Burundi : le mystérieux groupe rebelle venu de RDC est à prendre au sérieux
Sécurité

@rib News, 09/01/2015 – Source AFP

L'apparition la semaine dernière d'un mystérieux groupe armé au Burundi est un signal à prendre au sérieux à quatre mois d'élections-clés, même si le pouvoir du président Pierre Nkurunziza, en l'écrasant, a montré qu'il avait l'appareil sécuritaire en main.

L'armée burundaise, qui a arrêté quelques rebelles et saisi des documents, affirme connaître la stratégie et les objectifs du groupe en provenance de République démocratique du Congo (RDC) et écrasé dans le sang. En cinq jours d'affrontements, une centaine de rebelles ont été tués.

Selon elle, le groupe comptait s'installer dans la forêt de Kibira, qui partage le Burundi du nord au sud et servait de sanctuaire aux groupes armés pendant la guerre civile (1993-2006) -- notamment à la guérilla hutu en lutte contre l'armée alors dominée par la minorité tutsi.

De là, il entendait recruter et lancer des attaques dans tout le pays avant les élections générales de mai et juin, à l'approche desquelles le parti au pouvoir Cndd-FDD (hutu) du président Nkurunziza est accusé de faire le vide autour de lui.

Mais l'armée affirme toujours ne pas connaître l'identité des rebelles, dix jours après leur incursion dans la province de Cibitoke, à une cinquantaine de km au nord de la capitale Bujumbura.

Qui sont ces assaillants ? Qui se cache derrière eux ? Quels pourraient-être leurs relais au sein de la population ? Les questions restent encore plus nombreuses que les réponses.

Officiellement, Bujumbura tient à présenter les assaillants comme de simples "bandits", sans agenda politique. Mais en coulisses, des membres de l'opposition sont montrés du doigt.

Plusieurs hauts gradés de l'armée et de la police ont voulu faire accréditer la thèse d'un groupe fédérant Hutu et Tutsi, chose inédite dans un pays à l'histoire post-indépendance profondément marquée par les massacres interethnique.

Ils ont ainsi essayé de faire passer comme l'un des principaux leaders du groupe Alexis Sinduhije, président en exil du parti Mouvement pour la solidarité et le développement (MSD) et considéré comme l'"enfant terrible" de la politique burundaise. L'ex-journaliste est perçu comme l'une des seules personnalités à pouvoir rassembler Hutu et Tutsi.

Mais "cette histoire de Hutu et de Tutsi mélangés est un pur mensonge", affirme Pierre-Claver Mbonimpa, président de la principale organisation burundaise de défense des droits de l'homme (Aprodeh).

Ce dernier ne nie pas la présence de Tutsi dans le groupe, mais il affirme qu'ils n'étaient qu'une poignée : "J'ai fait une petite enquête et je peux assurer qu'il s'agit d'un groupe composé de Hutu quasi-exclusivement".

"Le pouvoir tente de tirer sur la corde ethnique, de mobiliser sur cette question ultra-sensible car il pense qu'il peut créer ainsi une union sacrée autour du lui, mais c'est sans compter sur une frange hutu assez importante qui lui conteste cette autorité", analyse un politologue burundais.

Pour des observateurs aussi, il est évident que l'offensive était pilotée par une partie de l'opposition, mise en pièces à l'approche des élections.

"On peut penser que certains leaders de l'opposition ont orchestré cette attaque, car certains ont été forcés à l'exil et ne pourront pas participer aux élections, et d'autres ici constatent que l'espace politique est totalement bouché, qu'ils ont perdu leurs partis, et ils peuvent donc être tenté par la voie de la violence", résume le politologue.

L'incursion rebelle a d'ailleurs été suffisamment prise au sérieux pour que Bujumbura envoie l'artillerie lourde pour la contrer.

Selon des sources militaires, deux bataillons de retour de Somalie, où ils participent à une force de l'Union africaine, ont immédiatement été déployés.

Or "ces soldats sont très aguerris car ils ont été formés par les Marines américains, les Anglais et les Français", glisse un général.

Quoi qu'il en soit, "le processus électoral est très mal enclenché", estime Thierry Vircoulon, de l'International Crisis Group.

"Il y a encore une chance que le CNDD-FDD fasse une place à l'opposition" dans la perspective d'une réélection du président Nkurunziza, dit-il.

Si c'est le cas, "les choses se passeront gentiment : les leaders actuels de l'opposition extra-parlementaire peuvent devenir députés et constituer une opposition parlementaire qui consolide la démocratie au Burundi", poursuit-il.

Mais "si le CNDD-FDD maintient les portes fermées, il ne restera plus beaucoup d'autres alternatives (à l'opposition) que la lutte armée".