Défenseur des droits humains, un métier à hauts risques au Burundi
Droits de l'Homme

Jeune Afrique, 26/11/2014

Burundi : Mbonimpa, Rufyikiri, Nininahazwe... Ces défenseurs des droits humains sous pression

 Depuis le retour au Burundi des membres de la société civile qui ont participé, à la mi-novembre, à l'examen de la situation de leur pays par le Comité contre la torture (CAT) à Genève, les menaces contre les défenseurs des droits humains se multiplient. Une situation qui inquiète les Nations unies.

"Ces derniers jours, le niveau d'alertes des menaces s'est considérablement accru contre Pacifique Nininahazwe [Photo, président du Forum pour la conscience et le développement (Focode, l'une de principales ONG burundaise de défense des droits de l'homme ), NDRL]", s'alarme à Genève une source qui suit de près l'évolution de la situation au Burundi.

 

Le principal crime de l'activiste : avoir participé à la délégation de la société civile qui a produit un contre-rapport lors de l'examen du "cas Burundi" devant le Comité contre la torture (CAT), les 11 et le 12 novembre à Genève.

Pour Pacifique Nininahazwe, c'était pourtant l'occasion de lever le voile non seulement sur la situation des droits de l'homme mais aussi sur les tensions qui parcourent le pays à quelque six mois de la présidentielle de 2015. "Nous vivons actuellement dans un contexte politique très tendu au Burundi. Il faut donc que le monde montre aux autorités burundaises qu'il est au courant de ce qui s'y passe", confiait-il à l'issue des travaux du CAT, regrettant toutefois que le pouvoir fasse mine d'ignorer la situation devant les instances internationales.

Bujumbura "ne convainc personne"

Sur la question de l'absence des poursuites dans certains dossiers d'exécutions extrajudiciaires, par exemple, les autorités se contentent de rejeter la faute sur les médias vers qui, selon elles, les victimes déposent leurs plaintes au lieu de saisir la justice. "Un argument qui ne convainc personne", tance Pacifique Nininahazwe. Il en est de même des suites réservées par les autorités burundaises à l'assassinat des sœurs catholiques italiennes, à la mise en place de la Commission vérité et réconciliation (CVR), à l'affaire des jeunes Imbonerakure… Face à ces problèmes, le pouvoir ne donnerait que des "réponses évasives", selon le président du Focode.

"Il faut maintenir la pression"

À Bujumbura, ses prises de position dérangent. Pacifique Nininahazwe, qui ne cesse d'appeler la communauté internationale à "maintenir la pression sur les autorités burundaises" et démontre publiquement son opposition à un éventuel troisième mandat du président Nkurunziza, serait dans le collimateur du pouvoir, selon un communiqué publié le 24 novembre par son ONG.

"Le Fecode est préoccupé par les menaces sur la sécurité de la famille de Pacifique Nininahazwe ainsi que les multiples tentatives [du pouvoir] de lui coller des charges criminelles", dénonce l'association, faisant notamment référence à une "pétition" qui circule dans le pays contre son président et qui "pourrait entraîner la vindicte populaire sur [sa] personne".

Mais le leader du Fecode n'est pas le seul à se retrouver ainsi dans le viseur des autorités. À en croire Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs, qui revient d'une mission au Burundi du 14 au 25 novembre, les autorités burundaises sont à la base d'une "escalade inacceptable dans le harcèlement" des militants des droits de l'homme.

Et l'expert de l'ONU de citer entre autres "l'arrestation et la détention de Pierre Claver Mbonimpa, la radiation inique du barreau du bâtonnier Isidore Rufykiri ou les menaces proférées à l'encontre de Pacifique Nininahazwe". "Lorsqu'on touche à des personnages emblématiques, il en résulte un climat de peur et chacun des défenseurs (…) est susceptible à son tour de connaître un sort semblable", alerte Michel Forst, espérant que le pouvoir change rapidement son fusil d'épaule.

Par Trésor Kibangula