Burundi : le directeur d'une radio privée libéré sous caution
Justice

@rib News, 18/02/2015 – Source AFP

Le directeur de la très populaire radio privée burundaise RPA, inculpé depuis janvier de "complicité d'assassinat" de trois religieuses italiennes, a bénéficié mercredi d'une remise en liberté sous caution, une décision saluée par des milliers de manifestants devant la station.

La Cour d'appel de Bujumbura a accordé au directeur de la Radio publique africaine (RPA), Bob Rugurika, "une liberté provisoire sous caution de 15 millions de francs burundais" (environ 8.000 euros), a déclaré son avocat, Me Lambert Nigarura.

"Nous sommes satisfaits, même si le dossier reste pendant devant la justice", a-t-il ajouté. "Nous continuons de demander que toute la lumière soit faite sur les vrais assassins des trois soeurs".

M. Rugurika, dont une précédente demande de libération avait été refusée en février par le Tribunal de grande instance de Bujumbura, n'a pas été libéré immédiatement, les services concernés n'ayant pas encore signé le billet d'élargissement nécessaire.

Bob Rugurika avait été arrêté le 21 janvier avant d'être incarcéré dans le centre du pays.

Il est inculpé de complicité d'assassinat mais aussi de manquement à la solidarité publique, violation du secret d'instruction et recel de malfaiteurs et risque jusqu'à 20 ans de prison.

La justice lui reproche la diffusion des aveux d'un homme qui se présente comme l'un des assassins de trois religieuses italiennes de 75, 79 et 83 ans, tuées en septembre à Kamenge, dans le nord de Bujumbura, et qui met en cause de hauts responsables des services secrets burundais, sans expliquer leurs éventuels mobiles.

Cette version prend le contre-pied de celle de la justice, qui a arrêté un jeune homme dans le quartier de Kamenge peu après les faits. Celui-ci, qui passe pour un "déséquilibré", est accusé d'être le seul responsable de ce triple meurtre et a été écroué.

Cette thèse n'a guère convaincu au Burundi, en raison notamment d'une présence massive de policiers sur les lieux du crime lors de l'assassinat de la troisième religieuse, tuée plusieurs heures après les deux premières.

- Radio des "sans-voix" -

Plusieurs milliers de personnes ont exprimé mercredi leur joie devant le siège de la RPA à l'annonce de la libération sous caution. Une telle manifestation ne s'était plus vue dans la capitale burundaise depuis des années.

En pointe dans la dénonciation des inégalités sociales, du harcèlement politique ou encore des abus de l'administration et des forces de l'ordre, la RPA donne régulièrement la parole aux Burundais qui s'estiment victimes de discriminations ou d'injustice. Elle est surnommée "La radio des sans-voix".

"La RPA est le seul protecteur de pauvres gens comme nous les taxis-vélos, les domestiques de maison...", a expliqué Pierre, la vingtaine.

Un autre manifestant, Jean de Dieu Kazungu, trentenaire, a lui interrompu le deuil d'un membre de sa famille pour venir "fêter" cette libération. Au Burundi, le deuil d'un parent dure généralement une semaine, au cours de laquelle on ne sort pas de chez soi.

"La RPA est aujourd'hui notre parent à nous tous", a-t-il expliqué, estimant que seule la RPA est aujourd'hui capable de faire éclater "au grand jour" la vérité dans cette affaire de triple assassinat.

Un peu plus loin, des vendeuses ambulantes de fruits, harcelées pendant des mois par la police et qui disent s'en être sorties grâce au soutien de la radio, dansent et chantent.

"Nous sommes ici pour attendre le retour du directeur de la RPA car nous l'aimons, nous le soutenons: sa radio se bat pour la liberté de tout le Burundi", a expliqué l'une d'elles.

Cette mobilisation "montre que Bob Rugurika est devenu un symbole de la liberté d'expression", a estimé le directeur par intérim de la radio, Alain Ntamagendero, se félicitant de la libération de son collègue.

Société civile et médias burundais se sont mobilisés pour la libération du journaliste. UE, Etats-Unis et organisations internationales des droits de l'Homme avaient aussi demandé sa remise en liberté.

Le pouvoir burundais est accusé de restreindre l'espace politique et de chercher à museler les médias et la société civile, à l'approche d'élections générales clés.