Burundi : Le summum de la corruption est-il déjà atteint ?
Opinion

@rib News, 20/10/2014

Le pouvoir corrompt, dit l’adage : corrompez et mentez toujours, il en restera quelque chose !

Par JP. Mbonabuca

 Le degré zéro de corruption n’existe dans aucun pays du monde.  Certes !  Mais il y a corruption et corruption. L’Indice de Perception de la Corruption (IPC ; à ne pas confondre avec l’indice des prix à la consommation, ou encore moins  l’Integrated Food Security Phase Classification appelé aussi IPC) évalue la perception du niveau de corruption affectant les administrations publiques et la classe politique.

Depuis l’arrivée du système actuellement au pouvoir, une multiplication exponentielle de scandales financiers, de corruption et de détournement des deniers publics à grande échelle et au presqu’au grand jour a été enregistrée.

Ce n’est pas que les régimes passés soient blancs en la matière, loin s’en faut ; mais eux au moins ils savaient maquiller et cacher !  Et le citoyen lambda n’avait que des ouï-dire longtemps après la consommation du forfait. Aujourd’hui, c’est presqu’en direct que se commettent les forfaits. De la base au sommet de l’Etat.  Les tribunaux de l’avenir ont de la matière sur la planche.  Tenez seulement.

Prenons une période de cinq années consécutives 2007 à 2012, juste pour nous amuser, même si rien n’incite vraiment à en rigoler.

2008 : au 158e rang (sur 180) du monde et au 35e en Afrique subsaharienne,  le Burundi avait une note de 1.9 sur une échelle de 10.  Quasiment parmi les 20 pays les plus corrompus du monde.   « Si les notes du Bénin, de la Mauritanie et du Nigeria ont progressé de manière significative cette année, celles du Burundi et de la Somalie se sont sensiblement dégradées » (TI). Et d’ajouter : « … La guerre civile a de nouveau menacé le Burundi en 2007 après la rupture de l’Accord pour la  Paix d’Arusha, et la corruption s’aggrave dans de nombreux secteurs. Aucune enquête n’a été  menée à la suite des nombreuses allégations de corruption visant des responsables de haut  niveau, et les « déclencheurs d’alerte » ne bénéficient de quasiment aucune protection. Ainsi, la corruption demeure un obstacle majeur au développement économique et commercial du pays. », poursuit TI.

2009 : 168e rang mondial sur 180 et  42e en Afrique  au sud du Sahara sur 47, le  Burundi a même régressé avec un score corruption de 1.8 sur 10 (on devrait dire de non corruption, car la meilleure note de 10 est réservée aux pays « sans » ou, pour rester réalistes,  à la moindre corruption).

2010 : 170e sur 180 toujours, le Burundi a encore chuté avec un score de 1.8 qui se maintient certes, mais avec 2 places plus en arrière.

2011 : maintenant que l’on a l’habitude, il faut juste chercher parmi le peloton caudal pour trouver le Burundi à la 172e place (cette fois sur 182 pays évalués), avec une note invariablement devenu très burundaise de 1,9.  Même la RDC légendairement référence en la matière se classe deux places avant le Burundi.  On est tombé très bas, comme disait l’autre.

2012 : Idem.  165e sur 174, le Burundi avec 1.9 prend les mêmes et recommence son bonhomme de corruption ; à croire que c’est la marque déposée du régime en place !

Non seulement les détournements se commettent au nez et à la barbe des citoyens paupérisés et muselés ou tétanisés, mais aussi ils sont couverts par une impunité quasi totale, fort probablement puisqu’ils profitent d’une certaine manière au système, plus précisément au parti au pouvoir et à ses dignitaires.  Il suffit que ces derniers pris la main (entendez toutes les mains, comme dirait l’avare de Molière) dans le sac (ou plusieurs sacs, et de gros sacs), en reversent une partie au parti  – la dîme n’est pas un apanage des religions !

Qu’on se souvienne : avant le nickel et autres minerais, il y eut le détournement des fonds du FED, la vente de l’avion présidentielle, le fameux Falcon 50, les commandes des haricots, des chaussures pour la police, des véhicules…, les commandes de matériels scolaires aux sociétés étrangères et au détriment des sociétés publiques burundaises, l’affaire INTERPETROL, la mainmise sur les réserves de la banque et renflouer les caisses du parti (l’on se rappelle le limogeage  bruyant de l’Administrateur Directeur Général de la BCB d’alors, avec des sacs de USD trouvés là où vous savez !), le pillage des minerais de wolframite de MUYINGA par les responsables militaires et de la police, en tête desquels figurait un certain Général aujourd’hui à la tête d’un service puissant et pivot de la république, non sans collusion avec des mains étrangères.

L’OLUCOME a aussi, à une certaine époque, dénoncé ce pillage et des containers desdits  minerais avaient été saisis par la direction des douanes.  Qui a oublié l’affaire de faux documents à ce sujet? Ces mêmes minerais étaient (et sont peut-être toujours) exploités à MUYINGA, sous l’œil complice du gouverneur de la province, les responsables de la police assurant la sécurité des gisements, pour le compte des hautes personnalités. L’administrateur général de la documentation nationale a probablement fini par trouver et régler le sort, comme à son habitude, de la personne qui a vendu la mèche à propos de cette exploitation illégale.

Que sont devenus, et c’est loin d’être un détail, les tracteurs que le gouvernement du bienfaiteur Kadhafi avait octroyés au gouvernement du Burundi ?   Ces engins étaient-ils destinés au Burundi ou à son président pour qui les nombreuses propriétés domaniales à travers les communes du Burundi ont probablement créé un fort besoin.   Dans la même veine, et ce n’est qu’une hypothèse, qui peut jurer que équipe de football  Alléluia FC et la chorale de même nom ou je ne sais quoi encore n’ont jamais bénéficié d’un rond de l’Etat ? D’où viennent les billets de banque offerts à tout vent ?  Qu’il suffise de mentionner qu’à l’issue du congrès du parti tenu à Gitega du 23 au 24 décembre 2006, le magnanime et richissime planteur d’avocatiers a fait un don de 250.000.000 frs Bu au Parti.  La liste est loin d’être exhaustive, seulement des faits de mémoire.  On a même pas mentionné le pétrole nigérian, etc.

Un jour quelqu’un écrivait que chaque Burundais d’un âge légal, peut-être même des mineurs, sait raconter au moins un cas de corruption dont il a été victime ou son voisin immédiat !  Faites les calculs.  Ceux qui passent régulièrement à l’aéroport de Bujumbura en savent quelque chose où quelqu’un en uniforme peut vous demander ouvertement un « petit quelque chose » !  Dans les communes, sur les collines, dans les quartiers, allez-y demander une place dans une école pour votre enfant, un document X ou Y, plaider un cas Z …  Même sans évoquer les gros dossiers Nickel, Falcon, etc.

La corruption est une des manifestation d’un Etat sans état de droit, d’un degré poussé d’immoralité dans les affaires publiques, d’injustice car la chose publique appartient à tout le monde.  C’est à croire, comme disait l’autre, que ceux qui passent le plus clair de leur temps dans les temples et autres églises de je ne sais quel jour du seigneur prient des dieux de l’accumulation des richesses.  Foi sans actes, dit une tradition en la matière !  Paroles, paroles, chantait Darrida !

Situation révoltante s’il en est, quand on connait le sort réservé à l’écrasante majorité des presque dix millions de Burundais, mangeant à peine à leur faim et se soignant péniblement…  Tous autant qu’ils sont, sauf les « bénéficiaires » de la corruption justement.  Face à pareille injustice, on pourrait rêver, rêver à une mobilisation citoyenne où les citoyens burundais super indignés commenceraient désormais un compte à rebours.

A partir de la dernière dénonciation qui honore OLUCOME une fois de plus, l’on devrait, sans demander à adhérer à cette organisation, la soutenir en alignant tous les faits de corruption avérés ou bien documentés, de moyenne ou de grande portée, dont le parti au pouvoir et ses sbires, mais pas seulement car il y en a d’autres, se sont rendus coupables depuis 2005.  On pourrait aller au-delà en 2003, mais fixons cette limite raisonnable.  On pourrait les additionner aux grands dossiers de corruption commis sous Buyoya et Ndayizeye.   Je vous garantis que les Burundais se découvriraient richissimes.  Et que disent les "bailleurs de fonds" sur tous ces fonds détournés alors qu'ils sont sollicités à tour de bras, y compris pour rallonger les budgets de l'Etat?  

Vouloir briguer mandant sur mandat, se faire élire pour un troisième ou un énième round est une chose, démontrer aux citoyens qu’on le mérite en est une autre, puisque les faits tendent à prouver le contraire. "La corruption enferme des millions de personnes dans la pauvreté," déclarait un jour Huguette Labelle, alors à la tête  de Transparency International.

Et après le nickel, ce sera quoi encore ?  Le lac Tanganyika ?  Ses crocos et ses hippopotames? Non, j'oubliais: son fond ou tréfonds, peut-être ?  En attendant les élections.  Généralement, si une course parait lancée en matière de gabegie et de corruption ou vente à la va comme je te pousse de pareille envergure, c’est que le régime aurait peur de perdre les élections.  On ne demande qu’à voir !