Un rapport régional s’inquiète de la situation au Burundi en cette année électorale
Droits de l'Homme

PANA, 04 février 2015

L’année électorale 2015 inspire des peurs dans les milieux des défenseurs des droits humains au Burundi

Bujumbura, Burundi - Les élections générales de 2015 sont d’une "importance critique" au développement futur du Burundi et une "source de préoccupations" pour de nombreux partenaires nationaux et internationaux, eu égard au mauvais climat sociopolitique qui les entoure, souligne, en substance, le dernier rapport de l’Organisation régionale des défenseurs des droits humains de l’Est et de la Corne de l’Afrique (EHAHRDP) dont une copie est parvenue, mardi, à la PANA de la représentation locale à Bujumbura.

Le réseau EHAHRDP compte plus de 75 organisations de droits humains dans les 11 pays de la sous-région à savoir : le Burundi, Djibouti, l’Erythrée, le Kenya, le Rwanda, la Somalie (y compris le Somaliland), le Sud Soudan, le Soudan, la Tanzanie et l’Ouganda.

Ses objectifs sont, entre autres, de renforcer le travail des défenseurs des droits humains dans toute cette sous-région en réduisant leur vulnérabilité face aux risques de persécution et en mettant en valeur leurs capacités en vue de défendre les droits humains de manière effective.

Le rapport reconnaît en même temps que depuis la première élection post-conflit de 2005, la situation politique est restée relativement stable au Burundi sous la houlette du Conseil national pour la défense de la démocratie/forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD, ex-principale rébellion qui est depuis au pouvoir à la faveur des urnes).

Dans ce contexte, de nombreux défenseurs des droits de l’homme ont joué un «rôle inestimable» dans la promotion et le plaidoyer pour les droits fondamentaux de tous les Burundais, rapporte le rapport.

L’autre note de satisfaction que le rapport met sur le compte du CNDD-FDD est "des efforts louables ont été faits pour tourner une page sombre de l’histoire du pays qui fut longtemps dominé par des divisions ethniques et des cycles répétitifs de violences".

En publiant ce rapport, EHAHRDP dit qu’elle cherche, "non seulement à fournir une description détaillée de la situation dans laquelle les défenseurs des droits humains burundais se trouvent, mais aussi à proposer des recommandations concrètes au gouvernement du Burundi, ainsi que ses partenaires afin d’améliorer l’environnement dans lequel se trouvent les défenseurs des droits humains opèrent et puissent inverser les tendances politiques inquiétantes pour le pays".

Le rapport revient, à titre illustratif sur ses craintes sur l’emprisonnement pendant des mois de l’année 2014, de Pierre Claver Mbonimpa, le doyen des défenseurs des droits de l’homme de renommée mondiale et lauréat du prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’homme en 2007.

M. Mbonimpa avait dénoncé publiquement des entrainements paramilitaires de jeunes présumés membres du parti au pouvoir à des fins aujourd’hui encore non élucidées sur le sol de la République démocratique du Congo voisin, avant d’être inculpé du chef d’accusation d’avoir porté "atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat".

Le vice-président de l’organisation anti-corruption (OLUCOME), feu Ernest Manirumva, quant à lui, a été assassiné en avril 2009 suite à ses enquêtes sur des allégations de corruption de haut niveau, illustre encore le rapport.

S’agissant de la liberté de la presse, le rapport s’inquiète également du fait que plusieurs journalistes ont été convoqués, ces derniers temps, et sommés de révéler leurs sources d’information alors que les sources d’information, ne se sentant plus protégées, deviennent réticentes lorsqu’il s’agit de parler de sujets sensibles aux journalistes.

L’autocensure est devenue plus fréquente parmi les journalistes qui ont maintenant peur d’écrire à propos de sujets particulièrement sensibles, poursuit le rapport.

Au chapitre des recommandations du rapport, le gouvernement burundais doit intervenir «immédiatement» pour s’assurer que tous les services et toutes les institutions de l’Etat, y compris le service national de renseignement et toutes les branches de l’appareil sécuritaire étatique, à savoir les organisations militaires et paramilitaires relevant de son autorité, cessent toute intimidation, harcèlement et attaque contre les défenseurs des droits humains.

Le rapport recommande encore au gouvernement burundais de ratifier la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

Les bailleurs de fonds et partenaires de développement, quant à eux, doivent reconnaitre «publiquement» que les élections des mois prochains au Burundi représentent un risque accru pour les défenseurs des droits humains burundais et veiller à ce que le gouvernement du Burundi et la communauté internationale puissent assurer un environnement de travail propice aux défenseurs des droits humains qui travaillent sur les questions liées aux élections.