A Bujumbura, pour les législatives, les agents électoraux s'ennuient ferme
Politique

@rib News, 29/06/2015 – Source AFP

 Assis dans un centre de vote de Nyakabiga, quartier de Bujumbura, quatre agents électoraux n'ont pas mieux à faire que d'écouter à la radio le déroulement des législatives et communales burundaises. Pour eux, c'est le calme plat : les électeurs boudent le scrutin.

Peur de violences, respect du boycott décrété par l'opposition, problèmes d'accès aux centres de vote : les Burundais ne se pressaient pas aux urnes lundi en fin de matinée dans la capitale burundaise, en pointe dans la contestation populaire déclenchée par l'annonce de la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat lors de la présidentielle du 15 juillet qui suivra ces deux scrutins.

Nyakabiga est depuis deux mois un haut-lieu de cette contestation. Mais lundi, même dans les fiefs du parti présidentiel, l'affluence restait en-deça de celle des élections de 2010.

"Depuis une heure, on a accueilli deux personnes dans ce bureau sur 354 votants", explique Jean De Dieu Kubona, président d'un des bureaux de vote de Nyakabiga. Devant le bureau, pas âme qui vive. Quatre mandataires de partis politiques, du CNDD-FDD au pouvoir et deux de son allié l'Uprona, s'ennuient ferme.

"Les gens ont peur de venir voter et ils sont aussi un peu perdus car on a changé le lieu de vote à la dernière minute", explique M. Kubona, disant espérer qu'ils viendront "plus tard dans la journée en voyant que la sécurité est bien assurée".

Nyakabiga, comme d'autres quartiers de Bujumbura contestataires, a vécu une nuit cauchemardesque : explosions de grenades et tirs nourris se sont répondu toute la nuit. A cause des violences, le vote a débuté avec trois heures de retard.

Dans un autre bureau de vote, un peu plus loin, une femme musulmane couverte des pieds à la tête s'affole lorsque l'objectif d'une caméra se tourne vers elle.

"Je vous en prie, ne me prenez pas en photo car j'ai peur que les habitants de mon quartier ne me fassent du mal, car la majorité des gens de Nyakabiga ont dit qu'ils allaient boycotter le scrutin", lance-t-elle d'un air effrayé.

A l'entrée du quartier, des pavés ont été jetés dans la rue pour empêcher toute circulation. Des jeunes gens regardent attentivement ceux qui entrent et sortent. "Ces législatives et ces communales sont une tricherie condamnée par toute la communauté internationale, c'est un hold-up électoral que nous ne pouvons pas accepter", lance farouchement l'un d'eux.

- Menaces -

Dans d'autres quartiers contestataires, comme à Musaga, des habitants racontent avoir reçu des menaces de manifestants les exhortant à ne pas aller voter.

Face à ces menaces, et pour permettre aux électeurs de voter librement, la Commission électorale a décidé à la dernière minute de "regrouper et de délocaliser la plupart des bureaux de vote" des quartiers chauds de Bujumbura. Mais cela rajoute de la désorganisation à l'insécurité, et n'aide pas à la mobilisation.

A Kamenge, fief CNDD-FDD resté à l'écart des manifestations, le président d'un bureau de vote, Dismas Nduwayezu, annonce fièrement après deux heures de vote avoir déjà eu "52 électeurs sur les 455 inscrits".

Mais même là, la participation reste loin de celle des grands jours.

Devant son bureau, une dizaine de personnes seulement font la queue. Femmes en pagne, hommes en tenue de sport, jeunes gens bruyants, tous ont dû montrer patte blanche. Des dizaines de policiers montent la garde et fouillent minutieusement tous ceux qui entrent.

Dans la cour du bureau de vote, quelques dizaines attendent encore, certains assis sur des pupitres d'écoliers qui traînent dans la cour.

"Je suis venu voter parce que c'est mon droit de voter, c'est d'ailleurs un devoir pour tout citoyen", dit passionnément Ézéchiel, 35 ans, employé dans une société de téléphonie mobile qui se dit du parti au pouvoir.

Plus loin, Salima Mundanikure, une évangéliste qui porte bien la cinquantaine, assure qu'elle ne pouvait pas rater cette occasion de "choisir ceux qui vont diriger notre Burundi".

"Malheureusement, on voit que l'affluence n'a rien à voir avec celle des élections de 2005 ou de 2010, il y a peu de personnes", reconnaît-elle. "J’espère que les gens vont se ressaisir et venir plus tard dans la journée, les gens doivent comprendre que c'est un devoir", conclut-elle en levant les yeux vers le ciel avec inquiétude.