D’impossibles élections au Burundi : Faut-il déjà se faire à l'idée ?
Opinion

@rib News, 03/05/2015

Burundi. Impossibilité d’aller aux élections et nécessité du dialogue pour une transition

Par Albanel Simpemuka

Impossible d’aller aux élections

Les élections législatives et communales, sont prévues pour le 26 mai prochain. Cependant, des raisons empêchent d’espérer aller aux élections selon le calendrier décliné par la CENI. La première est l’insécurité provoquée par les milices Imbonerakure, qui poussent des dizaines de milliers de Burundais à fuir vers les pays limitrophes. Ce phénomène, constamment dénoncé par l’opposition, est devenu flagrant à l’approche des élections et  fait comprendre le potentiel de violence que représentent ces milices. Lors de ces élections, elles vont terroriser les citoyens et imposer le choix des candidats du parti présidentiel. Cela d’autant plus qu’ils sont armés et ont  des tenues de la police, ce qui entretient une confusion dangereuse.

L’autre raison est que la crise actuelle, faite de désaccords, de manifestations, de répressions par tirs à balles réelles, d’arrestations, d’emprisonnements, de fermeture des médias indépendants etc., n’installe pas un climat de confiance, de sérénité et de motivation nécessaire à une élection.

La troisième raison est le manque de confiance dans l’éthique et le professionnalisme de la CENI et de ses démembrements. Cette commission qui a organisé les élections de 2010, est contestée par l’opposition. Elle est accusée de partialité et de corruption. L’opposition a réclamée, en vain, une CENI consensuelle qui ne soit pas au service d’un camp. Elle est persuadée que le fichier électoral est truqué et qu’une fraude par la terreur et l’informatique a déjà été préparée, pour assure d’avance une victoire écrasante au CNDD-FDD.

La quatrième raison est l’exclusion structurelle de l’opposition et la fermeture de l’espace politique : tout au long du mandat du CNDD-FDD, l’opposition a été empêchée de tenir des réunions, de circuler dans le pays pour rencontrer ses partisans et expliquer ses projets de société. Certains leaders  ont été contraints à l’exil, d’autres ont été convoqués par la Justice sous des accusations fabriquées de toutes pièces pour les intimider et les salir aux yeux des populations. Pour accéder  à un emploi  public, il fallait exhiber la carte du parti présidentiel. Pendant ce temps, les moyens de l’Etat ont été et sont encore utilisés par le parti au pouvoir pour son propre compte. Tout cela n’est pas équitable et n’augure d’aucune impartialité électorale.

Le dialogue est nécessaire

Avancée en vain depuis longtemps par l’opposition, cette idée de dialogue est aujourd’hui réitérée par Nkosazana Dlamini Zuma, la présidente de la commission de l'Union Africaine qui, dans sa déclaration du 30 avril 2015 « souligne la nécessité du dialogue entre les parties prenantes burundaises, en vue de résoudre pacifiquement leurs différends et de créer des conditions propices à la tenue d’élections paisibles, inclusives, libres, régulières et transparentes ». De même, Tom Malinowski, l’envoyé spécial d'OBAMA à Bujumbura  a martelé le même jour que « Des mesures concrètes seront prises, dont des sanctions ciblées contre les responsables des violences, si les autorités refusent le dialogue au Burundi ». Ceux qui redoutent le dialogue et la transition ont peut-être en mémoire les interminables  négociations d’Arusha. Mais n’est-ce pas mal poser le problème ? Car, la vraie question est de savoir si une transition est nécessaire. Et la réponse est  oui. Car, d’une part, le mandat du CNDD-FDD touche à sa fin ; d’autre part, le régime de ce parti a créé des conditions qui rendent impossible la tenue d’élections acceptables. Il faut donc impérativement discuter et s’accorder sur la feuille de route d’une transition qui permettra de remettre les choses en ordre. Si au Burkina Faso, il a été possible de se mettre rapidement d’accord, sur la durée, la mission  et la composition du gouvernement de transition, etc., pourquoi cela serait-il impossible au Burundi ? Le dialogue sur les préoccupations majeures qui divisent les Burundais est nécessaire. Il est nécessaire pour que chacun ne soit pas tenté, en l’absence d’un cadre neutre de discussion, de recourir à la violence pour se faire entendre ou pour accéder à ses droits. Seul il permet la résolution pacifique des différends.

L’ordre du jour du dialogue

Si le gouvernement actuel refuse le dialogue, celui-ci se fera vraisemblablement sans lui,  malgré et peut-être contre lui.  L’instance ou la coalition qui l’aura évincé pourra être tentée de former unilatéralement son gouvernement et de se donner un cap, mais le mieux serait d’ouvrir des discussions pour que les acteurs politiques fixent ensemble la feuille de route de la transition. Sinon le nouveau pouvoir s’exposera aux mêmes accusations de dictature. Pour éviter l’enlisement et les discussions interminables, l’ordre du jour devrait porter sur des questions essentielles, qu’on peut régler à court terme, et qui conditionnent la mise en place d’institutions légitimes définitives. La réalisation de la feuille de route serait confiée au gouvernement et aux autres institutions  de transition. En principe, chaque institution devra avoir ses missions. Il s’agirait donc, lors du dialogue,  de décliner les missions qui devraient être accomplies pour rendre possible la mise en place d’institutions légitimes définitives. Mais également  la durée de cette transition.