Six tués à Cibitoke : La version de la police contestée par les habitants
Sécurité

RFI, 03-07-2015

Burundi : à Cibitoke on s’interroge après l’opération policière

Au Burundi, une vaste opération policière a eu lieu mercredi à Cibitoke, l'un des quartiers phares de la contestation. Depuis 7h le matin jusque tard dans la soirée, des tirs ont retenti. Il y a 7 morts, dont un policier. La police dit avoir neutralisé un groupe armé qui avait plus tôt tué l'un de ses agents et découvert une cache d'armes.

Ce jeudi, les familles ont dû se débrouiller pour récupérer les dépouilles des victimes dans ce quartier de Cibitoke. [Photo : Une proche pleure près du corps de l'une des six personnes tuées le 1er juillet, lors d'une précédente opération de la police burundaise à Bujumbura.]

Six civils ont été tués mercredi matin juste après l’attaque menée contre une position de la police. Une attaque au cours de laquelle un agent a trouvé la mort. Il a fallu un peu plus de 24h pour que les familles elles-mêmes puissent ramasser les corps et les amener à la morgue. Ce retard a notamment été provoqué par les tirs ininterrompus de la police dans ce quartier de Mutakura, commune de Cibitoke.

Il y avait beaucoup d’émotion ce jeudi matin. Des dizaines, voire plus d'une centaine de personnes du quartier étaient venues constater les dégâts et rendre un dernier hommage aux victimes, et notamment à Panta Leon, cet agent de change bien connu à Bujumbura et à ses deux fils, tués d’une balle dans la tête.

Des amis, des fils notamment étaient en larmes. « Je suis vraiment trop triste », a confié une jeune fille, la voix étranglée. De jeunes garçons également tout aussi émus ont parlé de crimes contre l’humanité. Les habitants se sont montré des photos de famille retrouvées dans la maison.

« La mère est en Belgique, c’est une ancienne secrétaire à l’ambassade de Tripoli », a expliqué un voisin. « Il faut faire une enquête et des analyses ADN sur les armes que la police aurait retrouvées », a insisté un autre jeune. « On dit que ce sont eux qui cachaient des armes, mais c’est faux, nous, on sait qu'ils sont innocents, que ce sont des victimes », a-t-il conclu. C’est un officier de l’armée burundaise qui est venu chercher les trois corps de la famille, un cousin, qui n’a pas souhaité s’exprimer.

La version de la police est aujourd'hui contestée par les habitants de ce quartier. La police maintient mordicus qu'il s'agissait d'une opération contre un groupe armé. Lors d’un point de presse mercredi soir, le porte-parole expliquait qu’un groupe armé avait été neutralisé, celui-là qui avait attaqué la police le matin, et que cinq assaillants, et non pas six, auraient trouvé la mort. Quatre autres auraient été arrêtés. Une cache d’armes aurait été trouvée avec des armes comme des kalachnikovs, on parle aussi de grenades, de lance-roquettes. De source sécuritaire, on explique que ce groupe armé proche de l’opposition aurait reçu des armes de la part d’un réseau de soutien d’officiers de la police et de l’armée, hostiles au troisième mandat de Pierre Nkurunziza.

Ce qui est sûr, c’est que la police a bien été attaquée, mercredi matin, dans le quartier de Mutakura. Une attaque à la grenade. Un policier a ensuite été tué d’une rafale de kalachnikov. La police a également fouillé plusieurs maisons à la recherche d’armes, mais aussi d’un des leaders de la contestation, un opposant vivant dans le quartier. C’est ce qu’ont confirmé à RFI plusieurs habitants, des habitants qui croient toutefois que la police s’est vengée sur la population.

Pierre Nkurikiye, porte-parole adjoint de la police :  « Les gens peuvent être tués en s’affrontant avec la police, les gens peuvent être touchés par des balles perdues, mais la police burundaise ne tire jamais sur des gens. Si la police burundaise avait la gâchette facile, je pense que ces derniers jours, on aurait déjà trop de morts. »