Burundi : le camp présidentiel absent de la reprise du dialogue politique
Politique

@rib News, 23/06/2015 – Source AFP

L'ONU a repris mardi à Bujumbura sa médiation dans la crise politique burundaise en présence de la société civile, de l'opposition et des chefs religieux du pays, mais en l'absence notable du camp présidentiel, a-t-on constaté sur place.

Un nouveau médiateur, le Sénégalais Abdoulaye Bathily, représentant de l'ONU en Afrique centrale, est arrivé dimanche à Bujumbura, une semaine avant les élections législatives et communales controversées prévues le 29 juin. L'opposition conteste leur tenue et la communauté internationale réclame leur report, estimant les conditions pas propices.

Son prédécesseur, l'envoyé spécial de l'ONU dans les Grands Lacs Saïd Djinnit, récusé par l'opposition qui le jugeait partial, avait jeté l'éponge le 11 juin. Le dialogue, dans l'impasse depuis le début de la crise politique burundaise fin avril, avait alors totalement cessé.

Depuis le début, les discussions bloquent sur le noeud de la crise: la candidature du président Pierre Nkurunziza, déjà élu en 2005 et 2010, à un troisième mandat lors de la présidentielle du 15 juillet.

Son camp juge sa candidature parfaitement légale. Ses opposants l'estiment contraire à la Constitution et à l'Accord d'Arusha signé en 2000, qui avait ouvert la voie à la fin de la longue guerre civile (1993-2006). Les deux camps disent leurs positions non négociables sur ce point.

Mardi, une première réunion sous l'égide du nouveau médiateur a rassemblé des représentants de la société civile, dont le défenseur des droits de l'Homme Pierre-Claver Mbonimpa, les principaux opposants politiques, dont Agathon Rwasa et Charles Nditije, et les chefs des différentes religions.

Le ministre de l'Intérieur Edouard Ndiwumana, censé représenter le gouvernement, était absent. Le parti présidentiel Cndd-FDD a clairement dit ne pas vouloir participer, estimant que l'initiative, en pleine campagne à cinq jours des scrutins, visait à perturber les élections.

« La priorité (du Cndd-FDD) est la continuité de sa campagne électorale pour les communales et législatives », a déclaré le président de la formation politique, Pascal Nyabenda. « Le parti Cndd tient donc à communiquer qu'il ne participera pas au dialogue pendant cette période puisque cela semble être une (diversion) ayant pour objectif la perturbation des élections ».

Le chef du parti présidentiel a par ailleurs reproché au représentant onusien d'organiser ses réunions dans le dos des pays d'Afrique de l'Est, qui tentent eux-mêmes depuis des semaines de dénouer la crise burundaise, et d'avoir, de ce fait, un agenda caché.

La communauté d'Afrique de l'Est (EAC), qui réunit le Burundi, le Rwanda, le Kenya, la Tanzanie et l'Ouganda, a appelé à un report des scrutins, mais a depuis le début soigneusement évité d'entrer dans le débat du troisième mandat.

Affirmant au contraire que l'équipe onusienne travaillait main dans la main avec l'EAC, une source proche de M. Bathily a dit « espérer voir la partie présidentielle (...) se décider à participer aux côtés des autres parties au dialogue ».

Un opposant présent aux discussions, Jérémie Minani, s'est lui dit déçu de l'irresponsabilité du camp présidentiel, qui, selon lui, vient de démontrer qu'il ne veut pas la paix.

L'annonce officielle, fin avril, de la candidature de Pierre Nkurunziza à la présidentielle a déclenché un mouvement de protestation marqué par des manifestations longtemps quasi quotidiennes dans de nombreux quartiers de Bujumbura, mais aussi dans quelques localités de province.

Les rassemblements, interdits par le pouvoir, ont été émaillés d'affrontements entre manifestants et policiers ou membres de la Ligue des jeunes du CNDD-FDD (les Imbonerakure), qualifiée de milice par l'ONU. La répression, brutale, s'est parfois faite à balles réelles.

Au moins 70 personnes ont péri dans les violences - affrontements, répression, attentats à la grenade, assassinats - ayant émaillé la contestation, selon une ONG burundaise.

Depuis des mois, la communauté internationale craint que la situation dégénère en de nouvelles violences à grande échelle au Burundi. Elle est d'autant plus inquiète que plus de 100.000 Burundais ont déjà fui vers les pays voisins (République démocratique du Congo, Rwanda et Tanzanie) le climat pré-électoral délétère dans leur pays.