Burundi : négociations compliquées par le forcing du pouvoir sur la présidentielle
Politique

@rib News, 17/07/2015 - Source AFP

En pleine crise politique, le président burundais Pierre Nkurunziza a poursuivi vendredi sans sourciller sa campagne à un troisième mandat, promettant lors de deux meetings électoraux dans le nord "cinq années supplémentaires de paix", s'il était réélu mardi.

Arc-boutée contre cet éventuel troisième mandat, jugé anticonstitutionnel, l'opposition entend boycotter l'élection présidentielle prévue le 21 juillet, comme elle a boudé le 29 juin les législatives et les communales, mais le président n'en a cure.

Loin des négociations qui se poursuivent dans un climat tendu à Bujumbura, lors desquelles l'opposition tente d'arracher au pouvoir un report des élections, M. Nkurunziza a mené campagne dans les provinces septentrionales de Cibitoke et de Kayanza, théâtres d'affrontements sporadiques depuis une semaine entre groupes armés et armée régulière.

A Ndora, au sommet d'une des collines escarpées qui parsèment le paysage, et sous un soleil de plomb, il a expliqué à la population, tenue à distance par un fort cordon policier et militaire, qu'il avait apporté depuis son élection en 2005 la paix et la sécurité.

"Si vous choisissez le (candidat du parti) CNDD-FDD, vous êtes assurés d'avoir la paix durant les cinq ans à venir", a-t-il lancé à une foule de 1.500 à 2.000 personnes.

Ndora est située dans la province de Cibitoke, à une centaine de kilomètres au nord de la capitale Bujumbura. C'est là que l'armée burundaise avait exhibé il y a quelques jours des combattants présentés comme des rebelles faits prisonniers par l'armée.

Le président a également affirmé avoir renforcé la démocratie et la bonne gouvernance et promis de multiplier les projets de développement, assurant qu'il allait doter cette province rurale de routes, d'un hôpital, d'une université, d'écoles et d'un réseau électrique. Avant d'enchaîner sur un autre meeting de campagne dans la province voisine de Kayanza.

A Bujumbura, les négociations pour tenter de trouver une issue à la crise ont parallèlement repris en début d'après-midi avec trois heures de retard sur le programme prévu.

La volonté du pouvoir - réaffirmée jeudi soir - d'organiser coûte que coûte mardi l'élection présidentielle a exacerbé les tensions, certains responsables de l'opposition menaçant de claquer la porte.

"Si le gouvernement persiste dans cette voie, on peut se demander pourquoi négocier", a réagi vendredi une des figures de l'opposition, Charles Nditije.

"La décision du gouvernement signifie qu'il veut faire cavalier seul, qu'il ne veut pas de dialogue, au risque d'enfoncer ce pays dans une crise encore plus profonde, porteuse de tous les dangers", a-t-il dit.

De son côté, l'ancien président Domitien Ndayizeye s'est dit prêt à poursuivre les négociations.

"Si ces élections présidentielles ont bien lieu mardi, elles pourront être annulées ou ne pas être reconnues", a-t-il déclaré.

Autour de la table, les délégués du gouvernement, du parti présidentiel CNDD-FDD, de l'opposition et de la société civile, ainsi que deux anciens chefs de l'État burundais négocient toujours sous l'égide du ministre ougandais de la Défense, Crispus Kiyonga, venu prendre le relais de son président Yoweri Museveni.

M. Museveni avait été mandaté par les pays de la Communauté est-africaine (EAC) pour dénouer la crise née fin avril de la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat. Il avait quitté Bujumbura mercredi après avoir obtenu des parties un engagement à négocier "sans discontinuer".

L'opposition estime que la candidature de M. Nkurunziza à un troisième mandat viole la Constitution, mais aussi l'accord d'Arusha, signé en 2000, qui avait permis la fin de la sanglante guerre civile au Burundi (300.000 morts entre 1993 et 2006).

Depuis fin avril, un mouvement de contestation populaire émaillé de violences a fait plus de 80 morts. Après l'échec d'un coup d'État militaire mi-mai, les violences se sont intensifiées, avec depuis quelques jours des combats entre l'armée et un groupe armé dans le nord du pays, dans des provinces frontalières du Rwanda et de la République démocratique du Congo (RDC).

Vendredi "trois rebelles ont été tués et un fusil saisi" lors "d'une embuscade tendue par l'armée à l'aube dans la forêt de Bukinanyana", dans la province de Cibitoke, a déclaré le porte-parole de l'armée, le colonel Gaspard Baratuza.