sur deux est en situation de malnutrition chronique et que près de deux tiers, ou 58 % de tous les enfants de moins de cinq ans, souffrent de malnutrition chronique.

Dans le même registre socio-économique, la résolution rappelle que le pays connaît le taux de faim le plus élevé des 120 pays où l'indice de la faim dans le monde a été calculé en 2012.

Le Parlement européen considère encore que le Burundi est un des cinq pays les plus pauvres de la planète, avec un Produit intérieur brut (Pib) par habitant parmi les plus bas au monde; que de nombreux Burundais sont de plus en plus frustrés par l'augmentation du coût de la nourriture, de l'eau et des combustibles, les niveaux de corruption élevés et l'impunité des dirigeants politiques.

La résolution considère également que le Burundi est aujourd'hui confronté à sa pire crise politique depuis 2005, date à laquelle le pays est sorti de 12 années de guerre civile; qu'une fois encore, cette situation menace non seulement la stabilité intérieure du pays, mais aussi celle de ses voisins dans cette région déjà agitée du continent africain.

La résolution réaffirme, dans ce contexte, combien il est important de respecter le code de conduite en matière électorale et la feuille de route électorale qui a été négociée sous l'égide des Nations unies et signée par les acteurs politiques en 2013 et soutient pleinement les activités du Bureau des Nations unies au Burundi (Bnub) pour empêcher une nouvelle montée des actes de violence politique à l'approche des élections de 2015 et contribuer à restaurer la sécurité et la paix à long terme.

La résolution demande à la Commission de l’Union européenne d'envisager de lancer des consultations avec le Burundi, conformément à l'article 96 de l'accord de Cotonou, en vue de son retrait éventuel de l'accord et de prendre des mesures appropriées simultanément à la conduite de ces consultations.

La résolution a fait l’effet d’une bombe dans les milieux officiels à Bujumbura où le porte-parole et Secrétaire général du gouvernement, Philippe Nzobonariba, a publié une déclaration qui suggérait que les eurodéputés avaient été manipulés par des adversaires du régime en place au Burundi, sur la base de "mensonges" et de "rumeurs".

"De par son passé, les différentes tragédies que le Burundi a traversées ont toujours été caractérisées par le mensonge, la diabolisation, la manipulation de l’opinion, la propagation des rumeurs qui ont conduit à la disparition de plusieurs centaines de milliers de vies humaines", a  souligné en substance la déclaration.

"Malheureusement, cette mentalité de recours à la manipulation et à la déformation de la vérité reste encore enracinée chez certains activistes de la Société civile burundaise et dont les rapports semblent avoir fortement influencé les députés européens dans les conclusions qui ont guidé la rédaction de leur résolution".

Dans le cas précis de Pierre Claver Mbonimpa, le gouvernement burundais soutient qu’il est simplement poursuivi par la justice pour "fabrication de fausses preuves" et non pour ses déclarations aux médias car "il s’est toujours exprimé librement tout comme les autres activistes de la Société civile et n’avait jamais été inquiété".

Le gouvernement burundais affirme qu’il reste attentif à la question des droits de l’Homme, en général et des libertés publiques, en particulier. "En témoigne le nombre élevé d’environ une cinquantaine de médias privés et autour de cinq mille associations de la Société civile ainsi que plus d’une quarantaine de partis politiques", tout en avisant que les lois en vigueur "doivent être respectées".

Le porte-parole du gouvernement est aujourd’hui encore dans toutes les conversations de rue, de bistrots et dans les médias pour une autre interview à la radio anglaise (Bbc) où il a soutenu que Barak Obama et de nombreux eurodéputés étaient « incapables » de situer le Burundi sur la carte géographique du monde, s’ils n’avaient pas été manipulés et inspirés par des adversaires du régime dans leurs prises de positions sur le pays.

Certains sont allés jusqu'à demander la démission du porte-parole pour "insulte" au pays et aux partenaires desquels le Burundi attend plus de la moitié du budget de fonctionnement de l'Etat chaque année.