Quelle thérapie diplomatique pour le Burundi ?
Opinion

Le Pays, 09/06/2015

Appel au dialogue de l’OIF au Burundi :

Doit-on négocier avec un voleur-tueur ?

 Quelle thérapie pour le Burundi ? That is the question que tout le monde se pose, tant le pays va à vau-l’eau. En effet, cela fait plus d’un mois que le pays est sens dessus dessous. La violence y est devenue la chose la  plus courante, si fait que chaque jour qui passe, on dénombre de nombreux cadavres sur le carreau.

Le Burundi brûle, mais le pasteur-président Pierre NKurunziza avance, convaincu qu’il aura tout le monde à l’usure. Et pour ne rien arranger, la communauté internationale, plutôt que de se montrer ferme, se résout à appeler les acteurs de la crise au dialogue.

C’est le cas par exemple de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui, après avoir rencontré l’opposition et les autorités burundaises, demande instamment la reprise du dialogue. Certes, rien ne vaut le dialogue, puisque comme le dit l’adage, « toute guerre finit autour d’une table ». Mais encore faut-il que soient réunies les conditions d’un dialogue franc et sincère. Dans le cas du Burundi, les choses sont claires.

Pierre NKurunziza veut tricher en briguant un troisième mandat que lui interdisent pourtant les Accords d’Arusha. Et ce faisant, il trouve moyen de tirer sur tous ceux-là qui tentent de lui barrer la route, transformant son pays en une nécropole à ciel ouvert. La course-poursuite entre manifestants et forces de l’ordre dans les rues de Bujumbura, est telle que l’on a parfois l’impression d’assister à une battue.

Alors, question : doit-on dialoguer avec un voleur (il est en passe de voler un mandat qui lui est interdit) doublé d’un tueur (il a beaucoup de sang sur les mains) ? Faut-il négocier avec un brigand pour qu’il consente à remettre la chose volée ? A vrai dire, hormis la Belgique et dans une moindre mesure les Etats Unis, on a la fâcheuse impression que la communauté internationale est en train de ménager les susceptibilités de Pierre NKurunziza. Personne ne veut prendre le risque de l’irriter. Tous ou presque marchent comme sur des œufs.

Le diplomatiquement correct est la meilleure manière   pour la communauté internationale d’encourager les dictatures

A titre d’exemple, on sent  beaucoup de complaisance et de couardise dans les propos du chef de mission de l’OIF. Morceaux choisis : « il faut que la communauté internationale fasse pression, dans le bon sens du terme, tout en respectant la souveraineté du Burundi, pour que les partenaires au dialogue débouchent sur une solution positive qui ouvre des perspectives pour ce pays merveilleux. Il n’est pas question d’imposer aux Burundais quelque chose qui vient de l’extérieur (…) », a déclaré, « inquiet », Pascal Couchepin.

Si l’on était à l’opéra, sans doute que cette intervention aurait provoqué une véritable hilarité, tant, en elle-même, elle est pleine de contradictions. Mais face au drame qui se joue au Burundi, la raison et le bon sens commandent que l’on évite d’esquisser le moindre sourire. Car il faut le dire, le diplomatiquement correct est la meilleure manière qui soit pour la communauté internationale d’encourager les dictatures.

Sinon comment l’OIF entend-elle mettre la pression sur Nkurunziza, tout en s’employant à respecter la souveraineté du Burundi ? C’est tout simplement aberrant voire hypocrite. Plutôt que d’user de la langue de bois, l’OIF aurait pu aller plus loin en suspendant le Burundi, comme n’hésite pas souvent à le faire le Commonwealth. Du reste, Abdou Diouf, le Secrétaire général d’alors de  l’OIF, avait dit ses quatre vérités à Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire.

En tout cas, Michaelle Jean est attendue sur ce dossier burundais. Elle ne doit pas faire moins que son prédécesseur, à moins d’avoir pris le parti des dictateurs au détriment des peuples. C’est d’ailleurs l’impression qu’elle en donne, au regard de la position de l’institution qu’elle dirige face à la crise burundaise qui n’en finit pas. A elle donc de nous prouver le contraire en prenant des mesures fortes à l’encontre du gymnaste devenu depuis peu, le boucher de Bujumbura.

Boundi OUOBA

NdlR : Le Pays est un quotidien d'un groupe de presse privé du Burkina Faso