Francophonie : Pierre Buyoya paie cash son passé de putschiste
Diplomatie

@rib News, 01/12/2014

 A l’issue du sommet de Dakar, c’est la Canadienne d’origine haïtienne, Michaëlle Jean, qui a été désignée dimanche pour prendre la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Elle a ainsi pu profiter de la division de l’Afrique et de l’ombre de Blaise Compaoré qui a plané sur le sommet, tout au long du week-end.

Parmi les candidats africains, le Burundais Pierre Buyoya a été écarté essentiellement à cause de son passé de putschiste : il a fomenté deux coups d'État pour accéder au pouvoir en 1987 et en 1996. Et personne ne semble avoir oublié la guerre civile et les massacres interethniques sous sa présidence, qui ont fait, selon l’ONU, plus de 300.000 morts et poussé à l’exile plus d’un million de citoyens burundais. [Photo : Pierre Buyoya (à gauche) avec le président burundais Pierre Nkurunziza (à droite), au sommet de l'OIF à Dakar]

Si, un moment grâce à une campagne médiatique sans précédent, l’ancien président burundais était semble-t-il parvenu à faire passer sous silence son passé de putschiste, ainsi que bon nombre de crimes dont il est accusé, son éventuelle nomination était difficile à accepter pour la France, dans la mesure où ce candidat venait aussi d'un pays dont le président, Pierre Nkurunziza, s'apprête à faire le forcing pour briguer un troisième mandat alors que la Constitution ne donne droit qu'à deux magistratures.

Sa désignation aurait été un camouflet pour François Hollande, qui appelle depuis une semaine maintenant, et tout au long du week-end à Dakar, les dirigeants africains à ne pas essayer de se maintenir au pouvoir à tout prix.

Le président français a en effet mis en garde les dirigeants africains voulant se maintenir au pouvoir contre vents et marées, comme le Burkinabè Blaise Compaoré, qui avait annoncé un projet de révision constitutionnelle pour pouvoir briguer un nouveau mandat après un règne de 27 ans.

Après le discours de Hollande samedi à l’ouverture du sommet, les carottes étaient cuites pour l’ancien N°1 burundais, ont commenté nombreux observateurs. D’aucuns pensent que cette déclaration forte a porté ombrage à un certain nombre de candidats et en particulier au major Pierre Buyoya. Tout comme pour l’écrivain congolais Henri Lopes issu lui aussi d'un pays dont le président, Denis Sassou-Nguesso, s'apprête à modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir après trente ans de règne.

Le consensus n’a pas été évident et les chefs d’Etat ont failli aller jusqu’aux votes. Signe des difficultés à s'accorder sur un nom, il a fallu que les six chefs d’Etat et de gouvernement les plus impliqués dans cette affaire, dont Denis Sassou-Nguesso, le Premier ministre canadien Stephen Harper, François Hollande, le chef d’Etat sénégalais Macky Sall, le président du Burundi Pierre Nkurunziza et le président Mauricien Kailash Purryag, se concertent pendant plus d’une heure dans une salle à part pour trouver un consensus.

Selon plusieurs analystes, Michaëlle Jean était finalement le meilleur choix. En effet, Canadienne de nationalité, haïtienne d’origine, noire africaine et figure de la diaspora du continent par l’histoire, Michaëlle Jean incarne de manière parfaite, le dialogue des cultures et des civilisations, tel que souhaités par les initiateurs de la Francophonie, à savoir Senghor, Bourguiba, le Prince Norodoum, note la presse.

Ce choix aura aussi permis d’éviter le risque de transformer l'institution en maison de retraite dorée pour anciens putschistes et autres présidents qui ne veulent pas aller cultiver leurs roses, se réjouissent plusieurs défenseurs des droits humains sur le continent noir.

Cette désignation augure une nouvelle ère dans la Francophonie, une ère « moderne et tournée vers l'avenir » selon les premiers mots, consensuels eux aussi, de Michaëlle Jean après sa nomination. La Francophonie entre dans une nouvelle dynamique, avec un accent à mettre sur les jeunes et les femmes dans le sillage du thème du sommet. « La Francophonie du XXIè siècle sera au service et à l'écoute des jeunes et des femmes. Prospère, elle conjuguera l'accroissement des échanges et le développement humain et durable pour tous », a-t-elle ajouté. [MG]