Burundi : Le journaliste Bob Rugurika sommé de livrer ses sources
Justice

PANA, 24 janvier 2015

Burundi : Un responsable de radio sommé de livrer ses sources d'information contre une liberté provisoire

Bujumbura, Burundi - Le directeur de la radio publique africaine (RPA, indépendante), Bob Rugurika, n’aura qu’à livrer ses sources d’information à la justice sur le triple meurtre des sœurs religieuses d’origine italienne, en septembre 2014, dans le couvent de Kamenge, au nord de Bujumbura, pour bénéficier, «à la minute près», de la liberté provisoire au lendemain de son transfert de la prison centrale de Bujumbura à celle plus isolée de Muramvya, dans le Centre du pays, a annoncé à la presse samedi, le porte-parole de la Cour suprême, Mme Agnès Bangiricenge.

C’est au quatrième jour de la détention préventive de l’un des journalistes et responsables d’une station privée qui s’est déjà taillé une solide réputation d’investigateur courageux et de défenseur des droits humains à la tête de la «radio des sans voix» qu’une source judiciaire autorisée a pris l’initiative d’une conférence de presse pour démontrer que l’arrestation de Bob Rugurika était basée sur des besoins d’enquête et dans le respect des procédures légales.

Le prévenu avait pris de court la justice du pays en dénichant et en faisant parler un personnage qui affirme avoir participé directement et de ses propres mains à l’étranglement de l’une des trois sœurs italiennes en date du 7 septembre 2014, avec d’autres révélations tout aussi fracassantes sur les commanditaires parmi de hauts gradés de la police nationale du Burundi et du service national des renseignements.

Le directeur de la RPA doit, de ce fait, répondre de trois chefs d’accusation de «violation du secret d’instruction», de «complicité d’assassinat» ou encore de «manquement à la solidarité publique» pour n’avoir pas livré le témoin à la justice.

Ces charges sont passibles d'au moins 20 ans  d’emprisonnement, selon les spécialistes du droit pénal à Bujumbura.

L’arrestation de M. Rugurika passe néanmoins mal dans les opinions nationale et internationale qui estiment que le responsable de la RPA est plutôt à féliciter pour avoir mis la justice sur des pistes dans une enquête qui commençait à piétiner sur un triple assassinat qui pèse toujours lourd sur les consciences de tout un peuple hôte des vieilles sœurs charitables italiennes âgées entre 70 et plus de 80 ans.

D’autres réactions indignées dans les milieux des organisations des professionnels des médias estiment qu’il y a eu violation «grave» de la liberté d’expression et un danger sur le métier de journaliste à trop vouloir exiger allégrement la révélation des sources d’information.

Ces réactions indignées se traduisent encore par un vaste élan de solidarité avec le responsable de la RPA qui ne se sent pas seul malgré l’isolement grâce à un ballet de visites de réconfort dans sa nouvelle cellule de Muramvya qui a commencé vendredi par celle des responsables des médias indépendants.

La RPA continue à émettre et a annoncé, à la mi-journée de samedi, que des diplomates étrangers avaient pris la route de Muramvya pour aller s’enquérir des conditions de détention de M. Rugurika.

Des organisations de la société civile locale ont pris, quant à elles, l’initiative de faire pression pour la libération du directeur de la RPA par des spots-radios qui dénoncent son arrestation comme étant une tentative de museler la presse en cette période de fièvre électorale au Burundi.