Vers de véritables élections de la terreur au Burundi ?
Opinion

@rib News, 17/04/2015

Burundi : Soit tu votes pour Nkurunziza soit tu fuis !

Par Buntu Frantz - Avril 2015

Depuis un demi-siècle, le Burundi  a vu de façon cyclique,  ses fils et filles prendre en masse le chemin de l’exil. Les premiers réfugiés burundais se limitèrent à quelques centaines après les premiers massacres politico-ethniques d’octobre 1965. Le premier départ massif sera noté en 1972-1973, où des centaines de milliers de Burundais se sont réfugiés en Tanzanie, au Zaïre (actuelle RDC) et au Rwanda, fuyant l’armée burundaise et la Jeunesse Révolutionnaire Rwagasore, du parti Uprona de l’époque. Après le coup d’Etat de 1993 et l’assassinat du Président Ndadaye Melchior et de nombreux de ses proches collaborateurs, des massacres interethniques s’en sont suivis, puis une véritable guerre civile. Plus d’un demi-million de Burundais prirent le chemin d’exil.

Les accords d’Arusha survenus en août 2000  déboucheront sur une transition, qui permettra  un retour progressif de la paix, l’organisation des élections et la mise en place des institutions démocratiques en 2005. Des centaines de milliers de compatriotes vont retrouver leur mère patrie, dans des conditions où  l’accueil était parfois décevant. Dans tous les cas, la majorité des rapatriés étaient heureux de retrouver leur pays après tant d’années d’errance et d’humiliation.

J’espérais personnellement ne plus jamais revoir ces images affligeantes de cohortes de réfugiés burundais, démunis, affamés et assoiffés. Mais hélas,  cet espoir  est anéanti par la réalité des six mille Burundais, selon le commissaire onusien des droits de l’homme dernièrement en mission au Burundi, qui ont déjà traversé la frontière du nord du pays.

Mais  comment  cela est-il arrivé ?

A la veille des élections de 2010, l’opposition politique et certaines ONG dénonçaient déjà le phénomène « Imbonerakure ». Cette milice du CNDD-FDD terrorisait les citoyens soupçonnés de soutenir l’opposition. Mais tout cela semblait limité à quelques provinces. Le président Nkurunziza bénéficiait encore d’un large soutien de son parti, et de nombreux citoyens estimaient qu’il avait hérité d’une situation difficile qui pouvait expliquer son échec dans le redressement économique et social du pays. Mais à la veille de la fin de son deuxième mandat, Nkurunziza et son club d’oligarques font face à de nombreux problèmes :

-          Nkurunziza a épuisé ses mandats constitutionnels

-          Nkurunziza est devenu impopulaire à cause de nombreux crimes de sang et  de l’enrichissement illicite et ostentatoire de son entourage contrastant avec la paupérisation de la majorité des Burundais.

-          Au sein de son parti, de nombreux militants estiment qu’un changement est indispensable, soit pour redresser le pays, soit  pour que le CNDD-FDD ne perde pas le pouvoir.

-          Le parti UPRONA, qui était son principal soutien,  a implosé par les bons soins d’un ministre de l’intérieur passé maître dans la division des partis d’opposition.

-          L’opposition s’est renforcée au sein des coalitions.

-          Et la société civile s’est renforcée et est clairement contre un 3ème mandat anticonstitutionnel.

Le président Nkurunziza et son club constitué de quelques généraux et quelques cadres civils ont cru bon de recourir à la milice Imbonerakure.  Les miliciens reçurent d’abord une formation militaire à Kiliba Ondes (Est de la RDC),  et dans d’autres centres de formation que les témoins situent dans la forêt de la Kibira au Nord-Ouest, mais aussi au Sud du pays à la frontière avec la Tanzanie. Des milliers d’armes leur  furent distribuées, d’autres seraient pré disponibilisées à des endroits convenus en attendant le signal avant de passer à l’attaque des opposants. Mais le travail des miliciens consistait déjà à contraindre les citoyens à adhérer au parti CNDD-FDD et à verser des cotisations obligatoires. Les exactions contre les citoyens sont parties crescendo, allant de simples extorsions de fonds jusqu’à l’assassinat, en passant par des cas de torture et de viols. A quelques semaines des élections, la distribution des armes, les menaces de mort contre ceux qui seraient contre le 3ème mandat de Nkurunziza,  les provocations et les actes de violences  des Imbonerakure  ont, dans certaines provinces, pris de l’ampleur.  C’est cela qui explique la fuite des milliers de nos compatriotes vers le Rwanda.

L’essence pour éteindre l’incendie.

Le club des oligarques a eu d’abord le génie d’envoyer les Imbonerakure pour quadriller les passages empruntés par la population pour fuir au Rwanda.  Cela a redoublé la panique, et le nombre de nos compatriotes prenant la fuite n’a fait qu’augmenter. Puis, ils ont redoublé de génie en envoyant le ministre de l’intérieur Edouard Nduwimana au Rwanda pour demander les exilés de rentrer. Or ce ministre est connu de tous les Burundais  pour son cynisme et son penchant répressif. L’on aurait voulu épouvanter davantage les réfugiés que l’on ne s’en serait pas pris autrement. Seul le Général Adolphe NSHIMIRIMANA, chef officieux des  Imbonerakure  aurait fait mieux !

Les élections de la terreur.

Depuis l’avènement du pluralisme en Afrique, les élites politiques africaines ont tendance à confondre élection et démocratie.  Et la « Communauté Internationale » qui détient le cordon de la bourse semble être la principale promotrice du principe « des élections à tout prix ». Si l’on regarde des pays qui, au cours de ces dernières années ont  « organisé » des élections sans au préalable créer des conditions d’apaisement, il est difficile de ne pas conclure que les élections de mai et juin 2015 au Burundi sont insensées, voire suicidaires. Que ce soit l’Irak, l’Afghanistan, la Libye ou le Mali, les élections qui s’y sont déroulées dans la terreur n’ont fait qu’accentuer et faire perdurer la terreur. Or, les  prochaines élections dans notre pays sont de véritables élections de la terreur. Soit l’on accepte de voter pour Nkurunziza et sa « coquille vide » de parti, ou on fuit le pays, ou ce sera la mort !!  De telles élections n’apporteront ni la paix, encore moins le développement au Burundi, ni la stabilité dans la Région des Grands Lacs.

Enrayer la fuite en avant des « électoralistes ».

Nkurunziza et son club sont sûrs de gagner ces élections et ils ont raison ! Non seulement ils ont « leur CENI et leur Cour Constitutionnelle », mais aussi le climat de terreur ne pourra permettre ni aux scrutateurs des partis d’opposition ni aux observateurs nationaux ou étrangers d’effectuer leur travail. Certains leaders de l’opposition  espèrent tirer leur épingle du jeu. Il est en effet probable que Nkurunziza et son club accordent quelques postes électoraux à l’un ou l’autre opposant,  histoire de rendre « crédibles » les élections. Mais ces calculs se font sur le dos du peuple, qui est en train de fuir le pays, qui subit la terreur des Imbonerakure et qui ne verra jamais ses conditions de vie s’améliorer par un régime sorti de ce simulacre électoral. La répression des opposants avait été terrible au lendemain des élections de 2010, elle sera impitoyable et foudroyante au lendemain des élections de 2015. Et les Imbonerakure  exigeront leur part du « butin » ;  ceci  accentuera la corruption, la gabegie et toutes les pratiques maffieuses au détriment de la lutte contre la pauvreté et le développement du pays.

Il est urgent que tous les patriotes des partis de l’opposition, du CNDD-FDD, des membres des organisations de la Société Civile et des Forces de Sécurité se lèvent  pour dire stop ;  stop de détruire notre seule et unique patrie. Il faut absolument  arrêter cette tragédie-comédie électorale et  initier d’urgence un dialogue afin de créer un climat de paix, rapatrier nos compatriotes en errance, puis organiser des élections apaisées. Et il ne faudrait plus avoir peur d’oser déclarer haut et fort que cela ne peut passer que par un gouvernement de transition, son cahier de charge étant à préciser dans ledit dialogue.