Droits de l'Homme : le Burundi présente son rapport à l'ONU avec 17 ans de retard
Droits de l'Homme

@rib News, 11/10/2014 - Source OHCHR

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport du Burundi

Comité des droits de l'homme, 9 octobre 2014

 Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique du Burundi sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 

Le rapport a été présenté par la Ministre burundaise de la solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre, Mme Clotilde Niragira, qui a informé le Comité des évolutions, notamment législatives, intervenues dans le pays depuis la présentation de son rapport initial, en 1992, attirant notamment l'attention sur la création d'une institution nationale indépendante des droits de l'homme, les préparatifs pour la création d'une Commission vérité et réconciliation, l'adoption d'une nouvelle loi sur la presse qui dépénalise certains délits de presse.

Le code pénal révisé a aboli la peine de mort et criminalise le viol, la torture, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide.  L'âge de la responsabilité pénale a été porté de 13 à 15 ans.  Des efforts importants ont été déployés pour améliorer les conditions carcérales et réduire la population carcérale; plus de la moitié de la population carcérale a bénéficié de mesures de clémence.  La Ministre a par ailleurs fait valoir que 32% des membres du Parlement, 46% des sénateurs et 33% des ministres sont des femmes.  Elle a d'autre part rappelé que le Burundi préparait des élections en 2015 et a remercié la communauté internationale pour son soutien.

La délégation était également composée du Procureur général de la République, M. Valentin Bagorikunda, de la Directrice générale des droits de l'homme, Mme lmelde Nzirorera, et de membres de la Mission permanente du Burundi à Genève.  Elle a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant notamment de la pénalisation de l'homosexualité dans le pays et de la nécessité de mettre fin à la discrimination à l'égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, ainsi que de l'application de la législation antiterroriste, qui serait utilisée pour réprimer les détracteurs du gouvernement.  À cet égard, les membres du Comité ont exprimé leur préoccupation s'agissant de la nouvelle loi sur la presse et la répression des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes, ainsi que les restrictions imposées à la liberté de réunion.

D'autres questions qui ont retenu l'attention des experts concernaient notamment la discrimination contre les personnes atteintes d'albinisme; les exécutions extrajudiciaires et la torture et la lutte contre l'impunité; la traite des personnes et la violence contre les femmes; les conditions carcérales et le nombre de personnes en détention provisoire.  Les experts ont reconnu que le Burundi était une nation qui se remet d'une longue et pénible histoire de conflits armés, mais a déclaré que le Gouvernement doit relever le défi de permettre la critique légitime et doit mettre fin à toute répression dans le contexte des préparatifs pour les élections de 2015.

Dans des observations préliminaires, M. Nigel Rodley, Président du Comité, a notamment rappelé que les meurtres et autres violations d'instances liées à l'État nécessitent une attention particulière afin de ne pas perpétuer un climat d'impunité.  Il a aussi dit la préoccupation du Comité s'agissant de la surpopulation carcérale.  S'agissant de la pénalisation de l'homosexualité, le Comité a pris note de l'espoir implicite exprimée par la Ministre que les choses allaient évoluer dans le bon sens, mais M. Rodley a relevé que les relations homosexuelles ont été criminalisées il y a seulement cinq ans, une évolution qui va dans le mauvais sens.  En ce qui concerne la répression des médias et des journalistes, le Président a constaté que les informations reçues par le Comité ne sont pas compatible avec l'image présentée par la délégation burundaise.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant le rapport du Burundi, qui seront rendues publiques à la clôture des travaux, le vendredi 31 octobre prochain.

Le Comité entame cet après-midi, à partir de 15 heures, l'examen du rapport du rapport initial d'Haïti (CCPR/C/HTI/1).

Présentation du rapport

Présentant le rapport du Burundi (CCPR/C/BDI/2), la Ministre de la solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre, MME CLOTILDE NIRAGIRA, a d'emblée remercié la communauté internationale et en particulier le Président du Comité pour leur soutien au Burundi dans les crises qu'il a traversées.  Depuis la présentation de son rapport initial, le Burundi a fait des progrès considérables dans la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Mme Niragira mentionnant en particulier la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Convention de Palerme).  En 2011, une institution nationale indépendante des droits de l'homme a été créée en conformité avec les principes de Paris, ainsi que l'Institution de l'ombudsman.  Une loi visant à établir une commission vérité et réconciliation a été promulguée, ainsi qu'une loi sur la presse, qui s'est accompagnée d'une dépénalisation de certains délits de presse.

En prévision des élections de 2015, la Commission électorale nationale indépendante a été créée, ainsi qu'une loi électorale et un code de conduite pour les partis politiques.  En outre, le code pénal a été révisé afin d'abolir la peine de mort et de criminaliser le viol, la torture, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide.  La révision a également relevé l'âge de la responsabilité pénale de 13 à 15 ans.  D'importants efforts ont été menés pour améliorer les conditions carcérales et réduire la surpopulation carcérale.  Plus de la moitié de la population carcérale a bénéficié de mesures de clémence, en particulier les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes et allaitantes et les personnes souffrant d'une maladie terminale.  En outre, l'accès aux services de la justice a été amélioré.  En particulier, des dispositions ont été prises pour permettre aux juges de se déplacer à travers le pays rendre en différents endroits du pays afin de rendre la justice au plan local et réagir rapidement à des violations graves des droits de l'homme telles que la violence fondée sur le genre.

La Ministre a aussi fait valoir qu'un quota de 30% de femmes a été fixé pour la représentation au Parlement, et que le Parlement compte aujourd'hui 32% de femmes, le Sénat 46% et le Gouvernement 33% parmi ses ministres.  Mme Niragira a aussi attiré l'attention sur les mesures prises pour lutter contre la traite des personnes et pour l'élimination de la discrimination en matière de droits de succession.  Elle a également informé le Comité de l'adoption d'une politique nationale visant à protéger les enfants et de la mise en place forums sur les questions qui concernent les enfants et les femmes.  Des programmes de formation ont été mis en place pour les corps de défense et de sécurité, en particulier s'agissant des soldats de la paix burundais qui remplissent des missions dans différents pays et régions, notamment en Somalie, au Darfour, en République centrafricaine, en Côte d'Ivoire et au Mali, ainsi qu'en Haïti.

Malgré les progrès importants réalisés dans le domaine des droits civils et politiques, des difficultés subsistent, a reconnu Mme Niragira.  Parmi les questions qui posent problème figurent les meurtres, la violence fondée sur le genre et les violations résultant notamment de différends et conflits fonciers.  Heureusement, des signes indiquent que le peuple burundais est prêt à reconstruire sur la base de la réconciliation sociale.  En cette période particulièrement sensible, l'organisation d'élections l'année prochaine requière des ressources colossales, et Mme Niragira dit la reconnaissance de son pays à ses partenaires et à la communauté internationale pour leur soutien à cet égard.  Elle a assuré le Comité de l'engagement du pays et de sa détermination à mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, afin d'élargir l'espace des libertés publiques ainsi que la protection des droits de l'homme au Burundi.

Résumant les réponses du Burundi (CCPR/C/BDI/Q/2/Add.1) à la liste de points à traiter (CCPR/C/BDI/Q/2) que lui a adressée le Comité, Mme Niragira a notamment précisé que la société burundaise traditionnelle n'était pas encore prête pour la dépénalisation de l'homosexualité, et que cela risquerait de provoquer un choc culturel irréparable.  Elle a noté que, bien que l'homosexualité soit considérée comme un délit dans le code pénal du Burundi, personne n'a comparu en vue d'être condamné pour ce chef d'accusation.  En ce qui concerne l'utilisation de l'expression «danger public exceptionnel» Mme Niragira a expliqué que le Burundi n'avait jamais fait l'objet d'un état d'urgence, même à travers les crises qu'elle avait subies.  Elle a ajouté que la constitution affirme que tous les droits humains sont indérogeables en toute circonstance.

De nombreuses mesures ont été prises pour combattre la violence contre les femmes, et une politique de tolérance zéro a été déclarée par le Président de la République envers les crimes de violences sexuelles et basées sur le genre et l'impunité pour la lutte contre les violences faites aux femmes.

La Constitution indique que l'ensemble des conventions, traités et pactes auxquels le Burundi est partie font partie intégrante de sa Constitution.  Son article 19 précise que les juridictions ne font pas nommément référence aux dispositions du Pacte, mais les juges ont la latitude d'invoquer l'article 19 de la Constitution en faisant ainsi transposer les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques pour interpréter la loi et rendre des jugements au niveau interne.  La Ministre a par ailleurs indiqué qu'un avant-projet de loi sur les successions était à l'étude.

Une Commission de concertation et de suivi sur la traite des personnes au Burundi a été mise en place, qui vient d'être adopté par le Parlement du Burundi.  Sa promulgation par le Chef de l'État est attendue incessamment.  S'agissant du droit à la liberté et à la sécurité de la personne Mme Niragira a indiqué que le nouveau code de procédure pénale dispose que «la comparution devant le juge doit avoir lieu au plus tard dans les 15 jours de la délivrance du mandat d'arrêt». 

Pour réduire la population carcérale un décret de 2012 stipule que plusieurs catégories de détenus doivent bénéficier d'une grâce présidentielle et les peines de certains autres détenus seraient diminuées de moitié.  Mme Niragira a assuré que cela avait conduit à une réduction substantielle de la population carcérale.  En outre, 7 des 11 prisons du pays sont en cours de réhabilitation en vue surtout de séparer les enfants des adultes et les femmes des hommes.  Le Ministère en charge des droits humains avec les organisations de la société civile effectuent des visites dans les maisons de détention afin de se rendre compte des conditions de vie des détenus et d'apprécier le respect des délais de détention préventive.  Ces visites visent aussi à s'enquérir du degré de respect des droits de la personne humaine par les différents agents de police.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un membre du Comité a souligné que le rapport du Burundi aurait dû être présenté en 1996 et cumulait donc 17 ans de retard.  Il est important que les États réalisent que la présentation des rapports est au centre de travail du Comité.  Le Comité est toutefois conscient des situations graves que le Burundi a traversées et qui peuvent expliquer ce retard.

La ratification récente par le Burundi de la Convention relative aux droits des personnes handicapées a été saluée.  Il a par ailleurs été demandé à la délégation de fournir davantage d'informations sur les décisions de justice en matière de discrimination et sur les recours prévus pour porter plainte.  La mise en place d'une Commission nationale indépendante des droits de l'homme a également été saluée par le Comité, et des informations ont été demandées sur les ressources humaines et financières qui lui sont allouées. 

Le Comité constate que la dépénalisation de l'homosexualité est une question sensible, a déclaré un expert, qui a toutefois souligné que l'histoire de tous les pays dans le monde montre que la criminalisation de toute forme de discrimination a toujours exigé un changement des attitudes culturelles, des esprits et des traditions; cela ne s'est jamais fait facilement.  Le Comité se félicite que personne n'ait été inculpé d'homosexualité en vertu du code pénal, a déclaré un expert, qui a pour sa part souligné que la crainte d'un choc culturel n'est pas une excuse pour ne rien faire.  Il est clair qu'il y a un problème de discrimination à l'égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres au Burundi.  Le Comité a en outre reçu des informations concernant des manifestations d'attitudes et déclarations homophobes par de hauts responsables gouvernementaux, même des ministres.  Il a reçu des témoignages de la détention ou de menaces de détention de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et de discrimination à l'égard des homosexuels en matière d'emploi public et privé.  Qu'en est-il du décret du Ministère de l'éducation qui a légitimé l'expulsion des étudiants qui semblaient avoir des relations homosexuelles.  Un expert a souligné que l'homosexualité a été criminalisée récemment par le Burundi, en avril 2009.

Les experts ont salué les mesures temporaires spéciales auxquelles a eu recours le Burundi pour parvenir à un minimum de représentation de 30% des femmes en politique, un résultat auquel peu de pays sont parvenus.  Le Comité s'inquiète toutefois de ce que le quota constitutionnel ne soit pas toujours respecté, en particulier au niveau local.  Le Comité se félicite que la loi sur la nationalité ait été modifié pour permettre aux femmes de transmettre leur nationalité à leurs enfants, mais des experts se sont dits préoccupés que le processus est beaucoup plus compliqué pour les femmes que pour les hommes.

S'agissant des mesures de lutte contre le terrorisme, qui est une lutte universelle menée par tous les pays mais qui doit respecter les droits garantis par le Pacte, un expert a demandé si la législation antiterroriste avait été utilisée pour lutter contre les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme qui critiquent le Gouvernement. 

L'expert a cité le cas de Hassan Ruvakuki, de Radio France Internationale, qui a été condamné à la prison à vie - peine ensuite réduite à trois ans - pour «participation à des actes terroristes» présumés.  La véritable raison de son incarcération ne serait-elle pas l'interview qu'il a faite avec un groupe rebelle en 2011?  Le Comité s'est inquiété de ce que le message que l'on voulait envoyer dans cette affaire était que les journalistes doivent être très prudents dans ce qu'ils disent et ne doivent pas critiquer les autorités.  Le Comité reconnaît que le Burundi est une nation qui se remet d'une histoire longue et pénible de conflits armés, mais le Gouvernement doit relever le défi de permettre et de valoriser la critique légitime et cesser toute répression dans le cadre des préparatifs des élections de 2015.

De nombreux journalistes ont été harcelés, intimidés et interrogés sur leurs articles et menacés de poursuites judiciaires, a déclaré un expert.  Il a mentionné quelques cas de signalements reçus par les Nations Unies, notamment ceux de Patrick Nionkuru, de Hassan Ruvakuki et de Willy Abagenzinikindi, un journaliste attaqué à coups de machette dans sa propre maison.  En outre, en février 2013, des journalistes qui ont défilé à l'appui de M. Ruvakuki à Bujumbura ont été brutalement dispersés avec des gaz lacrymogènes.

La nouvelle loi sur la presse pose problème pour la liberté d'expression.  En particulier, elle remet en cause la protection des sources et prévoit une quasi-criminalisation de commentaires sur des thèmes tels que la hausse des prix, l'ordre public et les assassinats politiques, a relevé un expert. 

La question des exécutions extrajudiciaires et la torture préoccupe depuis longtemps le Comité, a rappelé un expert.  Lors de l'examen du rapport initial du Burundi en 1992, le Comité avait noté l'absence de recours efficaces pour les victimes, mais 22 ans plus tard, les mêmes problèmes subsistent.  Un expert a souligné que les tensions ethniques sont enflammées par des exécutions extrajudiciaires sans possibilité de recours pour les victimes.  Les atteintes au droit à la vie par des agents du gouvernement ou des acteurs qui agissent pour lui ou avec son consentement constitue une violation des dispositions du Pacte.

Un expert a demandé des informations détaillées sur l'interdiction générale de la couverture médiatique de l'attaque de Gatumba, en septembre 2011, qui a fait de nombreux tués.  L'expert a ajouté que le procès sur cette affaire a reconnu coupables 16 personnes de graves manquements, et sept ont été condamnées à la prison à vie.  Le rapport de la commission d'enquête sur les événements a reconnu que les exécutions avaient eu lieu mais qu'ils ne constituaient pas des exécutions extrajudiciaires et la délégation est priée d'expliquer l'interprétation du gouvernement de ce qu'il faut entendre par exécution extrajudiciaire.

Le Comité a également regretté l'absence de statistiques sur les décès en prison. 

Un expert a demandé quels efforts sont menés pour protéger les personnes atteintes d'albinisme, qui ont souvent été victimes de harcèlement, de formes terribles de discrimination et d'enlèvements, bien que le Comité soit conscient que le Burundi prend la question très au sérieux.

La nouvelle loi sur les manifestations publiques a tenu compte de suggestions d'organisations non gouvernementales burundaises, mais elle prévoit des motifs très larges pour l'interdiction de rassemblements publics.

Un membre du Comité a souligné que, selon Amnesty International, le parti au pouvoir au Burundi mène une campagne incessante d'intimidation contre les détracteurs du Gouvernement, et son aile jeunesse commet des crimes en toute impunité avant de l'élection de l'année prochaine.  Les membres de la ligue des jeunes Imbonerakure du Conseil national pour la Défense de la Démocratie - Forces pour la défense de la démocratie sont responsables d'actes d'une extrême violence, tels que meurtres, violences, viols, menaces et coercition contre leurs opposants présumés au Burundi.  Les Imbonerakure ont été non seulement impliqués dans les opérations de sécurité au niveau local, mais peuvent également détenir des suspects et souvent exercer un contrôle sur la police locale et l'administration, selon les informations reçues.  Le Gouvernement a confirmé que les Imbonerakure sont soutenus par l'État, ce qui soulève des questions urgentes relatives à l'application locale du Pacte au Burundi. 

Des questions ont également été posées sur la mise en place la commission vérité et réconciliation et la création d'un tribunal spécial pour juger les auteurs de violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises pendant les différents conflits.  Un expert a notamment fait remarquer que la Commission vérité et réconciliation semblait donner la priorité à la réconciliation plutôt qu'à la justice. 

Le Comité a demandé des précisions sur la situation de Pierre Claver, président de l'Association pour la protection des droits de l'homme et des personnes détenues, toujours en prison à plus de 60 ans et remplissant les conditions de mise en liberté.  La délégation a aussi été interrogée sur la réserve du Burundi à la Convention relative au statut des réfugiés. 

D'autres questions ont été posées sur le cadre juridique pour combattre la violence contre les femmes et sur la criminalisation du viol conjugal, sur l'indépendance de la justice, sur les mesures de lutte contre la traite des personnes et sur le soutien aux victimes de violations des droits de l'homme, s'agissant notamment des travailleurs domestiques. 

Réponses de la délégation

En ce qui concerne la dépénalisation de l'homosexualité, la délégation a réaffirmé que la société burundaise n'était en effet pas encore prête.  Une préparation est nécessaire pour provoquer un changement de mentalité sur la question.  La délégation a concédé que peu de progrès ont été accomplis à ce jour et le Burundi prie le Comité de comprendre que la société avait besoin de temps pour évoluer.  Toutefois, le Gouvernement reconnaît que cela ne veut pas dire qu'il ne doit rien faire et il s'efforce de recueillir le sentiment de la population pour envisager quel serait le bon moment pour dépénaliser l'homosexualité.  Le chef de la déclaration a déclaré que, bien sûr, les homosexuels existent au Burundi.  Il y a des allégations de comportements homophobes envers les lesbiennes et les gays dans la fonction publique ainsi que des allégations de discrimination envers les homosexuels.

Il est vrai que l'homosexualité n'était pas une infraction pénale au Burundi avant 2009, a déclaré le chef de la délégation.  Mais avant 2009, elle était «interdit dans le code d'éthique non écrit» du pays.  La société burundaise ne pouvait encore accepter que l'homosexualité ne soit pas considérée comme une atteinte à la moralité de la société.  Quand il sera prêt à l'accepter, le Burundi adoptera une loi permettant aux homosexuels de se marier.  La Ministre a réitéré qu'en dépit des dispositions du code pénal, les homosexuels n'ont pas été poursuivis, et elle a appelé à la compréhension du Comité.

Les associations de défense des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres ne peuvent pas organiser des manifestations, sauf s'ils ont été approuvés par les autorités.  Il est difficile également pour elles de mener leurs activités sans approbation et s'il y a bien des homosexuels et des lesbiennes au Burundi, il n'y a pas d'associations agréées.

L'affirmation selon laquelle une ordonnance du Ministère de l'éducation prévoit que les enfants homosexuels devraient être renvoyés de l'école est fausse, a-t-elle a affirmé, précisant que le Comité avait reçu des informations qui n'étaient pas dignes de foi.  L'arrêté ministériel sur l'homosexualité publié en 2011 qui fait référence à l'expulsion des enfants de l'école pour certains actes ne cible pas les homosexuels, mais les étudiants qui se livreraient à un comportement sexuel inapproprié dans les écoles.  Les écoles ne sont pas des boîtes de nuit et le Burundi n'est pas le seul pays qui interdit des comportements sexuels inappropriés dans les écoles. 

En ce qui concerne les assertions selon lesquelles le quota de 30% pour la participation des femmes à la vie publique et politique est peu appliquée, la délégation a reconnu que cela était peut-être vrai, mais a souligné que le quota ne s'applique qu'aux élus.  La Ministre a affirmé qu'en effet elle aimerait voir des femmes à des postes plus élevés et qu'elle menait un combat pour que la situation s'améliore, avec le soutien du Comité.

En ce qui concerne la question de la stigmatisation des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme, en particulier dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, le chef de la délégation a souligné que, lorsque des journalistes ou des défenseurs des droits de l'homme s'en tiennent aux normes relatives aux droits humains qu'ils défendent, ils sont du bon côté de la loi.  Cependant, personne n'est au-dessus de la loi et toute personne qui enfreint la loi peut être poursuivie, dans le respect du droit, notamment le droit â la défense.  Certains affirment que des journalistes et des défenseurs des droits humains ont été poursuivis en raison de leur travail, mais ce n'est pas le cas, mais parce qu'ils ont enfreint la loi et doivent en répondre.

Le Burundi a adopté une stratégie nationale de lutte contre la violence fondée sur le genre, qui a été fortement soutenue par ONU-Femmes et d'autres organismes des Nations Unies.  Cependant, les statistiques sur les cas de violence conjugale n'ont pas été recueillies, même si on sait que cela se produit.

La Commission nationale des droits de l'homme est habilitée à enquêter sur des cas de torture, en particulier au cours de la dernière période électorale, a confirmé la délégation, notant que six personnes ont été arrêtées et sont actuellement en prison.  La délégation ne dispose pas d'une liste de cas de torture ni du nombre de plaintes déposées, a déclaré la délégation, mais elle soumettra ces informations au Comité ultérieurement.  Un dispositif de lutte contre la torture a été mis en place, a indiqué la délégation, qui a précisé que le Médiateur et la Commission nationale des droits de l'homme sont déjà habilités à recevoir des plaintes.  La définition de la torture dans la Convention contre la torture a été effectivement reprise mot pour mot dans la législation nationale.

Un mécanisme national de prévention de lutte contre la torture est en train d'être mis en place, a également expliqué la délégation, qui a rappelé que le Burundi n'a ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture il y a seulement quelques mois.  Une formation et une sensibilisation des agents de police et des magistrats à travers le pays sur les moyens de lutte contre la torture ont permis une réduction des cas de torture. 

Le chef de la délégation a assuré que les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme ne seraient pas poursuivis pour avoir fait leur travail tant qu'ils restent dans le cadre de la loi.  La loi sur la presse a dépénalisé les délits de presse, mais d'autres lois sont en place pour assure le maintien de l'ordre, a-t-elle noté.  Elle a par la suite indiqué que la loi sur la presse était semblable à celle d'autres pays - il ne s'agit pas d'un droit en soi a déclaré le chef de la délégation.  En fait, le Burundi est l'un des pays africains les plus libéraux dans la promotion de la liberté d'expression.  Mais en ce qui concerne la défense de la nation, s'il y a des informations qui peuvent compromettre sérieusement la sécurité nationale, les journalistes doivent révéler leurs sources. 

Le regrettable massacre de Gatumba en septembre 2011 a fait l'objet d'une couverture médiatique importante, y compris à l'échelle internationale, et il n'y a pas de restrictions sur la rédaction d'articles à ce sujet, a assuré la délégation.  Elle a précisé que lorsque les enquêtes ont commencé, les autorités ont cherché à s'assurer que rien ne soit rapporté à propos de l'affaire qui pourrait être déformé ou préjudiciable, afin de permettre que justice soit faite.

Il est faux de dire qu'il n'y a pas eu de manifestations publiques depuis 2009; une demande d'organiser une manifestation est toujours autorisée si elle respecte la loi et les règlements.  Toutefois, les associations ayant des objectifs différents ont tendance à se rassembler et demander une démonstration publique dans un but commun bien qu'ils aient complètement différents objectifs dans leur statut.  Dans ce cas, il serait difficile de protéger l'ordre public.

La délégation a reconnu que des personnes atteintes d'albinisme ont été victimes de harcèlement, d'attaques, de meurtre et de mutilations, assurant que les autorités ont fortement réagi.  Aujourd'hui, les personnes atteintes d'albinisme sont considérées comme un groupe vulnérable et sont fermement protégées par l'État. 

Le terme «exécutions extrajudiciaires» est inconnu dans la législation nationale, a déclaré la délégation, ajoutant que toute atteinte au droit à la vie est prise très au sérieux.  Un arsenal juridique protège le droit à la vie et les magistrats doivent se prononcer sur de tels cas dans les 48 heures.  Le Burundi ne prétend pays qu'il n'a pas de violations du droit à la vie, il s'efforce de développer une situation de plein respect du droit à la vie de tous ses citoyens.  Il a également été noté qu'il n'y avait pas milice active au Burundi.  Les membres de toute milice connue sont soit en prison ou sont actuellement poursuivis.

La délégation s'est dite très heureuse de pouvoir annoncer que le défenseur des droits humains Pierre Claver, président de l'Association pour la protection des droits de l'homme et des personnes détenues, avait été libéré de prison en raison de sa maladie, sous condition de se présenter périodiquement au Ministère de la justice.

Le Burundi a poursuivi son assistance aux personnes déplacées et ses efforts pour favoriser les retours volontaires et procéder à l'enregistrement des personnes concernées, a déclaré la délégation.  Elle n'a pas été en mesure d'indiquer si le Burundi envisageait de retirer sa réserve à la Convention relative au statut des réfugiés.
Une nouvelle législation contre la traite des personnes doit être adopté bientôt qui conduirait à la création d'un organe de lutte contre la traite.  La délégation a fait état d'affaires de traite dans diverses provinces, dans certains cas, les auteurs ont enlevé des enfants à des fins d'exploitation sexuelle; dans d'autres cas, des enfants ont été envoyés à Oman.  Mais tous les auteurs ont été capturés et sont actuellement en prison.

Des progrès significatifs ont été faits pour réduire le recours aux châtiments corporels dans les écoles, a assuré la délégation, notamment grâce à des ateliers sur les méthodes alternatives de discipline.  Dans le contexte familial, si les enfants ne sont pas en mesure d'exprimer une plainte pour blessures du fait de châtiments corporels, les voisins ou ceux qui ont été en contact avec un enfant peuvent le faire.

En tant que partie à la Convention relative aux droits de l'enfant, le Burundi a mis en place un forum national pour les enfants leur permettant de s'adresser aux décideurs politiques au sujet de leurs droits et de leurs sentiments.  Une politique nationale pour protéger les droits de l'enfant a été élaborée, ainsi que des politiques en faveur des enfants des rues, des orphelins et des enfants vulnérables.  S'agissant de la justice pour mineurs, la délégation a déclaré que des centres de rééducation pour mineurs ont été mis en place pour une formation pouvant mener à un emploi et les aider à se réinsérer dans la société.  Elle a ajouté que l'âge de la responsabilité pénale a été relevé à 15 ans.

S'agissant des conditions de détention, la délégation a réitéré que les mesures de clémence pour les détenus et la grâce présidentielle pour certains délits avaient aidé â réduire la population carcérale.  Le Burundi n'a pas les ressources suffisantes pour construire davantage de prisons, mais les efforts se poursuivent pour assurer de meilleures conditions de détention et faire en sorte que le système de justice soit humain.  La délégation a souligné que tout prévenu doit être présenté devant un juge dans les 15 jours et doit avoir accès à un avocat.

Les organisations non gouvernementales ne doivent pas se plaindre de ne pas être impliquées dans les affaires de l'État, a déclaré la délégation, qui a assuré qu'elles ont été consultés lors de la rédaction du rapport.  Elle a ajouté que les représentants de la société civile dans la salle aujourd'hui pourraient la contredire s'ils n'étaient pas d'accord.

Conclusions

MME NIRAGIRA a déclaré que le Burundi s'est engagé à travailler en étroite collaboration avec les organes conventionnels dans le domaine des droits de l'homme, en particulier le Comité des droits de l'homme.  La Ministre burundaise s'est engagée à présenter des réponses écrites aux questions en suspens dans les prochaines 48 heures.

M. NIGEL RODLEY, Président du Comité, a déclaré que le Comité est très au fait de ce qu'a traversé le Burundi, notamment dans le contexte du génocide au Rwanda voisin.  Il a fait référence à la notion de «cycle de l'impunité» qui signifie que les massacres sont suivis de massacres qui sont suivis de massacres dans la région.  Si le Comité se félicite qu'il n'y ait pas eu d'autre massacre intercommunautaire au cours de la période considérée, il continue d'être préoccupé au sujet de la question des exécutions à motivation politique, notamment commises par des personnes chargées de faire respecter la loi.  La délégation a nié l'existence de milices, mais a accepté la présence d'une aile jeunesse du Gouvernement qui est liée au maintien de l'ordre public.  Le Président a rappelé que les meurtres et autres violations d'instances liées à l'État nécessitent une attention particulière afin de ne pas perpétuer un climat d'impunité.

Le Président a aussi dit la préoccupation du Comité s'agissant notamment de la surpopulation carcérale - les prisons du Burundi seraient surpeuplées de 300%.  Il ne suffit pas de laisser entendre que le pays est autorisé à garder les gens en prison dans ces conditions jusqu'à ce que la communauté internationale contribue à la construction de nouvelles prisons.

S'agissant de la question de l'orientation sexuelle, le Comité a pris note de l'espoir implicite exprimée par la Ministre que les choses allaient évoluer dans le bon sens, mais M. Rodley a dit qu'il était difficile de ne pas conclure que lorsque les relations homosexuelles ont été criminalisées, il y a seulement cinq ans, l'évolution allait dans le mauvais sens.  Il a aussi précisé que le Comité ne parlait pas de mariage homosexuel mais simplement la dépénalisation de l'homosexualité. 

Enfin, en ce qui concerne la répression des médias et des journalistes, le Président a constaté que les informations reçues par le Comité ne sont pas compatible avec l'image présentée par la délégation burundaise.

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