Mobilisation monstre contre le pouvoir au Burundi
Sécurité

Le Monde, 22.05.2015

L’une des manifestations les plus importantes depuis le début de la contestation populaire au Burundi s’est tenue, vendredi 22 mai, dans le quartier de Cibitoke, à Bujumbura, capitale du pays.

Jean-Philippe Rémy, journaliste du Monde sur place évoque une « énorme émeute » à laquelle la police peinait à répondre, ciblée par des « jets de pierres » des protestataires.

Trois personnes ont été tuées en début de soirée, cette fois en plein centre de Bujumbura, après l'explosion de grenades lancées par des inconnus qui ont pu prendre la fuite. Aucun lien n’a pour l’heure été établi avec les affrontements entre manifestants et police, qui avaient fait au moins deux morts et huit blessés, jeudi. Selon Jean-Philippe Rémy, deux des victimes seraient des vendeuses de fruits et légumes.

Dans l’après-midi, la police était parvenue à empêcher la foule en liesse de pénétrer dans le quartier voisin de Ngagara en la repoussant par des tirs en l’air. Après avoir été un moment débordés, militaires et policiers ont tendu en travers de la rue des fils de fer barbelés face au cortège chantant et criant, qui s'étendait sur plusieurs centaines de mètres. Des manifestants ont pillé un camion de bouteilles de bière garé sur le bas-côté, les distribuant sous des cris de joie. De gros cailloux, un pneu ou encore des planches jonchaient par endroits la chaussée, vestiges des barricades de fortune un moment érigées par les manifestants.

Risque de conflit ethnique

Plus d'une vingtaine de personnes ont été tuées depuis les premières manifestations, sévèrement réprimées, contre une candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat à l'élection présidentielle du 26 juin.

Après l’annonce d’un report d’une semaine des élections législatives et municipales, ce dernier a brandi, mercredi soir, dans un discours télévisé, le spectre de la guerre civile. « Aucun Burundais ne veut revivre les tensions de la division ethnique ou de tout autre nature », a-t-il déclaré, faisant allusion au conflit entre Hutus et Tutsis qui a fait 300 000 morts entre 1993 et 2005. Et de faire valoir qu’il pouvait se présenter une nouvelle fois à la présidence, conformément à la Constitution, ayant été élu pour son premier mandat par le Parlement et non au suffrage universel direct.