Présidentielle en Guinée-Bissau : Malam Bacaï Sahna largement élu
Afrique

@rib News, 29/07/2009 – D'après AFP et Reuters

Malam Bacaï SanhaLe candidat du parti au pouvoir et ancien président intérimaire, Malam Bacaï Sanha a largement remporté avec plus de 63% des voix le second tour de l'élection présidentielle du 26 juillet en Guinée-Bissau, pays pauvre et instable d'Afrique de l'Ouest.

Son adversaire Kumba Yala a immédiatement reconnu sa défaite lors d'un scrutin organisé près de cinq mois après l'assassinat par des militaires du président Joao Bernardo Vieira, qui avait suivi de quelques heures la mort dans un attentat du chef d'état-major de l'armée, le général Batista Tagmé Na Waïe.

Cette élection, qui s'est déroulée sans irrégularités majeures selon les quelque 150 observateurs internationaux, est censée apporter un peu de stabilité à un pays secoué depuis plus d'une décennie par les violences politiques et fragilisé par le trafic de cocaïne sud-américaine.

L'Union européenne, l'Union africaine, les Etats-Unis, le Japon et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) avaient dépêché des missions d'observation lors du scrutin.

Depuis quinze ans, aucun des trois présidents élus dans cette ex-colonie portugaise n'a terminé son mandat de cinq ans. Ils ont été soit renversés par l'armée soit assassinés par des militaires.

"Le candidat Malam Bacaï Sanha ayant obtenu 224.259 voix (63,31%, bien 63,31%) est le vainqueur du second tour de l'élection présidentielle", a déclaré mercredi en fin de matinée lors d'une brève cérémonie le président de la Commission nationale des élections (CNE) Desejado Lima Da Costa.

L'opposant Kumba Yala recueille 36,69% (bien 36,69%) des suffrages et le taux de participation s'élève à 61%, a-t-il précisé.

"Si dans 48 heures, il n y a aucune réclamation, les résultats provisoires proclamés seront considérés comme définitifs", a indiqué le responsable de la commission. Sanha, 62 ans, président intérimaire de 1999 à 2000, prend donc sa revanche sur Yala, élu en 2000 après avoir battu Sanha au second tour avec 72% des voix.

Pour le directeur de campagne du candidat du parti au pouvoir, le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC, ex-parti unique) Agusto Olivais, "le résultat reflète la maturité politique de notre peuple". "C'est la démocratie qui gagne", a-t-il dit.

La réaction du vaincu, le dirigeant du Parti de la rénovation sociale (PRS, opposition), était particulièrement attendue, de nombreux observateurs de la vie politique bissau-guinéenne craignant qu'il conteste les résultats. L'armée avait même mis en garde contre tout désordre.

Le chef d'état-major de l'armée bissau-guinéenne, José Zamora Induta, a appelé avant le vote les candidats à respecter le résultat des élections.

La communauté internationale s'est inquiétée du tempérament de Yala, personnage au comportement parfois imprévisible qui s'était autoproclamé président en 2005 et avait occupé pendant quelque temps le palais présidentiel.

Ses liens avec les forces armées constituaient également un sujet de préoccupation, mais la forte participation - 61% - comme l'ampleur de la victoire de son adversaire - 224.000 voix contre 129.00 - pourraient contribuer à asseoir la légitimité du nouveau chef de l'Etat.

Mais le farouche opposant s'est déclaré "démocrate" et a reconnu sa sévère défaite. "J'accepte les résultats diffusés par la CNE (Commission nationale électorale). Je demande au nouveau président élu de travailler pour le développement de la Guinée-Bissau", a-t-il déclaré. Il n'a pas fait état d'un éventuel recours contre les résultats.

"Notre responsabilité est de respecter la démocratie et la volonté du peuple qui s'est exprimée par le vote", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.

"Je suis un démocrate. Chaque fois qu'il sera nécessaire, je m'impliquerai pour la paix, la stabilité et le développement de mon pays", a ajouté l'ancien président Yala (2000-2003).

La veille du second tour, samedi, les deux candidats avaient signé un protocole d'accord dans lequel ils s'engageaient à "respecter les résultats" et "employer les moyens légaux pour résoudre" d'éventuelles contestations électorales. Ce document prévoit également un statut d'ex-chef d'Etat avec une sécurité personnelle, un protocole et des moyens de transport.

"Je me suis toujours battu pour qu'il y ait un statut pour tous ceux qui avaient dirigé ce pays. Cela contribue à garantir la paix, la stabilité et la concorde nationale. Je demande au nouveau président de veiller à tout cela", a-t-il poursuivi.

La tâche de Malam Bacai Sanha s'annonce difficile, face à une armée qui n'hésite pas à intervenir dans le processus politique.

"Je vois pour l'instant deux défis majeurs", note l'analyste indépendant Richard Reeve, spécialiste de l'Afrique occidentale. "Le plus évident, ce sont les relations avec l'armée. Le second, c'est de collaborer avec succès avec le Premier ministre (Carlos) Gomes Junior. Ils viennent du même parti mais ne sont pas nécessairement sur la même longueur d'ondes sur tout".

"En fait, Sanha sera un président efficace pour les intérêts de la Guinée-Bissau s'il n'est pas un président très actif", ajoute-t-il.

Les anciennes rivalités ainsi que les interventions régulières de l'armée dans la vie politique bissau-guinéenne ont été aggravées par l'influence de puissants cartels de narcotrafiquants latino-américains qui se servent de ce pays, désormais surnommé "la Côte de la coke", comme tête de pont vers l'Europe.

Les rues de la capitale Bissau étaient calmes mercredi après l'annonce des résultats. Des partisans du vainqueur, agitant des drapeaux et actionnant leurs klaxons, convergeaient vers le siège du PAIGC.