Le vibrant appel de Khadja Nin pour le Burundi
Société

L'Avenir, 21/05/2015

«Je vous en supplie: venez à notre secours!»

 La chanteuse burundaise s’est exprimée avec émotion ce jeudi matin sur les ondes de la RTBF au sujet de la situation politique dans son pays d’origine.

Le conflit perdure au Burundi. En cause: la volonté du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, ce qui est non conforme à l’accord conclu à Arusha. Mercredi soir, par la voix du ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, la Belgique exprimé publiquement son opposition à cette éventualité.

C’est dans ce contexte que Khadja Nin est venue s’exprimer sur La Première. «Tous les médias libres du Burundi ont été détruits. Du coup, il n’y a plus qu’une seule voix là-bas: celle de la radio-télévision nationale qui est contrôlée par le pouvoir», a-t-elle affirmé.

«Je suis ici pour porter un message, un appel au secours de tout un peuple désarmé face à un homme (NDLR: Pierre Nkurunziza). Un homme qui se retrouve seul contre tous, la Belgique, que je remercie, et d’autres pays ayant condamné ce 3e mandat. Il suffirait que cet homme dise deux mots: ‘Je renonce’, pour que tout s’arrête. Après des accords d’Arusha qui ont mis tant de temps à aboutir à quelque chose de convenable, qui permettait au Burundi de dépasser les guerres, cet homme en a fait une lecture personnelle.»

«Le Burundi est un test grandeur nature pour ce qui va se passer en Afrique»

Évoquant une «guerre civile», la chanteuse de 55 ans appelle à la mobilisation. «S’il vous plaît, je vous appelle au secours, vous les journalistes, levez-vous pour vos confrères, pour la liberté de la presse. J’ai vu des millions de gens dans la rue pour Charlie Hebdo au début de l’année. Ici, on parle d’un pays qui se fait enfermer, d’un peuple qui se fait massacrer. Je vous en supplie: venez à notre secours! Il y a quelque chose à faire et si vous ne le faites pas maintenant… le Burundi est un test grandeur nature pour ce qui va se passer en Afrique cette année et l’année prochaine. C’est-à-dire des présidents qui vont briguer des 3es, des 100es mandats. Et ça, les peuples ne l’acceptent plus parce qu’ils n’ont plus rien à perdre. Ils vont dans la rue pour les autres, pour le futur.»

L’interprète de « Sambolera » ou encore de « Mama » salue l’attitude de notre pays mais l’incite à faire davantage. «Il n’y a pas que l’opposition burundaise qui est contre ce 3e mandat. Je suis vraiment heureuse que la Belgique ait pris une position claire parce que la Belgique est très importante dans le contexte burundais, au point de vue économique notamment. Elle a des leviers d’actions importants qu’elle peut activer pour qu’on arrête de massacrer des gens.» Et d’insister: «Ceux qui ont le pouvoir d’arrêter ça, ne pourront pas dire ‘on ne savait pas’. La Belgique a ce pouvoir-là. S’il vous plaît, les ministres, le roi même...»

«Nous n’avons plus de médias. Nos journalistes sont en cavale, on les cherche pas pour les enfermer mais pour les tuer. Ils sont assimilés à des terroristes», assure-t-elle encore, répétant que l’enjeu dépasse le cadre du Burundi. «C’est un appel au secours que je suis venue lancer. La Belgique peut réagir, a le pouvoir d’arrêter ça. Il faut trouver une solution aujourd’hui pour pas qu’il ait des morts demain au Congo ou dans un autre pays.»

+ VIDEO |Cliquez ici pour voir l’intervention de Khadja Nin à Matin Première

Dans la foulée de cette intervention, notre gouvernement a pris une décision qui va dans le sens voulu par Khadja Nin. On apprend en effet ce jeudi après-midi que la Belgique arrêtera son aide directe au Burundi en cas de troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. «Un troisième mandat présidentiel entacherait au plus haut niveau la légitimité de l’exécutif burundais et placerait le gouvernement belge dans l’impossibilité (...) de conclure un programme de coopération bilatéral classique», a indiqué dans un communiqué le ministère belge des Affaires étrangères, à l’issue d’un conseil des ministres.