Plus de 600 Burundais font l'objet d'une mesure de renvoi du Canada
Diaspora

La Presse, 05 juin 2015

Burundi : Ottawa renvoie des ressortissants malgré la crise

Quelque 100 000 personnes ont fui les violences qui embrasent le Burundi depuis le mois d'avril, mais le Canada continue d'y renvoyer des ressortissants à qui il refuse de délivrer un permis de séjour.

Les autorités canadiennes ont renvoyé deux ressortissants burundais vers leur pays d'origine entre le 1er avril et le 28 mai, et 653 Burundais séjournant actuellement au Canada font l'objet d'une mesure de renvoi, a appris La Presse.

De ce nombre, 52 sont visés par un mandat actif de renvoi de l'Agence des services frontaliers, ce qui signifie qu'ils sont recherchés parce qu'ils ne se sont pas conformés à l'ordonnance de quitter le territoire canadien.

Depuis l'annonce de la candidature du président burundais Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, le 25 avril, des manifestations quasi quotidiennes sont violemment réprimées par les forces de l'ordre, qui ont notamment tiré à balles réelles sur les protestataires.

«Je ne sais même pas où est ma famille, avec tout ce qui se passe au Burundi», a confié à La Presse Lydia Karire, une Burundaise vivant au Canada depuis 2002 et qui fait l'objet d'une mesure de renvoi.

Elle craint de retourner dans son pays d'origine en raison du contexte actuel, mais aussi parce qu'elle y a été violée à l'adolescence et que son agresseur n'a jamais été traduit en justice.

«Ça fait 13 ans que je suis ici, je n'ai commis aucun méfait, j'ai toujours travaillé, payé mes taxes, se désole-t-elle. Je ne vois pas en quoi je suis un boulet pour le Canada.»

Convoqué par la police

Un Burundais renvoyé au début du mois de mai a été convoqué par la police burundaise deux semaines après son arrivée. Sa famille restée au Canada, qui désire garder l'anonymat par précaution, y voit la confirmation de ses craintes.

«Au Burundi, quand tu n'es pas avec le régime, il n'y a pas de demi-mesure», a indiqué à La Presse un autre Burundais dont un proche doit être renvoyé incessamment et qui craint des représailles.

«Le Canada ne se soucie pas du tout de ce qu'adviennent ces gens-là», déplore l'avocat d'Ottawa Jacques Bahimanga, lui-même d'origine burundaise.

«Renvoyer une personne dans le feu, comme ça, ce n'est pas possible», poursuit-il.

Le Conseil canadien pour les réfugiés, qui qualifie de «catastrophique» la situation au Burundi, «appelle le gouvernement canadien à imposer une suspension des renvois», comme c'est le cas pour une douzaine d'autres pays, ainsi qu'à accélérer les réunifications familiales, a indiqué à La Presse sa directrice, Janet Dench.

Déclarations contradictoires à Ottawa

La Presse a voulu savoir si le gouvernement juge qu'il est sécuritaire de renvoyer des gens au Burundi, mais le cabinet du ministre de la Sécurité publique, Steven Blainey, de qui relève l'Agence des services frontaliers, n'a pas répondu à la question.

«La décision de renvoyer une personne du Canada n'est pas prise à la légère», s'est contenté d'indiquer dans un courriel son porte-parole, Jean-Christophe de Le Rue.

«Nous sommes vivement préoccupés par l'escalade de la violence signalée au Burundi», avait pourtant indiqué le ministre des Affaires étrangères du Canada, Rob Nicholson, dans un communiqué diffusé le 14 mai, pressant les autorités burundaises «de s'acquitter de leurs responsabilités en matière de respect des droits de la personne et de sécurité publique».

Le gouvernement canadien recommande d'ailleurs «d'éviter tout voyage au Burundi», peut-on lire sur son site internet, et enjoint ses ressortissants qui s'y trouvent à «tenter de quitter le pays».

Pays vers lesquels le Canada n'effectue pas de renvois

·         Afghanistan (depuis 1994)

·         Irak (depuis 2003)

·         République démocratique du - Congo (depuis 1997)

·         Somalie (certaines régions, depuis 2011)

·         Bande de Gaza (depuis 2012)

·         Syrie (depuis 2012)

·         Mali (depuis 2013)

·         République centrafricaine (depuis juin 2014)

·         Soudan du Sud (depuis novembre 2014)

·         Libye (depuis mars 2015)

·         Népal (depuis avril 2015)

·         Yémen (depuis mai 2015)