Burundi : L’irréparable est déjà commis
Opinion

@rib News, 01/05/2015

HORREUR : LE BURUNDI BRULE DANS UN CLIMAT DE TERREUR POLITIQUE

Par Gervais Marcel Cishahayo

On comprend très difficilement comment l’UA, l’ONU et le Conseil de Sécurité et les principaux partenaires du Burundi qui ont eu tout le temps d’évaluer la situation sur le terrain ont permis une telle redescente aux enfers qui avait pourtant été annoncée. Le fait que certains crimes semblables à ceux commis sous les régimes antérieurs issus des coups d’état soient commis sous la gestion de l’état par un pouvoir issu de la rébellion constitue une circonstance aggravante.

L’irréparable est commis : Les victimes de la répression des manifestations contre le troisième mandat qu’on craignait sont déjà tombées et les arrestations se chiffrent par centaines. Presque une génération depuis le coup d’état de 1993, Melchior Ndadaye et ses compagnons de lutte pour la démocratie doivent se retourner dans leurs tombes. Les victimes des violences actuelles constituent une insulte contre la mémoire de toutes les victimes du conflit politique burundais qui est loin d’être terminé contrairement à ce que les uns et les autres voulaient faire croire.

Avec quelques nuances, les affrontements entre la police et les manifestants rappellent ceux entre la population et l’armée et la police épaulées par les milices de jeunes (Sans défaite, Sans échec, etc.) qui étaient utilisés pour traquer et éliminer des gens dans ce qui ressemblait à un nettoyage ethnique de certains quartiers et même au niveau national. Aujourd’hui, malgré un discours officiel d’apaisement et de déni, un climat de terreur prévaut dans tout le pays et des dizaines de milliers de burundais se sont déjà réfugiés dans les pays limitrophes et lointains.

L’histoire retiendra que la plus grave erreur de ce pouvoir aura été la même que celle des régimes qui l’ont précédé :

L’utilisation (« uniformisation » des jeunes affiliés au parti CNDD-FDD (Imbonerakure) aux côtés des forces de sécurité constitutionnellement habilitées à remplir ce rôle. Le fait que des crimes sont commis sous la gestion de l’état par un pouvoir issu de la rébellion constitue une circonstance aggravante.

Aussi, pour une rare fois, on peut apprécier que les manifestants et la population dans son ensemble soient beaucoup plus rassurés par la présence de l’armée au lieu de la police dont certains éléments en uniformes sont les auteurs des morts qui ont déjà été enregistrées.

Toutes les institutions nationales ayant dans leurs attributions la sécurité des citoyens dans leurs  personnes et leurs biens avaient été amplement averties des violences qui pouvaient éclater d’un moment à l’autre.

Comment est-il possible que les partenaires du Burundi ferment pratiquement les yeux et les oreilles aux cris de détresse de la population qui digère mal le support qu’ils octroient généreusement à un pouvoir qui les opprime ?

Dans une grande mesure, certains politiciens qui ont dirigé le pays devraient se regarder dans le miroir et assumer une grande part de responsabilité de ce qui est en train de se passer. En effet, même s’ils ne sont plus officiellement aux commandes, ils continuent de siéger dans les importantes institutions du pays en leur propre nom ou en tant que leaders ou membres de partis politiques. On comprend très difficilement comment l’UA, l’ONU et le Conseil de Sécurité ainsi que tous les partenaires principaux du Burundi qui ont eu tout le temps d’évaluer la situation sur le terrain ont permis une telle redescente aux enfers. En effet, le président et son parti n’ont jamais caché leur intention de briguer un troisième mandat que l’opposition et la société civile, ont dénoncé en temps utile comme porteur de dangers d’explosion de la violence. Maintenant ce sont ces mêmes institutions régionales et internationales qui vont être sollicitées pour faciliter la recherche d’une solution à une crise qui pouvait être évitée avec une dose plus élevée de fermeté dans leurs rapports avec le pouvoir.

A propos de l’auteur

Gervais Marcel Cishahayo est un membre de la diaspora burundaise depuis les années 1970s et établi à Malte, UE. Professeur, consultant sur les questions relatives à l’éducation, la géophysique, les NTICs, la diplomatie et les relations internationales, il est l’auteur d’articles d’analyses et de contributions diverses dans les médias sur l’immigration, la sécurité et l’intégration régionale. Avocat de la bonne gouvernance démocratique bien connu des milieux politiques et académiques et n’ayant jamais adhéré officiellement à aucun parti politique depuis les années 1980s, il est l’auteur d’une thèse d’analyse de la dimension de la sécurité de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) présentée à l’Académie Méditerranéenne d’Etudes Diplomatiques de l’Université de Malte.