Burundi : les humanitaires inquiets de la dégradation
Sécurité

La Libre Belgique, 04 juillet 2015

Alors que le président sortant burundais poursuit sa campagne électorale en vue de la présidentielle du 15 juillet - dont s’est retirée l’opposition - bien que les conditions minimales ne soient pas réunies pour la tenue d’un scrutin, selon la communauté internationale, les humanitaires s’inquiètent des effets de la constante dégradation politique.

Le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) de l’Onu a ainsi annoncé mercredi à Dar es Salam, la capitale de la Tanzanie, que le nombre de réfugiés burundais que ce pays accueille risquait bien de passer des 70 000 actuels à 250 000, voire le double, en raison de la tension créée par la présidentielle burundaise.

80 % ont vu un meurtre

L’opposition, la société civile, l’Eglise burundaises et une partie du parti présidentiel s’opposent à ce que le président Pierre Nkurunziza brigue un troisième mandat, interdit par l’Accord de paix d’Arusha, qui avait mis fin à la guerre civile (1993-2005). Comme la Constitution s’y oppose de manière moins claire, le régime a fait pression sur la Cour constitutionnelle, a dénoncé son vice-président, en fuite, pour qu’elle interprète le texte en faveur du chef de l’Etat.

Selon l’ONG International Rescue Committee (IRC), les réfugiés burundais récemment arrivés en Tanzanie font état de violences accrues : 80 % de ceux qui ont été interrogés par l’IRC affirment avoir été témoins du meurtre d’un civil avant de fuir le Burundi. Beaucoup sont sans bagage ou presque parce qu’ils ont dû prendre la fuite soudainement.

L’ONG Plan International indique, de son côté, qu’environ la moitié des réfugiés burundais qui arrivent en Tanzanie sont des enfants, souvent non accompagnés par un adulte.

Les ONG qui travaillent dans les camps de réfugiés en Tanzanie soulignent que ce nouvel afflux dépasse les capacités des camps, notamment sanitaires, ce qui pourrait entraîner des épidémies. L’ONG Save the Children demande donc au gouvernement tanzanien et au HCR d’identifier de nouveaux sites pour installer des camps de réfugiés.

De son côté, la Mission d’observation électorale de l’Onu a confirmé que les élections législatives et communales du 29 juin se sont déroulées "dans un environnement qui n’était pas propice à la tenue d’un scrutin libre, crédible et fédérateur."

Selon l’AFP, son rapport de neuf pages est "accablant"; il détaille les violences, intimidations, violations des droits de l’homme et restrictions à la liberté d’expression tout au long de la campagne électorale et dépeint "un climat de peur et d’intimidation généralisées dans certaines parties du pays".

Curieusement, les résultats de ces élections n’étaient toujours pas connus vendredi.

Reportez l’élection !

Les Etats-Unis ont réclamé le report de la présidentielle - comme l’ont fait l’Onu, l’Union africaine, l’Union européenne - et dénoncé les élections du 29 juin. Ils ont appelé le président Nkurunziza à "placer le bien-être des citoyens burundais au-dessus de ses ambitions politiques personnelles" en participant à un dialogue politique avec l’opposition et la société civile.

Les pays de l’East African Community (Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzanie, Ouganda) se réunissent à nouveau lundi à Dar es Salam pour tenter de trouver une issue à la crise. Si les chefs d’Etat de ces pays ne sont pas forcément opposés à ce que M. Nkurunziza s’accroche au pouvoir, ils voient d’un mauvais œil qu’il ne contrôle pas la situation et leur crée des problèmes.

MARIE-FRANCE CROS (AVEC AFP)