Burundi : HRW accuse la police et l'armée de dizaines d'exécutions extrajudiciaires
Droits de l'Homme

@rib News, 12/02/2015 – Source AFP

Bujumbura (Burundi) - L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a accusé jeudi l'armée et la police burundaises d'avoir perpétré des dizaines d'exécutions sans jugement après des affrontements avec un groupe rebelle fin décembre.

L'armée et la police du petit pays d'Afrique des Grands Lacs ont commis au moins 47 exécutions extrajudiciaires entre le 30 décembre 2014 et le 3 janvier 2015, a accusé HRW dans un communiqué.

Des membres armés de la ligue des jeunes du parti au pouvoir (Imbonerakure) ont également participé aux exécutions, a-t-elle ajouté.

Selon l'organisation basée à New York, qui s'appuie sur des témoignages d'habitants, ces exécutions ont été menées dans la foulée d'affrontements survenus dans la province de Cibitoke, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la capitale Bujumbura, entre les forces de sécurité et un groupe rebelle jamais identifié.

Les combats entre les forces gouvernementales et ces rebelles, qui étaient en provenance de la République démocratique du Congo voisine, avaient duré cinq jours. L'armée avait affirmé avoir tué une centaine de rebelles dans les affrontements, avant de procéder à quelques arrestations.

Il semble (...) que les militaires et les policiers n'ont pas cherché à arrêter la plupart des hommes qui se sont rendus, préférant les abattre, a expliqué Daniel Bekele, directeur de la division Afrique de HRW.

Le gouvernement burundais a promis de répondre point par point au rapport de HRW après l'avoir lu. Son porte-parole, Philippe Nzobonariba, a cependant déjà dénoncé l'attitude traditionnellement hostile de l'organisation.

Avant HRW, plusieurs organisations locales avaient déjà dénoncé des exécutions extra-judiciaires dans la foulée des affrontements de Cibitoke. Le pouvoir burundais les a systématiquement accusées d'être de mèche avec les rebelles.

Les autorités burundaises n'ont jamais donné la moindre indication sur l'identité de ce mystérieux groupe de rebelles, constitué, selon des témoins, de près de 200 hommes.

Elles avaient cependant affirmé que leur but était de gagner la forêt de la Kibira, qui partage le Burundi du nord au sud et servait de sanctuaire aux groupes armés pendant la guerre civile (1993-2006).

De là, ils comptaient selon elles recruter et lancer des attaques dans tout le pays avant les élections générales de mai et juin, à l'approche desquelles le parti du président Pierre Nkurunziza est accusé de faire le vide autour de lui.

Selon des observateurs, il est évident que l'offensive rebelle était d'une façon ou d'une autre pilotée par une partie de l'opposition. Et que Bujumbura entendait envoyer un signal fort en la matant.

Depuis des mois, la communauté internationale ne cache pas son inquiétude de voir les violences et les tensions politiques se multiplier à l'approche des élections.

Selon HRW, les meurtres commis à Cibitoke s'inscrivent dans une longue série d'exécutions extrajudiciaires commises depuis plusieurs années par les forces de sécurité burundaises et par des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir. Exécutions qui visent, dit-elle, civils, membres de groupes armés et opposants.

Mais les exécutions perpétrées à Cibitoke présentent l'un des bilans les plus lourds enregistrés ces dernières années lors d'incidents de ce genre, a poursuivi l'organisation.

Le bureau des Nations unies au Burundi avait lui aussi accusé ces dernières années les autorités d'exécutions extra-judiciaires. Rien qu'en 2011, il en avait dénombré 61. Bujumbura avait toujours réfuté ces accusations.