Burundi : La peur pousse des réfugiés congolais à refuser de changer de camp
Société
IRIN, 11 septembre 2009

Photo: Judith Basutama/IRIN

Des réfugiés du site de Sabe, dans la province de Kanyanza, dans le nord du Burundi (photo d’archives)

BUJUMBURA - Au Burundi, plus de 2 000 réfugiés ont rejeté l’idée d’être transférés vers un nouveau camp, comme cela leur a été proposé par les Nations Unies, par peur d’être exposés à des attaques.

Ces réfugiés, qui viennent de la communauté banyamulenge, de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), vivent dans un camp à Gihinga, dans la province de Mwaro, dans le centre du Burundi. Le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et le gouvernement burundais ont annoncé la fermeture du camp de Gihinga à la fin du mois de septembre, et ont appelé les habitants de ce camp à accepter d’être transférés à Bwagiriza, dans la province de Ruyigi, dans le nord-est du pays.

Une fois que Gihinga sera fermé, les réfugiés ne pourront recevoir de l’aide qu’à Bwagiriza. Environ 140 ont déjà pris la décision de s’y installer, mais 2 300 refusent de s’y rendre.

Ces réfugiés ont expliqué que Bwagiriza était trop proche d’une région de la Tanzanie où vivent les membres du groupe ethnique Bembe, qui sont des ennemis de longue date des Banyamulenge.

« Nous avons entendu dire que des habitants de Ruyigi veulent nous attaquer quand nous arriverons là-bas, pour des raisons que nous ignorons. La province de Ruyigi n’est donc pas sûre pour nous. Nous entendons tout le temps parler d’assassinats dans cette région – d’albinos, de résidents, et même de policiers. Nous avons peur qu’il nous arrive la même chose », a déclaré à IRIN Freddy Gakunzi, représentant des réfugiés congolais banyamulenge.

Bien que le camp de Bwagiriza soit relativement éloigné de la frontière tanzanienne, le sentiment de danger est bien réel, d’après M. Gakunzi. « Les gens qui viennent nous sensibiliser [au sujet du transfert proposé] nous disent que 80 kilomètres, c’est loin de la frontière, mais selon nous, c’est une distance assez courte pour que les Bembe puissent facilement venir nous attaquer ».

D’après lui, les réfugiés craignent aussi, en se déplaçant, d’être victimes des violences qui pourraient résulter des élections prévues pour 2010.

« Ici, à Gihinga, nous connaissons très bien les habitants, ils ne peuvent pas nous faire de mal. Ils nous apportent souvent à manger ».

« S’ils [l’UNHCR et les autorités burundaises] ne nous autorisent pas à rester ici et ne nous aident pas à rentrer dans notre pays, nous sommes prêts à marcher pendant des mois pour rejoindre le Congo. Nous prendrons le risque de parcourir la longue distance qui nous sépare de la frontière », a déclaré M. Gakunzi, faisant remarquer que de nombreux réfugiés étaient trop malades pour marcher plus de quelques kilomètres par jour.

Discussions au sujet d’un éventuel rapatriement


Photo: Judith Basutama/IRIN

Des réfugiés congolais, qui étaient installés sur un terrain de jeu de Bujumbura, sont déplacés vers un site de transit (photo d’archives)

Bernard Ntwari, porte-parole de l’UNHCR, a observé : « Nous ne pouvons pas les transférer de force ; ils ont le droit de refuser de se rendre à Bwagiriza. S’ils n’y vont pas, cela suppose qu’ils aient une autre solution ».

Il a ajouté que l’UNHCR ne serait pas en mesure d’aider les réfugiés à rentrer dans leur pays d’origine tant que les discussions avec les gouvernements du Burundi et de la RDC n’auraient pas abouti à un accord tripartite officiel.

D’après M. Ntwari, dans tous les cas, « il faudra procéder à une évaluation pour déterminer si les conditions sont propices au retour [volontaire] des réfugiés » en RDC.

Il a précisé que cela ne remettait pas en cause le droit au « rapatriement spontané […] qui signifie que, de manière générale, les réfugiés sont libres de retourner volontairement, de leur propre initiative, dans leur pays d’origine, s’ils n’ont pas besoin d’aide pour cela et s’ils estiment qu’il n’y a plus de danger dans leur pays ».

Le dernier rapport du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) sur le Sud-Kivu peint un tableau très noir de la province de l’est de la RDC, d’où viennent les Banyamulenge, et qui est actuellement le théâtre d’une opération conjointe menée par le gouvernement et les forces des Nations Unies contre des rebelles rwandais.

« Parmi [les exactions commises à l’encontre des civils] figurent les viols, les pillages, les incendies de maisons, les prises d'otages, l'établissement de barrières illégales et l'utilisation des civils aux fins du transport des effets militaires », a indiqué OCHA dans son Bulletin d’information hebdomadaire.

[FIN] [Les informations vous sont parvenues via IRIN, un département d'informations humanitaires des Nations Unies, mais ne reflètent pas nécessairement les vues des Nations Unies ou de ses agences]