Liberté de la presse : Une célébration qui laisse un arrière goût amer au Burundi
Droits de l'Homme

RFI, 03-05-2015

Au Burundi, la liberté de la presse comme remède aux «rumeurs»

La journée mondiale de la liberté de la presse résonne d’une manière particulière au Burundi. Depuis le début de la contestation contre la candidature à un troisième mandat de Pierre Nkurunziza, les journalistes de la presse privée sont durement touchés

Entre censure et accusations de soutenir l’un ou l’autre camp, les journalistes sont sur le fil. Un appel a été lancé sur toutes les radios, avec un message : « Tous les journalistes ont le droit de faire leur métier. »

Au Burundi, on vit l'oreille collée aux postes de radio. Mais cette année il est difficile de célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse dans le pays : la montée de la contestation contre le troisième mandat du président Nkurunziza est marquée par un tour de vis à l’encontre de nos confrères de la presse privée, durement touchés. La plus populaire des radios du pays, la Radio publique africaine a été fermée. La RPA est accusée d'« incitation au soulèvement ». Deux autres radios parmi les plus connues, Isanganiro et Bonesha, ne peuvent plus émettre à destination de la province.

Les coupures d'antennes entretiennent la psychose dans la province

Pour Alexandre Niyungeko, président de l'Union burundaise des journalistes (UBJ), cette censure est « une erreur monumentale » car elle renforce la « psychose » provoquée par des rumeurs qui gangrènent le pays. « C’est une psychose, de la peur, au sein de la population à l’intérieur du pays où les antennes de radio Isanganiro et Bonesha ont été coupées, et finalement qui se disent : "Mais qu’est-ce qui se passe ?" », estime Alexandre Niyungeko, qui juge que le défaut d’informations « a accru le mouvement des gens qui fuient ».

Interrogé par RFI, le journaliste juge que, plus que la seule antenne de la RPA, c’est « le pluralisme (qui) est coupé ». Les libertés d’opinion, d’expression et de la presse qu’il juge « bafouées par la Constitution burundaise », évoquant le débat sur les lois encadrant la presse dans le pays. UBJ, qui réclame « que le droit soit rétabli ».

Craintes pour la sécurité des journalistes

Des inquiétudes se font également jour pour la sécurité des journalistes qui couvrent les évènements, actuellement, au Burundi. Plusieurs radios privées ont décidé de diffuser un message commun sur les antennes, à destination de tous les manifestants, pro et anti-troisième mandat, pour qu'ils respectent le travail de la presse, des journalistes burundais et étrangers qui sont pris à partie et accusés de soutenir l'un ou l'autre bord.

« Nous avons constaté qu’il y a des débordements, surtout au niveau des manifestants qui commencent à s’attaquer à certains de nos collègues, à certains journalistes », précise Alexandre Niyungeko. « Des menaces qui vont même jusqu’à des menaces de mort par ces manifestants », regrette le président de l’UBJ.

« Nous avons pensé que ce serait mieux que nous lancions un appel à tous les manifestants pour leur dire que les journalistes ont le droit de faire leur métier, expose Alexandre Niyungeko. Tous les journalistes, que ce soit des médias publics ou privés burundais, que ce soit des journalistes de la radiotélévision nationale, de Rema ou de radiotélévision Renaissance, Isanganiro et Bonesha et d’autres, tous ont le droit de travailler et d’être protégés. Et donc, ce serait très dommage que ces manifestants qui expriment leur point de vue soient la source de notre insécurité. »