Crise au Burundi : Khadja Nin en pleine campagne de sensibilisation
Société

La Dernière Heure, 07 juin 2015 

Pour sauver le Burundi de la guerre civile, Khadja Nin sort de sa retraite

 Face à la situation politique au Burundi, Khadja Nin (photo) a décidé de sortir de sa retraite. "Il y a un mois, je ne pensais jamais que je me retrouverais aussi présente dans les médias. Je ne l’ai pas cherché. Mais je n’ai pas pu, pas voulu non plus, me taire, face à ce qui se passe au Burundi".

Khadja Nin est à Bruxelles pour quelques heures. Ensuite, ce sera Paris et peut-être, dans la foulée, l’Afrique du Sud. Motif de ces voyages : la situation politique au Burundi.

"En fait, il y a un mois, j’étais dans ma petite maison piquée au milieu du Mali. Je n’étais pas complètement coupée du monde mais je voulais en savoir plus sur la situation dans mon Burundi. Du coup, je suis revenue en Belgique. Le lendemain, j’étais sur la Première, dans la matinale. Ensuite, les rendez-vous se sont enchaînés. Je veux tout tenter pour qu’on entende ma voix et, à travers elle, la voix de toutes les mamans du Burundi. Nous ne voulons pas que nos enfants vivent dans la peur. Nous ne voulons pas que nos enfants soient forcés de devenir de meurtriers."

Au cœur de ce combat : un homme, un seul. Pierre Nkurunziza. Le président burundais qui arrive au terme de son second mandat. La constitution et, surtout, les accords d’Arusha, qui ont ramené la stabilité et la paix au Burundi, prévoient une limitation des mandats présidentiels. Comme en République démocratique du Congo, comme au Rwanda. Deux mandats consécutifs sont la limite fixée par la Constitution.

"La communauté internationale est d’accord sur ce point. Il doit partir. Barack Obama l’a dit clairement. Kofi Annan, l’ex-secrétaire général des Nations unies, qui a l’image du sage en Afrique, a été tout aussi clair. Même les anciens présidents burundais lui ont demandé de faire un pas de côté. Mais ce monsieur semble être sourd et persiste dans sa volonté de se représenter malgré la colère de la rue, malgré les morts. C’est criminel. Un pays tout entier ne peut être pris en otage par l’entêtement mortel d’un seul homme."

Aujourd’hui, une amorce de dialogue a repris entre certaines formations politiques de l’opposition et le pouvoir en place. La semaine dernière, une réunion des présidents de l’Afrique de l’Est, en Tanzanie, a appelé Nkurunziza à reporter les premiers scrutins locaux qui étaient prévus pour ce vendredi 5 juin. Un appel entendu. Mais les chefs d’Etat de la région se sont bien retenus de se prononcer sur le 3e mandat.

"À quoi ce sommet a-t-il servi si ces messieurs n’ont pas posé les vraies questions? Un report du scrutin était inévitable. Toutes les ONG, tous les observateurs, les missions diplomatiques ont clamé d’une seule voix que dans le contexte actuel, il était impossible d’organiser des élections crédibles. Ce report est sain mais ne fait que mettre sous cloche le débat. La question essentielle est queNkurunziza veut rester. Le dialogue qui s’amorce n’est guère crédible. Tant qu’il n’accepte pas de céder sur la question de sa candidature, ils vont discuter de quoi? Et pendant ce temps, la police s’est organisée. On entend qu’il y a moins de mobilisation. Vous imaginez que depuis plus de quarante jours, il y a des Burundais qui descendent quotidiennement dans la rue, pacifiquement, pour dire non au troisième mandat. Tous les jours, ils reçoivent des coups. Tous les jours, ils prennent des risques énormes. Ceux-là n’abandonneront pas. Aujourd’hui, la situation s’envenime dans tout le pays. L’information peut mettre du temps à circuler. Les réseaux sociaux ne sont pas très développés chez nous. Par ailleurs, qui se passe au Burundi est scruté attentivement par nombre de pays voisins. Un échec du respect de la constitution chez nous serait une catastrophe pour l’avenir de toute la région, de toute l’Afrique et même pour le monde entier. Comment les institutions internationales pourraient-elles demeurer crédibles si ce monsieur reste au pouvoir malgré ce qui a été dit aux quatre coins du monde? Comment voulez-vous que les enfants du Burundi aient encore confiance dans leur constitution et dans la démocratie si ce monsieur peut, seul, tout renverser pour son intérêt personnel ?

HUBERT LECLERCQ