Bujumbura : retour à Musaga, désormais calme, mais la colère gronde toujours
Société

@rib News, 23/07/2015 - Source AFP

La vie semble avoir repris un cours normal à Musaga, comme si ce quartier de Bujumbura, haut-lieu de la contestation contre Pierre Nkurunziza, s'était résigné à la victoire électorale d'un président qu'il honnit. Mais colère et frustration couvent et ne demandent qu'à exploser.

Le président Nkurunziza, dont la candidature à un troisième mandat - inconstitutionnelle, selon ses adversaires - a plongé son pays dans une grave crise émaillée de violences meurtrières, semble assuré de remporter dès le premier tour la présidentielle de mardi dernier, boycottée par l'opposition.

"C'est vrai, la messe semble dite car la Cour constitutionnelle (qui a validé sa candidature) et la Céni (Commission électorale) lui ont donné raison, l'armée et la police sont à lui, mais c'est clair également que ça ne sera pas facile pour lui car (...) personne au monde n'a vaincu jusqu'ici un peuple déterminé", claironne Léonard, 32 ans, au chômage comme de nombreux habitants du quartier, où la crise a fait empirer la situation.

Six semaines durant, Musaga, dans le sud de Bujumbura, fut un haut-lieu des manifestations quasi quotidiennes qui agitèrent la capitale et furent réprimées dans le sang, parfois à balles réelles.

A la mi-mai, une tentative de coup d'Etat militaire a suscité quelques heures d'espoir, avant d'être déjouée.

Depuis la mi-juin, la police tient le quartier: les barricades ont disparu, la fumée noire des pneus enflammés ou des gaz lacrymogènes s'est dissipée, les balles des forces de sécurité ne sifflent plus. La circulation a repris, des femmes et leurs bidons jaunes se bousculent près d'une fontaine, des enfants jouent en criant.

- 'Nous sommes assassinés' -

Mais "ce n'est pas fini, on n'accepte pas et on n'acceptera pas ce troisième mandat de Nkurunziza et on va s'y opposer de toutes nos forces", assure Kevin, autre chômeur de 22 ans. "Il ne pourra rien contre la colère de la population", ajoute t-il. "On accepte pas", "nous allons nous défendre", gronde le petit groupe qui l'entoure: hommes âgés, jeunes hommes et femmes, lycéens en uniforme.

"Nous sommes en colère, mais ce n'est pas une colère qui est née aujourd'hui", explique d'un ton passionné Gaspard, étudiant de 22 ans, dénonçant "la corruption qui gangrène le pouvoir, les nombreux cas d'exécutions extrajudiciaires, d'arrestations arbitraires et de torture".

"Aujourd'hui encore nous sommes assassinés par ceux qui devraient nous protéger, les arrestations et les disparitions se poursuivent dans le quartier, alors qu'il n'y a plus de manifestations, mais tout cela va changer", lance-t-il.

L'actuel "mandat de Nkurunziza se termine le 26 août, après, on n'aura plus de président. On va s'y opposer par la force car c'est le seul recours qui reste", jure Gaspard sous les approbations.

Comme d'autres quartiers, Musaga a payé sa contestation au prix du sang et assure être désormais déterminé à se défendre, "pour qu'on ne continue pas de nous tuer comme des mouches", explique un homme refusant de donner son nom.

Plus loin, deux jeunes du quartier confirment qu'il y a déjà des armes à Musaga. "Pas beaucoup, pas autant qu'en ont reçu les Imbonerakure", explique l'un d'eux. Ces membres de la Ligue de jeunesse du parti présidentiel CNDD-FDD, qualifiée de "milice" par l'ONU, sont accusés par les opposants à M. Nkurunziza d'être des nervis chargés de leur faire la chasse et de faire régner la peur.

"Musaga n'est pas aussi calme qu'il le paraît (...) Tous ces policiers assis ici verront que les choses ont changé", menace le second, montrant les nombreux policiers, kalachnikov en bandoulière, qui quadrillent le quartier.