Présidentiel au Burundi : faible participation et critiques internationales
Politique

@rib News, 21/07/2015 – Source AFP

Violences, boycott et participation en berne: le président burundais Pierre Nkurunziza, qui briguait mardi un troisième mandat controversé, s'acheminait vers une victoire au terme d'une présidentielle qui laisse peser de lourdes interrogations sur l'avenir de son pays.

Fin avril, sa candidature à un troisième mandat, jugée anticonstitutionnelle par l'opposition, l'Eglise catholique et la société civile, avait mis le feu aux poudres. Elle avait suscité un mouvement de contestation populaire maté au bout de six semaines d'une violente répression policière, suivie d'un coup d'Etat déjoué et enfin de violences armées, dans la capitale et le nord du pays notamment.

Mardi, alors que la crise a déjà fait 80 morts et poussé plus de 160.000 Burundais à se réfugier dans les pays voisins, le scrutin s'est ouvert dans un climat délétère. A Bujumbura, un policier a été tué dans la nuit par l'explosion d'une grenade et un civil - un cadre d'un parti d'opposition selon sa formation - a été retrouvé mort dans des circonstances indéterminées.

L'élection s'est poursuivie dans un calme relatif mais dans une ambiance empreinte de méfiance et d'inquiétude.

Dans de nombreux bureaux de vote, les gens effaçaient l'encre de leur doigt à la sortie de l'isoloir par peur de représailles de la part d'opposants appelant au boycott. "Je ne veux pas retourner dans mon quartier avec de l'encre sur le doigt", confiait ainsi une électrice dans le quartier de Gihosha, au nord-est de la capitale.

De son côté, le président Pierre Nkurunziza, 50 ans, imperturbable, a accompli son devoir électoral en affichant une certaine décontraction.

Fan de ballon rond et protestant "born again" prosélyte, il s'est rendu en vélo au bureau de vote de son village natal de Buye (nord) et a glissé son bulletin dans l'urne vêtu d'un jogging bleu orné de l'écusson de son équipe de football.

A 16H00 (14H00 GMT), le dépouillement des bulletins avait débuté dans l'essentiel des bureaux, sans qu'aucune date n'ait été donnée pour la proclamation des résultats.

Après la très large victoire - sans surprise - du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, aux législatives et communales du 29 juin, déjà boycottées par l'opposition, celle de Pierre Nkurunziza à la présidentielle ne fait de doute pour personne.

L'opposition appelait au boycott du scrutin, jugeant le troisième mandat de Pierre Nkurunziza, élu en 2005 et 2010, contraire à la Constitution et surtout à l'Accord d'Arusha, dont la signature en 2000 a permis la fin de la guerre civile qui fit 300.000 morts entre 1993 et 2006.

- 'Pluralisme de façade' -

Officiellement, M. Nkurunziza n'était pas seul en lice. Outre trois candidats issus de petites formations réputées alliées au pouvoir, il affrontait son principal opposant Agathon Rwasa, qui a contesté à l'avance la légitimité du scrutin, et trois autres candidats de l'opposition (dont les deux anciens chefs de l'Etat Domitien Ndayizeye et Sylvestre Ntibantunganya) qui se sont retirés de la course en dénonçant "une mascarade".

"Malgré un pluralisme de façade, il s'agit d'une élection à un seul candidat dont les Burundais connaissent déjà l'issue", a commenté Thierry Vircoulon, de l'International Crisis Group.

Quelque 3,8 millions de Burundais étaient appelés à se déplacer, mais à Bujumbura comme en province, la mobilisation mardi restait en règle générale inférieure à celle des législatives du 29 juin.

Plusieurs bizarreries ont également été constatées dans différents bureaux selon un journaliste, des procès-verbaux vierges étant signés par les assesseurs avant même le début du dépouillement.

La participation dans plusieurs bureaux de vote de la capitale oscillait entre 15 et 20%, a constaté un journaliste, et n'a pas dépassé 2% dans le quartier de Musaga, hostile au président sortant, où les militaires et les policiers étaient les principaux votants.

"Je ne vais pas voter, je n'accepte pas ces élections, je n'accepte pas le troisième mandat", a expliqué un habitant de ce quartier.

De fait, les lendemains de victoire risquent d'être compliqués, avec un Burundi divisé, isolé sur la scène internationale et privé d'une aide extérieure cruciale alors qu'il figure parmi les dix pays les moins développés au monde.

Les Etats-Unis ont estimé mardi que la présidentielle n'était pas "crédible" et discréditait encore "davantage" le gouvernement. Plus tôt dans la matinée, Didier Reynders, le ministre des Affaires étrangères de la Belgique, un important partenaire du Burundi, avait "regretté" l'organisation de ces élections et rappelé que la Belgique allait "réexaminer sa coopération" avec son ancienne colonie.