Jean-Pierre BEMBA, accusé de crimes de guerre, transféré à La Haye
Afrique

@rib News, 04/07/08 - D'après AFP et Reuters

 La Cour pénale internationale (CPI) a accueilli son quatrième prisonnier, l'opposant congolais Jean-Pierre BEMBA, accusé de crimes de guerre en Centrafrique, alors même qu'elle peine à démarrer son premier procès.

« M. BEMBA est arrivé sur le territoire des Pays-Bas », a pu annoncer le procureur Luis MORENO-OCAMPO, modifiant à la dernière minute le texte de son discours lors de la commémoration du dixième anniversaire du Statut de Rome qui a donné naissance à la CPI.

Les Pays-Bas et la France organisaient à La Haye une journée de conférences pour célébrer d'adoption de ce Statut le 17 juillet 1998, qui a créé le premier tribunal permanent chargé de juger des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide. La CPI est devenue réalité le 1er juillet 2002, lorsque 60 Etats ont ratifié le Statut de Rome. Elle compte aujourd'hui 106 Etats parties.

Ancien commandant en chef du Mouvement de libération du Congo (MLC), et vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) durant la transition politique dans ce pays d'Afrique centrale, M. BEMBA est visé par cinq chefs d'accusation de crimes de guerre et trois de crimes contre l'humanité. Il est notamment soupçonné de viols, tortures, traitements dégradants, pillages et de meurtres, commis par ses hommes sur le territoire de la République centrafricaine pendant la période allant du 25 octobre 2002 au 15 mars 2003.

Il comparaîtra pour la première fois devant ses juges vendredi à 15H00 (13H00 GMT), a précisé la Cour dans un communiqué. Selon la CPI, il serait impliqué dans une campagne systématique de meurtres et de viols commis sur des civils en Centrafrique par les hommes du MLC. Parallèlement à leur implication dans la guerre civile de 1998-2003 en ex-Zaïre, les combattants du MLC étaient intervenus en Centrafrique pour soutenir le président Ange Félix PATASSÉ , menacé par la rébellion de François BOZIZÉ , aujourd'hui chef de l'Etat.

BEMBA est le premier suspect faisant l'objet d'un mandat d'arrêt délivré par la CPI dans le cadre de l'enquête sur les événements survenus en République centrafricaine ouverte en mai 2007 par le procureur MORENO-OCAMPO. La CPI poursuit ses investigations sur ce qu'elle qualifie d'« attaque systématique ou généralisée contre la population civile » au cours de laquelle ont été commis « des viols, des actes de torture, des atteintes à la dignité de la personne et des pillages ». Le procureur de la CPI, Luis MORENO-OCAMPO, s'était félicité en mai de son arrestation, « fruit d'une opération complexe et bien planifiée » et a remercié les autorités belges.

L'ancien chef rebelle, craignant pour sa sécurité, avait quitté le Congo démocratique l'an dernier pour se réfugier au Portugal. Il nie les faits qui lui sont reprochés. Jean-Pierre BEMBA, qui vivait en exil depuis un an entre le Portugal et la Belgique, avait été interpellé le 24 mai à Bruxelles sur mandat de la CPI. Il est le quatrième prisonnier de la CPI après les chefs de milice congolais Thomas LUBANGA , Mathieu NGUDJOLO CHUI et Germain KATANGA. Le procureur a par ailleurs lancé deux mandats d'arrêt au Darfour (Soudan) et quatre en Ouganda.

Le transfert de BEMBA « est un grand moment pour ceux en Centrafrique, à Bangui, qui ont horriblement souffert il y a quelques années », a commenté Richard DICKER de l'ONG Human Rights Watch. « Il est impératif que le procureur se penche également sur les crimes attribués à BEMBA en RDC et qu'il enquête sur les chaînes de commandement, en y incluant ceux qui font partie de l'actuel gouvernement congolais », a-t-il poursuivi.

A Bruxelles, l'avocat de Jean-Pierre BEMBA, Me Aimé KILOLO MUSAMBA a estimé que cela allait lui permettre de « présenter les éléments de défense (...) qui permettront d'établir qu'en aucune manière la responsabilité pénale de M. BEMBA ne peut être retenue ».

Le transfert de Jean-Pierre BEMBA est intervenu alors que la CPI est critiquée notamment en Afrique car elle peine à démarrer son premier procès, contre Thomas LUBANGA, qui aurait dû commencer le 23 juin. Le 13 juin, la procédure a été suspendue, les juges estimant qu'il y avait inégalité de moyens entre la défense et l'accusation. Mercredi, ils ont ordonné une remise en liberté provisoire, mais le procureur a interjeté un appel suspensif.

Jeudi, le président de la CPI Philippe KIRSCH et M. MORENO-OCAMPO ont assuré que les obstacles étaient levés et que ce premier procès s'ouvrirait à l'automne. « Dans 20 ans, personne ne se souviendra de ces turbulences », a commenté le procureur argentin. « Mais les principes seront définis ».

« La Cour tente d'établir un équilibre entre deux droits extrêmement importants : le droit à un procès équitable, et celui des victimes », a expliqué Richard DICKER, reconnaissant que l'évocation d'une libération de LUBANGA posait surtout problème sur le terrain, où ses partisans menaçaient de se venger si leur ancien chef rentrait au pays.

« La Cour est un tribunal extraordinairement jeune ! », a lancé dans son discours la secrétaire d'Etat française aux Droits de l'homme Rama YADE. « Vouloir dresser un bilan est prématuré! », a-t-elle estimé.