Burundi : alarmante escalade de la violence
Sécurité

RFI, 23-05-2015

Bujumbura : des jets de grenades sur le marché central font trois morts

Dans une nouvelle escalade de la violence, trois personnes ont été tuées par des jets d'au moins deux grenades vendredi 22 mai dans la capitale burundaise, agitée depuis quatre semaines par la contestation populaire contre un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans le quartier périphérique de Cibitoke. De nouveaux affrontements avec les policiers ont eu lieu. Une trêve devrait être observée ce week-end.

A la nuit tombée, devant des policiers tendus, les corps de trois femmes sont évacués par des ambulanciers. Des légumes jonchent encore le sol. Plusieurs grenades viennent d’être lancées au milieu du marché central de Bujumbura. La plupart des victimes sont des vendeuses ou des clients venus faire leurs courses.

A l’hôpital, une quarantaine de blessés sont soignés dans l’urgence. « J’étais au marché. On a lancé des grenades. Il y avait beaucoup de gens », décrit cette femme témoin de la scène. En plein cœur de la capitale, cette attaque inédite fait suite à une forte mobilisation dans le quartier contestataire de Cibitoke.

La police lie l’attaque aux manifestations

Les grenades ont été jetées en plein centre ville par des inconnus. Il n’y pas de revendications mais, le porte parole adjoint de la police burundaise, Pierre Nkurikiye, pointe du doigt les manifestants, en affirmant, ce samedi 23 mai, que les auteurs de l’attaque sont liés à la contestation contre un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza.

« Nous déplorons la mort de trois personnes sur le champ, tandis qu’une vingtaine ont été blessées dont trois cas graves. Parmi les blessés, on a aussi deux policiers. La police a évacué les blessés et a ensuite commencé immédiatement les enquêtes. Elle a déjà mis la main sur une personne suspecte qui suit actuellement l’interrogatoire. L’enquête sur ce cas continue normalement », a déclaré, à RFI, Pierre Nkurikiye.

Le porte–parole adjoint de la police burundaise a, par ailleurs, accusé les manifestants d’être violents et d’utiliser les armes. A la question de savoir s’il fait le lien entre les manifestants et les grenades, il précise que « ce sont les enquêtes qui vont déterminer le lien qui existerait entre de tels actes. Mais visiblement, il s’agit d’une série d’actes de violence qui sont causés par ces manifestants », a-t-il assuré.

« Nous n’avons évidemment rien à voir avec ces attaques à la grenade », a réagi de son côté, Vital Nshimiramana, leader du collectif de la société civile contre le troisième mandat.

Un mois après le début de la contestation, des milliers de manifestants opposés au troisième mandat du président Nkurunziza sont, encore une fois, venus dire leur détermination. « Cela va continuer jusqu’à ce qu’il quitte le pouvoir », explique un manifestant. « Nous, ce que nous voulons, c’est la justice, parce que le troisième mandat au Burundi, ça n’existe pas et ça n’existera jamais. Nous, la population, nous sommes très fatigués avec les policiers. Jour après jour, il y a des tueries », dénonce cet autre participant. Jeudi, des tirs avaient fait trois morts, mais vendredi aucune victime par balle n'a été déplorée.

Une trêve de deux jours

Les responsables de la campagne contre un troisième mandat du président Nkurunziza ont décrété vendredi une trêve des manifestations de deux jours, qui sera effective ce week-end. Ils y attribuent une valeur politique : cette trêve, disent-ils, sera une façon de donner une chance aux pourparlers en cours à la mission des Nations unies au Burundi (Menub). C'est ce qu'explique Pacifique Nininahazwe, l'un des leaders de la campagne contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza :

« D’habitude, tous les week-ends, c'est généralement pour l’inhumation des nôtres qui sont morts au courant de la semaine, mais aussi pour permettre aux différents quartiers de s’approvisionner. Il y a une nouveauté cette fois-ci, c’est qu’il y a un dialogue qui est amorcé à la Menub entre le gouvernement, la société civile, l’opposition, les confessions religieuses et les médias. Nous voulons donner un gage de notre bonne volonté. Nous attendons que ce dialogue aboutisse à des conditions acceptables d’organisation des prochaines élections, mais aussi qu’il soit décidé de manière claire que Pierre Nkurunziza ne fera pas de troisième mandat. Les manifestations reprendront si nous n’avons aucune indication que le président Nkurunziza va renoncer à sa troisième candidature. »