Nkurunziza "proche du peuple" pour les uns, "impitoyable" pour les autres
Politique

@rib News, 20/07/2015 – Source AFP

Le président burundais Pierre Nkurunziza, qui brigue mardi un troisième mandat que ses adversaires jugent anticonstitutionnel, se pose en "père de la Nation", mais ceux qui le connaissent le qualifient d'"impitoyable".

Grand sportif, protestant "born again" prosélyte, ce Hutu - l'ethnie majoritaire - de 50 ans au crâne rasé et à la carrure d'athlète est taxé de "populiste" par ses adversaires.

Au pouvoir depuis 2005, il n’a jamais renoncé à se représenter en 2015, quitte à diviser son petit pays des Grands Lacs. La contestation soulevée par sa candidature a entraîné la mort de plus de 80 personnes depuis fin avril, tandis qu'à la mi-mai, des militaires ont tenté, en vain, de le renverser.

Formé par des années de maquis, "Nkurunziza est quelqu'un qui a un instinct de survie et de maintien au pouvoir très élevé, quelqu'un de très calculateur qui s'est mis à travailler pour sa prochaine réélection dès qu'il a été élu en 2005", assure Innocent Muhozi, président de l'Observatoire de la presse au Burundi (OPB).

"Ce sont ses détracteurs qui tiennent ce genre de discours", rétorque le responsable de la communication présidentielle, Willy Nyamitwe, qui détaille sa semaine de travail: du lundi au jeudi, le président rejoint son bureau à 06H30 après une heure de natation, repart dans l'après-midi pour une partie de football ou de basket. Puis "il monte à l'intérieur du pays à la rencontre de la population, pour s'adonner aux travaux communautaires, avant de consacrer le dimanche à sa famille".

Un emploi du temps qui fait tiquer ses détracteurs. "Ce président passe son temps à construire des écoles, pétrir le ciment ou la boue, jouer au football ou prier et n’a pas le temps de s’occuper des dossiers", ironise Léonce Ngendakumana, président du parti d'opposition Frodebu.

M. Nkurunzia se déplace rarement sans son équipe de football et sa chorale, jouant avec des équipes locales et organisant des prières là où il passe.

Pour ses nombreux partisans, cela ne l'empêche pas d'avoir réalisé une œuvre "titanesque", notamment la construction de plus de 5.000 écoles et dix stades omnisports, dont un, dans sa localité natale, à Buye (nord), lui est exclusivement réservé.

- 'Volonté divine' -

Pierre Nkurunziza est né le 18 décembre 1964 dans une famille aisée. En 1972, son père est tué lors de massacres interethniques qui déciment l'élite hutu.

"Nkurunziza, comme la plupart des dirigeants de la rébellion des FDD" formée au début de la longue guerre civile (1993-2006), "est un orphelin de 1972", explique un haut fonctionnaire.

A la sortie du lycée, il veut devenir officier ou économiste: impossible, du fait des restrictions contre les Hutu instaurées par le pouvoir tutsi d'alors. En 1991, il devient finalement professeur d'éducation physique.

Il rejoint la rébellion hutu en 1995. Gravement blessé, il survit quatre mois dans des marécages. De là date sa conversion au christianisme évangélique: Dieu, dit-il, lui est apparu pour lui annoncer qu'il dirigerait un jour le Burundi.

"Nkurunziza croit en effet qu'il est président de la République de par la volonté divine" et "organise donc toute sa vie et sa gouvernance" en conséquence, confirme son porte-parole. Chaque année, lors de grandes "croisades de prières", le président et son épouse, pasteure évangéliste, prêchent devant citoyens et hauts responsables.

Alexis Sinduhije, opposant en exil, doute pourtant de cette piété affichée: "La pauvreté s'est accrue, les violations des droits de l'Homme sont la règle et la corruption s'est généralisée depuis que Nkurunziza est au pouvoir".

Au-delà de l'opposition et de la société civile, les velléités de réélection de M. Nkurunziza ont été contestées jusque dans son parti. Le CNDD-FDD l'a désigné comme candidat fin avril, mais quelque 130 cadres du parti se sont publiquement opposés à un troisième mandat. Tous ont perdu leurs postes, certains se retrouvant en prison, d'autres choisissant la clandestinité.

Deux caciques du régime, le président de l'Assemblée nationale Pie Ntavyohanyuma et le second vice-président burundais Gervais Rufyikiri, qui s'étaient publiquement opposés à cette candidature, ont pris le chemin de l'exil, tout comme le vice-président de la Cour constitutionnelle ou deux membres de la Commission électorale qui ont dénoncé menaces et pressions.

"Sous ses dehors de gentil, c'est un homme impitoyable", résume un ex-proche du président, "gare à ceux qui vont se mettre en travers de sa route".