Flou total à la veille de la présidentielle au Burundi
Politique

La Libre Belgique, 20 juillet 2015

A Bujumbura, la capitale burundaise, les négociations entre le pouvoir et l’opposition, arbitrées par l’Ouganda, ont été suspendues ce dimanche matin. A un peu plus de 24 heures du scrutin présidentiel, la troisième candidature du président Pierre Nkurunziza, à l’origine des tensions que connaît le Burundi depuis la fin avril, est plus que jamais d’actualité.

Les représentants du pouvoir en place ne se sont pas présentés à la table des négociations politiques avec l’opposition ce dimanche matin.

Une politique de la chaise vide prévisible depuis samedi soir et la sortie du ministre de l’Intérieur burundais, Edouard Nduwimana, qui avait expliqué que sa délégation aurait très certainement d’autres obligations, pour ce jour, comme la désignation des administrateurs communaux, la messe et obligations sociales.

En fait, le gouvernement avait demandé samedi une suspension de session pour pouvoir procéder à des consultations. Les deux ministres présents expliquaient qu’ils avaient découvert l’existence d’un document - pourtant publié il y a plusieurs jours déjà et auquel le camp présidentiel faisait déjà référence dans les débats.

Ce document, signé par plusieurs partis de l’opposition, appelle à l’organisation d’une réunion des forces d’opposition de l’intérieur et de l’extérieur à Addis-Abeba en Ethiopie… Il annonce aussi la création prochaine d’un conseil national pour la restauration de l’Accord d’Arusha qui a mis fin à la guerre civile dans le pays.

La phrase que dénonce le gouvernement ? "Le conseil saura pleinement jouer le rôle qui lui incombe comme garant de la légalité et des institutions." Pour les ministres burundais, cette phrase est inacceptable et démontre, selon eux, que les signataires de ce texte, présents ou non à la table des négociations, "entendent poursuivre leur entreprise putschiste".

"Coup de force"

Pour l’opposition, il est évident que "le gouvernement n’avait aucune intention de discuter et profite de la moindre possibilité qu’il se donne pour continuer son tour de force", comme l’explique un des négociateurs que nous avons joint hier après-midi. Un négociateur pour lequel "il ne fait aucun doute que les dés sont pipés et que le pouvoir en place entend simplement gagner du temps et mettre tout le monde devant le fait accompli. Mais qu’ils ne pensent pas que le scrutin, s’il doit avoir lieu mardi, calmera les esprits. Nous sommes déterminés à nous battre. Le droit est de notre côté. La communauté internationale devrait être beaucoup plus soucieuse de ce qui est en train de se dérouler chez nous. D’autres chefs d’Etat de la région sont très attentifs, eux qui voudraient aussi prolonger leur règne au détriment de leur constitution. Ce scrutin, s’il a lieu le 21 juillet, sera une farce tragique".

En Ouganda voisin, Jean-Marie Henzimana, alias Mashoke, journaliste vedette de la Radio publique africaine, fermée par le pouvoir, suit l’évolution de près. "J’ai dû fuir parce que les forces de l’ordre recherchaient tous ceux qui ont donné la parole aux putschistes. J’ai donc dû fuir avec ma famille en Ouganda. Mais même ici, nous ne sommes pas à l’abri. Les services de renseignement burundais sont très présents. Je ne sors pratiquement pas et c’est d’ailleurs ce que m’a conseillé la police ougandaise. Des amis m’ont aidé à sortir du pays. Aujourd’hui, je suis encore poursuivi pour avoir fait mon métier, juste mon métier." 

H. LE.