Burundi : Face ŕ l’entętement de Nkurunziza, le pire reste ŕ craindre …
Diplomatie

La Libre Belgique, 09 juillet 2015

N’oublions pas le Burundi… en vacances

 Un texte d'hommes politiques belges et d'une ancienne ministre italienne (voir ci-dessous l'intégralité des signataires*).

Face à l’entêtement du président Nkurunziza, le pire reste à craindre pour la population burundaise. Nous lançons un appel pour éviter que ce pays d’Afrique centrale tombe dans la tragédie.

Depuis le 25 avril, date de l’annonce officielle de la volonté du Président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat anticonstitutionnel, le pays est à feu et à sang. Nous exprimons notre forte préoccupation quant au nombre de victimes et aux cas de violations graves des droits humains, notamment attribuées aux forces de police, de sécurité et aux "Imbonerakure". Des manifestations pacifiques ont été organisées et fortement réprimées par la police. A ce jour, les blessés se comptent par centaines, 1 000 personnes ont été arrêtées et environ 140 000 Burundais ont fui dans les pays voisins. Or, force est de constater que toutes les tentatives de médiation, qu’elles soient burundaises, africaines, européennes ou internationales, ont échoué.

Tout porte à croire que les élections présidentielles, prévues pour le 15 juillet prochain, seront organisées malgré la multiplication des mises en garde. Face à l’entêtement du Président et de son cercle proche, le pire reste à craindre pour la population burundaise.

Il faut à tout prix éviter que le pays se renferme sur lui-même, après la fuite à l’étranger de la population, des journalistes, des opposants politiques, des militants et des expatriés. L’Histoire est là pour nous rappeler qu’une telle situation peut avoir des conséquences très graves, surtout si la dimension ethnique devait ressurgir.

La dégradation de la situation politique, économique et sécuritaire du pays comporte des effets graves pour la population et des risques évidents pour la région toute entière.

Nous lançons ici un appel à la paix et au désarmement des milices, en particulier des jeunes "Imbonerakure" du CNDD-FDD, le parti au pouvoir. Nous lançons également un appel à la raison à l’attention de Pierre Nkurunziza, mais aussi de son entourage le plus proche.

Nous lançons un appel pour que le processus électoral soit libre, pacifique, transparent et équitable et se déroule dans le respect de toutes les libertés politiques, y compris la liberté d’expression. En aucun cas, les élections législatives et communales du 29 juin ne peuvent être validées car ces conditions n’ont pas été réunies.

De même, nous lançons un appel pour que les élections présidentielles soient reportées. Les conditions énoncées pour des élections libres et démocratiques ne sont actuellement pas réunies.

Nous plaidons pour une période de transition permettant un vrai dialogue. La proposition des pays de la région et de la communauté internationale pour une médiation doit être saisie. Des mesures restrictives ciblées doivent viser les personnes responsables de cette situation de crise. Les visas de ces personnes doivent être retirés et leurs avoirs, situés en Belgique et en Europe, gelés. Nous encourageons la Cour pénale internationale (CPI) à instruire les dossiers qui lui ont été soumis et à prendre les dispositions nécessaires pour poursuivre les responsables.

Quant à l’aide au développement, elle doit être réorientée pour bénéficier directement à la population burundaise, sans passer par des institutions ayant perdu leur légitimité. Il ne faut surtout pas laisser tomber la population civile.

En parallèle, nous préconisons la mise en place d’observateurs sous l’égide de l’Onu. Ces personnes, non armées, ne seraient pas envoyées en tant qu’observateurs des élections, mais bien en tant que témoins d’une situation de crise et accompagnateurs du processus de retour au calme. Les conditions favorables au retour des réfugiés doivent également être mises en place.

Nous réitérons l’appel au rétablissement de l’espace public, tant en matière de liberté d’expression que de liberté de la presse.

Une solution doit également être trouvée de toute urgence pour les manifestants emprisonnés abusivement, pour les victimes des violences policières et, enfin, pour les réfugiés. Nous exhortons également les autorités burundaises à faire la lumière sur les cas de violation des droits humains et à amener les responsables devant la justice.

L’objectif de notre appel est de permettre aux Burundais de retrouver, le plus rapidement possible, une vie normale, sans peur. Le pays pourra alors retrouver la voie de la réconciliation, sans laquelle il n’a pas d’avenir.

Le Burundi connaît actuellement un déni de démocratie avec une banalisation effrayante. Il ne faudrait pas constater, au retour des vacances, que des actes irréversibles ont été commis.

* André Flahaut (PS), Jean-Pascal Labille (PS), Guy Verhofstadt (Open VLD), Louis Michel (MR), Cécicle Kyenge, ancienne ministre italienne de l’Intégration.